Sénégal : Souleymane Jules Diop, communicant du président Macky Sall contre vents et marée

Deux journalistes ont intégré le nouveau gouvernement sénégalais nommé ce dimanche 6 juillet 2014, par le président de la République, Macky Sall. Le plus en vue des deux est assurément Souleymane Jules Diop, devenu secrétaire d’Etat des Sénégalais de l’étranger, même si un journaliste d’au moins 15 ans d’expérience siège au secrétariat d’Etat à la Communication. Il s’agit du non moins célèbre directeur de publication du quotidien Libération, Yakham Mbaye.

Souleymane Jules Diop conserve encore son poste de chef de la cellule de la communication de la présidence de la République, le temps qu’un remplaçant lui soit trouvé, en principe. Dès son accession au pouvoir en avril 2012, le président Macky Sall a vite été critiqué pour sa communication jugée brouillon. Le chef de l’Etat a dû densifier son équipe. Parmi les nouveaux hommes, Souleymane Jules Diop était annoncé comme celui qui allait corriger la communication présidentielle. Il était naturellement porté à la tête de la cellule.

Crises

En tout, son travail n’a pas été de tout repos ces derniers mois, eu égard à la succession des crises qu’il a dû gérer. Il y a eu le retour au Sénégal, tambour battant, de l’ex-président Abdoulaye Wade qui s’était retiré en France depuis sa défaite en 2012. Souleymane Jules Diop a été aux avants postes pour répondre à ceux qui accusaient Macky Sall de vouloir empêcher le retour d’un adversaire politique de taille. Un adversaire d’autant plus redoutable que Me Abdoulaye Wade nourrit toujours des ambitions politiques et s’investit désormais pour la cause de son fils, Karim, incarcéré. L’affaire de biens mal acquis a pris une forte coloration politique.

Dans la guerre qui s’est menée par médias interposés, Souleymane Jules Diop compte a dû justifier l’interview de Macky Sall dans le quotidien français Le Monde, question de calmer la presse sénégalaise qui tirait à boulets rouges sur le président de la République, accusé de snober les journalistes nationaux. Le chef de la communication du palais a dû jouer les sapeurs-pompiers pour expliquer qu’il fallait répondre à Wade par le même canal utilisé par ce dernier. Souleymane a aussi expliqué aux Sénégalais qu’il s’agissait en même temps d’une tribune pour vendre le projet Sénégal Emergent. « Il ne faut pas oublier que c’est à l’extérieur, avec nos partenaires étrangers extérieurs que nous essayons de vendre le PSE. Et ici l’audience ciblée, c’est une audience étrangère, avec les hommes d’affaires étrangers. C’est à ce titre que nous nous sommes adressés au journal Le Monde », affirmait-t-il sur les ondes de la radio Rfm à Dakar.

C’est sous le chef de la cellule de communication de la présidence qu’a été instauré le principe de quatre rendez-vous annuels au moins entre le président et les journalistes locaux :deux conférences de presse, la cérémonie de présentation des vœux à la presse et le dîner annuel de la presse.Même si Souleymane Jules Diop reconnaît qu’il en faut plus.

On l’a également vu défendre son patron lorsque certains journaux ont annoncé que ce dernier avait donné de l’argent à des leaders politiques appartenant à la mouvance présidentielle. Tout comme il est rapporté comment le journaliste du président a éconduit le magazine français Jeune Afrique venu faire une offre de com’ au palais présidentiel.

Parcours

Souleymane Jules Diop dit connaître le président de la République depuis 20 ans. Pourtant, les deux hommes n’ont pas toujours été du même bord. Ce fut même le contraire à une époque. « A un moment donné, il était dans le PDS et moi de l’autre côté et je trouve tout à son honneur s’il a pu dépasser cela en comprenant que c’était lié à une situation dans laquelle chacun exerçait sa liberté et des choix », dit Souleymane Jules Diop qui confie d’ailleurs que ses critiques restent appréciées par Macky Sall. « Nous avons parfois des opinions diverses mais, nous avons partagé un combat commun qui était un combat pour le changement au Sénégal. »En tout cas, la Lettre du Continent révélait en novembre 2013 que la charge de la communication de la présidence du Sénégal se plaignait de la modicité des moyens mis à sa disposition pour travailler.

Pourtant, Souleymane Jules est présenté comme un opportuniste et un homme retors. Pour avoir été le conseiller de l’ex-premier ministre Idrissa Seck contre qui il agit aujourd’hui. Pour avoir combattu Macky Sall qu’il défend aujourd’hui. Il a même été l’ami intime de Karim Wade qu’il renie presque aujourd’hui. Cette image de Souleymane Jules Diop s’est renforcée à la suite de la publication récemment d’un enregistrement dans lequel il s’attaque, non pas à des hommes politiques, « mais à des pères et des mères de familles, soulevant les rideaux de leurs chambres à coucher, révélant les maîtresses et enfants illégitimes qu’ils auraient cachés, leurs sexualités «déviantes», leurs abus de boissons ou de substances haram, les crimes et délits qu’on aurait dissimulés, l’écume de la vie soigneusement prélevée et diffusée sur internet », écrit l’éditorialiste Karfa Sira Diallo. Le mis en cause a contesté l’authenticité de l’enregistrement.

Toutefois, beaucoup reconnaissent en Souleymane Jules Diop un professionnel de la communication compétent, dont Macky Sall ne saurait se passer. Même si ses détracteurs invétérés pensent qu’il est davantage craint pour sa capacité de nuisance. Le journaliste a travaillé au quotidien Walfadjiri où il a dirigé le service politique. Il a été l’animateur vedette de l’émission Degg Deug. Plus tard, il s’est installé au Canada où il animait un blog devenu célèbre pour ses critiques acerbes contre une certaine classe politique sénégalaise. Il est retourné au pays et a été de la bataille ayant conduit Macky Sall au pouvoir. s

(Agence Ecofin)