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TEC-CEDEAO / Les impacts sur l’économie béninoise : L’Etat doit s’engager dans un véritable processus de transition fiscale


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A moins d’un revirement de dernière minute, en janvier 2014, les Etats membres de la communauté régionale ouest-africaine vont faire une avancée importante dans leur processus d’intégration en adoptant et en mettant en application le Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO (TEC-CEDEAO). La mise en application de cet instrument de politique commerciale dont les travaux de finalisation sont actuellement en cours, introduira à coup sûr,  des changements tarifaires. Pour un pays comme le Bénin dont le Budget dépend largement des recettes fiscales perçues à l’entrée et qui fonde sur les différences de politiques commerciales entre le pays et « le grand voisin » le Nigeria, l’on doit s’attendre à des ouvertures d’opportunités mais aussi à de grandes menaces sur l’économie béninoise.

La mise en œuvre de l’outil tarifaire communautaire qu’est le Tec-Cedeao suscite réflexions et analyses pertinentes au niveau des cercles de réflexion. D’aucuns s’interrogent sur les effets de cet instrument sur l’économie des Etats comme le Bénin dont les recettes fiscales dépendent largement des recettes perçues à l’entrée et qui fondent l’essentiel de la stratégie commerciale sur les différences de politiques commerciales entre notre pays et son grand voisin, le Nigeria.

D’autres aussi, s’inquiètent par rapport aux changements tarifaires que le Tec-Cedeao pourrait introduire. Il s’agit en  d’autres termes, des effets qui seront ressentis sur le niveau des recettes douanières au Bénin et donc sur les recettes publiques et la capacité d’intervention de l’Etat. Et d’autres enfin explorent la possibilité d’une certaine modification qui sera opérée sur le trafic de réexportation. Il s’agit précisément de la réexportation des produits prohibés au Nigeria qui passent par le Bénin où ils sont mis en consommation.

Dans le but d’apporter des réponses à ces différentes préoccupations, Epiphane Adjovi, Directeur général du Projet de renforcement des capacités en conception et analyse des politiques de développement (CAPOD), à travers « une étude d’impact de la mise en application du Tec-Cedeao sur l’économie béninoise », a fait une analyse pertinente du contexte macroéconomique du Bénin avec à l’appui des simulations du Tec et de la disparition du trafic de réexportation.

Des indicateurs macroéconomiques peu rassurants

A l’analyse du contexte économique, M. Adjovi a dressé un tableau évolutif de quelques indicateurs macroéconomiques et a procédé à des simulations. Selon lui, depuis 2000, le taux officiel de croissance économique oscille autour de 4 % a été marqué par deux profondes récessions avec des taux très en deçà ; 2,9 % et 2,6 respectivement en 2005 et 2010. Ces contre-performances se justifient notamment à travers la crise énergétique de 2003, la baisse de la production agricole de 2005, les inondations enregistrées par le pays en 2009 et 2010et les situations des spoliés de l’affaire ICC services et consorts. Ces effets néfastes ont contribué au ralentissement de la croissance économique.

Une autre raison très importante dit-il, réside dans le fait que le commerce avec le Nigeria – un des déterminants de la croissance – n’a pas réellement repris après la crise financière internationale qui a conduit le grand voisin à aller vers un désarmement fiscal. Or à ce jour, la réexportation constitue pour le Bénin, une activité stratégique en ce sens qu’elle génère des recettes importantes pour l’Etat et contribue à la résorption du chômage. (Voir le tableau).

Constat : l’évolution du taux de croissance reste très faible et très loin du minimum 7%  requis pour l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Le secteur primaire caractérisé par les activités agricoles occupe 48 % de la population et contribue à 36 % du PIB. Le secteur secondaire demeure toujours embryonnaire de par sa faible contribution au PIB 14 %  et sa contribution à l’emploi 16% selon Epiphane Adjovi. Le secteur tertiaire dominé par le commerce et le transport contribue à 46 % du PIB et caractérisé par l’informel.

Les importations croissent plus vite que les exportations

Au Bénin, les exportations sont caractérisées par une faible diversification des produits de base. Tandis que les importations sont en nette croissance depuis une dizaine d’années et sont constituées pour l’essentiel des biens de consommation finale  pour une valeur atteignant près de 800 milliards en 2010. « La ratio Exportations/PIB a évolué en dents de scie sur la même période tandis que la ratio Importation/PIB a enregistré une croissance dans une tendance baissière après le pic de 2007. En général, les données montrent que les importations croissent plus vite que les exportations avec en moyenne 7 points d’écarts. Dans ces conditions, l’économie béninoise est caractérisée par une balance commerciale structurellement déficitaire » a noté M. Adjovi.

La question de la perte des recettes douanières se pose avec acuité

Pour le DG CAPOD, la mise en œuvre du Tec-Cedeao aura sur l’économie béninoise un effet mitigé. Ce tarif peut conduire à une amélioration de la balance commerciale sans détériorer la situation de la collecte des ressources douanières et de l’ensemble des recettes publiques. « Les résultats n’indiquent pas clairement que le Tec-Cedeao va avoir un effet positif sur le bien-être des ménages et sur la production et l’emploi » a-t-il précisé.

Cependant le Tec-Cedeao peut être favorable à l’économie béninoise si et seulement si l’Etat adopte des mesures d’accompagnement visant à transformer la contraction automatique des importations en une augmentation de la production et de la création d’emplois à travers la mise œuvre effective des stratégies sectorielles existants à savoir le Plan stratégique de la relance du secteur agricole (PSRSA).

Il est impérieux pour l’Etat de trouver une alternative aux activités de réexportation – une source de vulnérabilité de l’économie béninoise – pour s’engager dans la production de biens et services destinés notamment au marché nigérian. Pour deux simulations sur trois, la question de la perte des recettes douanières se pose. A cet effet, l’Etat doit s’engager dans un véritable processus de transition fiscale en vue de sortir de la forte dépendance de ses ressources vis-à-vis des ressources de porte.

La mise en application du Tec-Cedeao présente des opportunités certes, mais recèle des menaces pour l’économie béninoise. Il est indispensable que les autorités béninoises se penchent sur la question et étudient avec minutie les contours de cette mesure en vue de mettre en place les outils d’accompagnement idoines.

Aline ASSANKPON

Encadré

Evolution des recettes douanières et de réexportation de 2006 à 2010

Années

2006

2007

2008

2009

2010

Recettes douanières

211,519

252,607

282,493

262,928

281,030

Recettes de Réexportation

112,789

135,739

155,409

153,583

156,457

Taux

53,32

53,73

55,01

58,41

55,67

Source : DGAE (2013)

Ph : DR - M. Epiphane Adjovi, Directeur général du CAPOD

Ph : DR – M. Epiphane Adjovi, Directeur général du CAPOD


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