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Interview /Célébration de la Journée internationale de la Femme au Bénin / Mme Léontine Idohou Konou : « Les femmes doivent voter pour les listes où nous aurons des femmes en bonne position »


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Mme Léontine Idohou Konou, Pharmacienne, elle est la Présidente du Réseau pour l’intégration des Femmes, des ONG et Associations africaines (RIFONGA), section Bénin et Vice présidente de la Commission nationale de Gouvernance, du Mécanisme Africain d’Evaluation pour les pairs (CNG-MAEP). A l’occasion de la célébration de la Journée internationale de la Femme (JIF), édition 2015,  elle partage ici ses points de vue sur le thème retenu pour cette année. Elle estime par ailleurs, que nos Chefs d’Etat doivent fixer des conditionnalités pour atteindre l’objectif 2030 fixé par les Nations Unies afin de réaliser l’égalité des sexes.

 

Ph/Dr- Mme Léontine Idohou Konou, Présidente du RIFONGA-Bénin et Vice-présidente du MAEP-Bénin.

Ph/Dr- Mme Léontine Idohou Konou, Présidente du RIFONGA-Bénin et Vice-présidente du MAEP-Bénin.

L-Integration : Mme Idohou Konou, en tant que présidente du Rifonga-Bénin  vous avez – vous et les femmes de votre réseau avec l’appui des partenaires – mené un combat pour le positionnement des femmes sur les listes électorales à travers tout le pays, il y a quelques années. Où en êtes-vous aujourd’hui avec ce combat ? L’édition de la JIF 2015 coïncide bien avec les prochaines joutes électorales, pensez-vous que les femmes sont mieux positionnées cette fois-ci ?

Léontine Idohou Konou : Le combat continue ! A l’heure où je parle les équipes sont déjà à Parakou pour continuer le même combat : la sensibilisation au niveau des Universités en commençant par l’Université de Parakou. Et l’autre semaine, nous avons organisé également des échanges d’expériences de stratégies entre les femmes et les femmes candidates. Nous continuons le combat parce que les objectifs ne sont pas encore atteints. Surtout que les listes pour les législatives sont en train de sortir et le positionnement pose toujours problème.

Le constat est que, très peu de listes comportent de femmes en bonne position. Elles sont éparpillées et occupent les positions de 3ème, 4ème.  Des positions où on est presque sûr qu’elles ne vont pas s’en sortir.  Ce qui veut dire que le travail  que nous faisons (pas nous seulement, il y a d’autres réseaux également) ne porte pas encore de fruits. Malgré les sensibilisations, le plaidoyer, le lobbying, la formation des journalistes par rapport à la campagne électorale prochaine.

Mais j’attends la liste des communales et municipales pour pouvoir savoir si vraiment elles seront prises en compte et bien positionnées. Car les législatives, c’est beaucoup d’argent, donc les femmes n’ayant pas beaucoup de possibilités, elles ne pourront être mieux positionnées. C’est ce qu’on est en train de leur servir pour le moment.

Vous projetez alors vos espoirs sur les communales et municipales. Croyez-vous réellement que le vide sera comblé à ces niveaux-là ?

Vous savez, c’est une lutte de longue haleine malgré tous les textes que nous-mêmes avons pris par rapport à l’égalité des sexes ; malgré la ratification de toutes les conventions par notre Etat, l’application pose problème. Même la prise en compte du genre pose encore problème à tous les niveaux ; même au niveau de l’Exécutif, on nomme les gens et on constate qu’on a régressé de 30% jusqu’à moins de 20% aujourd’hui.

Si l’application des conventions ratifiées et des textes votés posent problème, à quoi sert alors l’Institut des Femmes créé à cet effet ?

Même l’institut des femmes a organisé il y a deux semaines, (j’y étais) un débat avec les politiques. Nous avons vu des gens prendre des engagements ; mais malheureusement pour les premières listes, ce n’est pas encore ce que nous voulons. Nous avons fait la même chose au niveau de notre réseau : nous avons parcouru presque tous les départements. Des gens ont promis positionner les femmes, il y a même un parti qui voulait faire 50%, l’égalité, « le Zinzin ». Je ne sais pas si c’est au niveau communal qu’il voulait faire le Zinzin. En tout cas, pour les législatives,  je n’ai pas encore entendu que nous avons les 50%. Entre ce qu’on nous dit et la réalité, il y a encore beaucoup à faire.

Cependant, il ne faut pas que nous femmes, nous nous trompions parce qu’à l’heure T où nous sommes, nous allons vers les législatives. Il faut qu’elles-mêmes, elles nous aident dans le combat en regardant bien les listes pour lesquelles il faut voter. S’il n’y a pas de liste où il y a une femme, moi je dis qu’elles ne doivent pas voter pour cette liste-là. Elles doivent voter pour les listes où nous aurons des femmes en bonne position ; ne serait-ce que pour aider les sœurs qui se battent dans ces partis-là tous les jours. Sans compter que le code ne nous est pas favorable ; puisque la candidature indépendante a été supprimée.

Si malgré la sensibilisation, on ne retrouve pas beaucoup de candidatures de femmes pour les communales, municipales et locales, peut-on comprendre ainsi que vos actions n’ont pas porté assez de fruits ?

Est-ce que nous dirons que nos actions n’ont pas porté ? Nos actions, c’est le renforcement des capacités ; cela a été fait. Et les femmes ont dit : « Je veux y aller ! » Le problème se trouve maintenant au niveau des chefs de partis politiques. Sans compter qu’à  ce niveau, on avait formé des femmes qui avaient la possibilité d’aider d’autres femmes. Par exemple, à Ifangni, il a une femme qui disait qu’elle ira en candidature indépendante et qu’elle allait financer la candidature des autres femmes de sa commune. Mais comme il n’y a plus de candidature indépendante, dites-vous que les femmes sont au point. Le problème se trouve  au niveau des hommes qui ne veulent pas céder un peu d’espace aux femmes. Ils n’ont pas encore compris que le développement incombe aux deux sexes et non à eux seuls ; parce que ça fait 55 ans, on a vu là où nous en sommes.

S’ils vont continuer le développement sans, plus de la moitié de la population, c’est là où le bas blesse parce qu’en temps normal, tous les discours convergent bien vers les objectifs que nous nous sommes fixés ; mais la mise en œuvre ne reflètent pas l’acte qu’ils posent. Nous, nous avons fait notre travail, c’est eux qui ne font pas les leurs.

Rappelez-nous un peu vos objectifs ?

Nos objectifs, c’est d’avoir beaucoup de femmes au Parlement, au niveau communal, municipal et même au niveau local. Et surtout au niveau des postes de décisions et de l’Exécutif. Prenons le cas de l’Assemblée nationale, quand on avance d’un pas, on recule de deux pas.

Malheureusement, on positionne des femmes qui refusent après d’aller à l’Assemblée et qui ont des suppléants comme hommes ; ça nous complique tout ! Et enfin de compte, ce sont les hommes qui se retrouvent là-bas. Quand bien-même sur les listes nous allons décompter, rien ne nous prouve que ces femmes vont rester. Voyez, tout dernièrement, combien a-t-on encore enlevé de l’Assemblée. Il y a problème ! Parce qu’on ne peut pas dire qu’ils ne maîtrisent pas le contenu des engagements qu’ils ont signé.

« Aujourd’hui, l’homme ne doit rien faire en mettant la femme de côté. Non, non et non ! »

« Aujourd’hui, l’homme ne doit rien faire en mettant la femme de côté. Non, non et non ! »

« L’Autonomisation des femmes et l’Autonomisation de l’humanité, imaginez ! » c’est le thème retenu pour la célébration de cette année par les Nations Unies.

L’autonomisation des femmes, c’est l’autonomisation de l’humanité. Le problème que nous avons, c’est qu’il y a des femmes qui veulent bien voter pour les femmes, mais les toits sous lesquels elles sont, disent : « Non, tu votes pour mon candidat ». Et si elles ne votent pas, elles risquent d’avoir des problèmes dans leur ménage. Cela aussi contribue.

Une femme qui est autonome, libre financièrement, peut décider comme elle peut. C’est ça l’autonomisation. Quand une femme est autonome, l’homme, les enfants et toute la maison vont mieux. Voilà l’objectif des femmes. Elles ne disent pas : « J’irai chercher un bureau à qui dépenser… ». Donc il vaut mieux que les femmes soient autonomes.

Ce qui appelle alors la prise en charge des hommes par rapport aux séances de renforcement des capacités pour faire comprendre à ces derniers le bien fondé de l’autonomisation de la femme.

Bien sûr, nous l’avons fait au niveau du réseau. C’est nous qui avons créé la sensibilisation des époux que nous avons fait dans tous les départements. Et après PEFID nous a emboîté les pas pour réitérer la sensibilisation des époux. Donc avant les élections, les candidates avérées sont formées avec les époux et les parents qui doivent les suivre pendant la campagne. Nous ne pensons seulement pas aux femmes, nous pensons également à leur entourage immédiat. Malgré tout ça, rien n’y fit.

La Directrice exécutive de l’Onu-Femmes, exhorte quant à elle, les pays à accélérer la cadence dans  l’instauration de l’égalité des sexes. C’est la preuve que nous sommes encore loin de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Le mot d’ordre des Nations Unies depuis deux mois, c’est : « Il pour elle ». L’homme doit travailler à élever la femme. L’homme aujourd’hui ne doit rien faire en mettant la femme de côté. Non, non et non !

Malgré tout ça, voilà où nous en sommes. Je me demande si au niveau des Nations Unies et des Partenaires, s’il ne faut ne pas voir dans les conditionnalités comme cela se fait dans d’autres pays. Une liste qui ne comporte pas le minimum de femmes est rejetée. Il faut qu’on en arrive là. Si vous déposez votre liste de candidature, à défaut de « Zinzin », si on n’a pas le tiers au moins, on rejette cette liste. Il faut que le Bénin en arrive là. Cela veut dire que le premier magistrat doit respecter ce principe pour qu’en parlant à ses ministres et autres, ils puissent l’écouter.

La réalité est tout autre au Bénin. Durant le mois de Mars et plusieurs mois à venir dans les ministères, les femmes vont se parer avec de gros foulards sans une prise de conscience réelle de leur situation et de leur possibilité à renverser la tendance habituelle.

Déjà, il y a les photos dans la ville. Or 08 mars, ce n’est pas cela, mais le problème persiste. C’est à nous les femmes-mêmes de commencer à mieux réfléchir. La journée de 8 mars, c’est plutôt une journée de réflexion qu’une journée de gros foulards avec des fanfares.

2030 est l’échéance prévue pour atteindre l’objectif de la parité. Que préconisez-vous, responsables de réseau de femmes pour relever ce challenge ?

Chaque Etat doit fixer des conditionnalités. Si vraiment le premier responsable est sincère dans ce qu’il dit, il doit fixer des conditionnalités et au niveau du Parlement ça doit être respecté également. Sinon pourquoi va-t-on signer quelque chose qu’on ne veut pas respecter. C’est au niveau de l’Exécutif et de Législatif que tout va se jouer. On doit poser des bases claires désormais. Même il y a un texte que le Chef de l’Etat a signé qui exige le respect du genre à tous les niveaux. Ce texte existe mais n’est pas respecté ni au niveau des communes, des ministères et des institutions. Combien de femmes avons-nous aujourd’hui comme premier responsable des institutions en dehors de la Haute cour ?

Enfin, pour l’édition 2015, quel appel lancez-vous à l’endroit de la femme béninoise en général ?

Moi je peux dire à nos sœurs de ne pas se décourager ; de savoir qu’il n’y aura pas de développement sans les femmes. Je les invite à bien regarder les listes et à voter pour nos sœurs qui seront candidates. Dans leur commune, quand les listes seront sorties, qu’elles cherchent à voir combien de femmes il y a sur ces listes et de voter pour ces listes-là. Au moins quand on nous ignore, il faut qu’on leur prouve que c’est grâce à nous qu’ils sont là où ils sont. Il faut que nous aussi, nous commencions à prendre nos responsabilités en tant que femmes !

Propos recueillis par Aline ASSANKPON


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