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Burkina Faso / Politique : Blaise persiste et fonce dans le mur


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On le voyait tourner autour du pot depuis longtemps. Ce pouvoir qu’il a acquis sur les flaques de sang de son «frère et ami» Thomas Sankara, il n’est pas prêt de lâcher. Il est prêt à user de tous les subterfuges pour se scotcher à son fauteuil sous prétexte qu’à part lui, plus personne ne peut construire le Burkina. Ironie du sort, c’est le «pompier en chef de l’Afrique» qui veut imposer à son peuple, ce pourquoi il va éteindre le feu chez les autres. Où est donc passé la lucidité de ce Blaise Compaoré qui disait de l’ex-président Mamadou Tandja «qu’il fonçait droit dans le mur» lorsque celui-ci voulait une rallonge de son mandat pour dit-il «terminer ses chantiers» ?

Ph/ Dr - Blaise Compaoré, président du Burkina Faso

Ph/ Dr – Blaise Compaoré, président du Burkina Faso

Pour une fois au moins, il a eu le courage d’être clair sur ses intentions. Pour lui, «il y a un large consensus sur la création du Sénat». Ce qui veut dire plus concrètement qu’il s’en fout de ceux qui ne sont pas d’accord sur la pertinence et l’opportunité de la mise en place de cette institution. Puisque sa position de chef d’Etat lui donne le pouvoir de le faire, alors il le fera. Le principal argument dont il se sert à tout vent est que «La création du Sénat est inscrit dans la Constitution, donc elle aura bien lieu». Comme si ce processus n’avait pas une histoire, celle d’un forcing organisé par lui-même. Que fait-il alors des griefs des communautés catholique et protestante qui lui ont demandé d’engager un dialogue franc et sincère avec l’opposition sur la question ?

 

Il confond sa volonté et le consensus

Pour Blaise Compaoré en effet, il suffit de faire défiler des gens au palais de Kosyam et de les montrer à la télé pour cautionner tout ce qu’il veut. Drôle de «consensus» que celui qui consiste à faire sa volonté à lui. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il procède ainsi. Sur plusieurs sujets d’intérêt national, il n’y a que lui et son parti qui ont raison. Cette attitude qui cache mal son mépris pour l’opinion des autres, surtout de celles qui s’opposent à lui. En agissant ainsi, il pousse en réalité ses opposants politiques et tous les mécontents du pays à ne se faire entendre que par des manifestations violentes. Car, en vérité, c’est le seul langage que comprend son régime. Lui et son gouvernement ne réagissent aux véritables problèmes que lorsque la température sociale monte d’un cran.

Comme pour prouver son inconséquence, c’est par l’annonce de la «modification de l’article 37» et de «la mise en place du Sénat» que Blaise Compaoré achève la campagne nationale sur le civisme à Dori. Qu’est-ce qui montre finalement que le gouvernement n’a pas monté en épingle ce thème pour faire passer la pilule ? En tout cas, à voir comment ils ont fait feu de tout bois avec cette affaire, on comprend mieux maintenant pourquoi c’est à Dori que le grand sachem se décide enfin à affronter la presse nationale avec sa quête de pouvoir à vie. Peut-il avoir d’acte plus incivique que celui de mettre en péril l’unité nationale pour rester au pouvoir ad vitam aeternam ?

Une stratégie bien ficelée, mais mal montée

La conférence de presse quasiment improvisée à Dori pour permettre à Blaise Compaoré de sortir du bois n’est en fait qu’un non-événement. Tout le monde savait très bien qu’il finira par avouer qu’il ne veut pas partir du pouvoir. Du reste, la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP/BC) avait annoncé les couleurs, une semaine plus tôt en appelant à la modification de l’article37. La stratégie était donc connue et huilée depuis longtemps. Même l’Interview accordée à TV5 et RFI lors du sommet France-Afrique participait à la préparation des esprits pour cette annonce. Que retient-onfinalement ?

C’est qu’en choisissant finalement de dévoiler ce qu’on savait déjà, Blaise Compaoré n’a fait que confirmer le soupçon de l’opposition, mais aussi celle de l’Eglise catholique sur laquelle certains ont cru avoir le droit de jeter l’anathème parce qu’elle était dans son rôle, celui d’éviter au Burkina les germes d’un pouvoir à vie et son corolaire de crise difficile à soigner. Toutes les gesticulations et manipulations autour du Sénat n’étaient donc faites que pour offrir à Blaise Compaoré la fameuse «onction populaire» dont il a besoin pour demeurer au pouvoir. Ainsi, l’opposition burkinabè et les organisations de la société civile qui ont eu la lucidité d’esprit de dire niet à cette tragédie doivent être fières d’avoir fait le bon choix. Il en est de même du parti de l’éléphant, l’ADF/RDA, dont la renonciation à cautionner la mascarade d’élections sénatoriales a fortement contribué à dévoyer le rouleau compresseur du parti au pouvoir. Ils ont donc eu raison de dire non au Sénat.

C’est une victoire importante sur la supercherie politique que le gigaparti au pouvoir et sa FEDAP/BC

voulaient faire avaliser. Mais on n’est pas surpris de voir que malgré ce désaveu cinglant, Blaise Compaoré ne décide pas moins d’aller droit dans le mur. En vérité, il n’a plus le choix. Il est lui-même surpris par la grande avancée de la fin de son mandat. Disons-le net, il a peur de voir son «règne» arriver à terme en 2015. Il a peur de se retrouver sans ce pouvoir derrière lequel il s’est toujours caché pour ne pas se voir en face. Il se croyait tellement malin et rusé que la tournure des événements l’a surpris. Ses partisans l’ont tellement bourré d’assurance qu’il ne pouvait s’imaginer, un seul instant, que ce jeu politicien monté et ficelé depuis la mise en route du fameux Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) allait tomber ainsi à l’eau. Tout cela n’était destiné qu’à permettre à Blaise Compaoré d’assouvir sa soif de pouvoir à vie.

On n’est pas des «nez percés», «on a tout compris» pour reprendre les termes d’une des chansons à succès du reggaeman ivoirien Tiken Jah Fakoly.

On a tout compris

Lorsqu’au détour de sa conférence de Dori, il martèle que «s’il n’y a pas de consensus sur cette question (l’article 37), le peuple sera invité à dire ce qu’il pense. Le référendum n’est pas interdit par notre Constitution», on voit là un Blaise Compaoré qui se lâche comme ses partisans aimeraient le voir faire depuis longtemps. Seulement, le président sortant semble avoir la mémoire courte sur la question de l’article 37. Il oublie trop facilement que le peuple burkinabè a été clair depuis le 2 juin 1991 lorsqu’il s’est prononcé sur la Constitution. Son intention était d’élire un président du Faso «pour un mandat (de 7 ans) renouvelable une seule fois». Si cette volonté du peuple était respectée par Blaise Compaoré, il devrait

normalement quitter le pouvoir, tout au plus en 2005, c’est-à-dire après deux mandats.

Mais hélas! N’est-ce pas ses partisans qui ont abusé de leur majorité parlementaire de l’époque pour modifier la Constitution en 1997 pour lui offrir le «boulevard impérial» qu’il recherche encore aujourd’hui ? Ce fut à la suite de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de ses compagnons que le Collège des Sages a expressément demandé que l’article 37 soit rétabli dans sa version originelle et qu’il soit verrouillé à nouveau. Aujourd’hui, on comprend que c’est à contre cœur qu’il avait accepté cette décision dans l’espoir de la remettre en cause le moment venu.

Un référendum autour de l’article 37, ce ne sera ni plus ni moins qu’un autre forcing du régime et de ses partisans visiblement insatiables après 27 ans de pouvoir, d’impunité et de non-redevabilité. N’est-ce pas plus périlleux de permettre à Blaise de poursuivre son règne que de lui demander simplement de respecter, pour une fois, la Constitution ? Qui a intérêt aujourd’hui à la prolongation si ce n’est cette poignée d’individus qui profitent du pouvoir actuel et qui font tout pour éviter, à tout prix, l’alternance ? Ce qui est sûr, c’est que la balle est dans le camp de Blaise Compaoré. C’est à lui de décider s’il veut sortir par la petite ou par la grande porte de l’histoire politique de ce pays. Car, si après toutes ces années, il n’a pas pu faire ce qu’il devait faire, ce n’est pas par un référendum qu’il peut faire émerger le Burkina. Bien au contraire, il risque de noyer tous les espoirs auxquels tous les Burkinabè ont le droit de tenir.

Abdoul Latif Bancé

Bendré 768 du 16-12-2013


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