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A cœur ouvert : Dr Ngoné Diop, la Directrice du Bureau sous-régional de la CEA pour l’Afrique de l’Ouest : « Montre-moi le Budget et je vous montre vos priorités »


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Ph. DR. Dr Ngoné Diop, la Directrice du Bureau sous-régional de la CEA pour l’Afrique de l’Ouest

A l’atelier regional organise par la Commission economique des Nations Unies pour l’Afrique a Cotonou (Benin) du 22 au 26 mai 2023, sur la Budgetisation sensible du dividende demographique (BSDD), Dr Ngoné Diop, Directrice du Bureau Sous régional de la CEA pour l’Afrique de l’Ouest revient a travers cet entretien, sur les tenants et aboutissants du processus de la formulation des politiques sectorielles et l’allocation du budget aux différents secteurs du développement qui répondent aux exigences d’un développement inclusif dans nos pays, De meme sur la pertinence des indicateurs de l’Indice sur le Monitoring du Dividende Demographique (DDMI – (Demographic Dividend Monitoring Index), le financement du processus par la CEA qui s’inscrit en droite ligne de la feuille de route de l’Union africaine sur l’appel du sommet de janvier 2016.

Propos recueillis : Aline ASSANKPON

L-integration.com : La Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) a organisé un atelier régional à Cotonou, sur la Budgétisation Sensible au Dividende Démographique (BSDD). Quel est l’intérêt pour la CEA de s’investir dans l’exercice de rétropolation et du raccordement du DDMI ?

Dr Ngoné DIOP : Cet atelier fait partie du processus politique d’un projet régional qu’on appelle la Budgétisation sensible au Dividende Démographie. C’est un projet novateur de par son aspect technique et stratégique, de par les résultats qu’il degage. Alors pourquoi la CEA s’intéresse-t-elle à un tel exercice sur la Budgétisation sensible au Dividende Démographique ?

Eh bien, la réponse est celle-ci : notre mandat, c’est d’aider les pays à accélérer un développement durable , qui soit inclusif et transformationnel . Pour ce faire, nous nous devons de nous assurer pour que toutes les couches de la population, spécialement les jeunes soient inclus dans le processus de développement.

Sommes toutes, nous nous devons d’assurer que la formulation de nos politiques sectorielles et l’allocation du budget aux différents secteurs du développement répondent aux exigences de développement inclusif. Raison pour laquelle la CEA est en train de mettre en œuvre la feuille de route de l’Union africaine (UA) ; feuille de route issue du Sommet de 2016, articulée autour du thème : «Tirer profit de la Dividende démographique en investissant massivement sur les gens ». Pourquoi ce sommet a eu lieu ? Parce qu’effectivement l’Afrique est jeune.

La plupart des populations, plus de 50 % (ça dépend du pays), sont constituée de jeunes. En l’espèce, en Afrique de l’Ouest, nous avons 410 millions d’habitants dont les jeunes constituent plus de 55%. 410 millions d’habitants avec un accroissement démographique annuel d’environ 2,4 en moyenne et plus de 3, 2 pour un pays comme le Niger. Les autres pays connaissent aussi un accroissement vraiment assez important.

Ça veut que nous devons de par la planification des besoins, économiques et sociaux, prendre les mesures qui s’imposent pour réponde au mieux aux différents besoins inhérents à cet accroissement de la population. Qui dit accroissement de la population, dit un taux de fertilité assez élevé. Au Niger, c’est environ 6,7 et 2 au Cap-Vert ; ça veut dire qu’il y a une variation qu’on observe au niveau des pays.

Mais sommes toutes, on a les mêmes tendances au niveau des pays de la sous-région. Il est donc important d’agir par la planification des politiques économiques et sociales aux fins de répondre au mieux à cet accroissement de la population.

De manière plus stratégique, c’est aux fins de mettre en œuvre la feuille de route de l’Union africaine, donc qui demande a la CEA, d’appuyer et de faire autant se peut, investir dans la jeunesse, condition sine qua non, pour la capture du dividende démographique qui sous-entend, le gain économique qui résulte de la modification de la structure d’âge de la population. Si vous avez une structure d’âge comme la nôtre, où les cinquante ans plus ou 15 ans et plus, constituent la majorité de la population, bien entendu, l’autre composante de la population entre 15 et 60 ans qui ont un emploi et qui travaillent pour subvenir aux besoins de ceux qui sont dépendants. Ça veut dire que le taux de dépendance est éminemment élevé. En Afrique de l’Ouest, on a un taux de dépendance entre 78 et 84 ans. Ça demande des réponses politiques et économiques en termes de création d’emplois pour les jeunes, d’éducation de qualité, en termes de tout simplement, pouvoir fournir à cette couche de population, des services sociaux de qualité qui puissent répondre aux normes exigées.

Mais ça ne vient pas automatiquement, ça demande d’investir, de créer l’expertise nationale et régionale qui puisse vraiment prendre en charge ce processus d’intégration de la dimension dividende démographique tous les processus de planification.

En politique, il y a la vision de développement qui permet de traduire les politiques économiques et sociales en résultats probants ; tel est l’objectif de notre mission en l’occurrence, l’objectif de cet atelier, le second du genre, qui est un atelier typiquement technique qui regroupe cinq représentants de cinq pays. (Ndlr : Benin, Burkina Faso, Niger, Senegal et Togo). Chaque pays est représenté par une équipe pluridimensionnelle, notamment :les planificateurs économiques, les statisticiens, les démographes, les économistes. Il s’agit d’un ensemble qui permet d’appréhender au mieux ce qu’il faut pour que les pays accroissent leurs ressources publiques aux différentes dimensions de dividende démographie.

Ces dimensions se résument quatre points : l’éducation et le renforcement des capacités ; la création d’emplois et l’entreprenariat ; la santé et le bien-être ; la Gouvernance et l’autonomisation des jeunes et des femmes. Il faut forcement investir sur ces quatre dimensions avec des politiques idoines et des investissements en ressources financières appropriées pour que les pays puissent accélérer le processus de capture de dividende démographique.

Ce n’est pas automatique, mais c’est des leviers sur lesquels il faut agir et qui demandent des mesures au plus haut niveau. Nous pensons que nos pays qui ont signé l’agenda de la feuille de route doivent s’y mettre.

La CEA en partenariat stratégique avec le Consortium régional pour la Recherche Economique Générationnelle (CREG) du Prof Latif Dramani est en train de booster ce processus-là et nul doute, que nous aurons les effets escomptés : c’est-à-dire une allocation conséquente, une réelle allocation du montant du Budget public aux dimensions de dividende démographique qui prend en compte l’Education, l’emploi, la Santé et la Gouvernance.

pH:dr: « Nous pensons que nos pays qui ont signé l’agenda de la feuille de route doivent s’y mettre. »

Pourquoi avoir choisi cinq (05) pays sur les quinze que compte l’Afrique de l’Ouest. Est-ce la phase d’expérimentation  du projet?

Notre objectif , c’est d’appeler tous les pays, mais comme le savez, c’est un processus assez compliqué, un chemin parsemé d’embûches. Ça veut dire qu’il y a énormément de chose à mettre en œuvre, beaucoup de travaux techniques et des données. Donc, pour pouvoir bien faire les choses, en allant jusqu’au bout et avoir des résultats, nous avons subdivisé les pays selon leur disponibilité. Le DDMI (Demographic Dividend Monitoring Index) qui est l’Indice Monitoring du dividende démographique) a six indicateurs qu’il va falloir les renseigner dans une période assez longue pour faire la rétropolation des DDMI. On a déjà fait une formation avec tous les pays ; maintenant on est en train de le faire du pilote. Une fois qu’on a fini le processus avec certains pays, en même temps qu’on a eu de contacts avec d’autres pays, nous allons continuer le processus et nous allons aider les uns et les autres à pouvoir réaliser de manière tout à fait automatique, cet acquis régional qui pourrait sûrement faire tache d’huile ailleurs.

Si selon vous, l’atelier de Cotonou fait suite à celui de Grand Bassam en Côte-d’Ivoire, et va finaliser le processus de renforcement des capacités. Il sera alors question de quel aspect du processus à la rencontre prévue pour début juillet 2023 à Niamey au Niger ?

Au Niger, il sera question de finaliser tout ce qu’on a fait comme raccordement au DDMI. Il faut d’abord identifier tous les indicateurs nécessaires pour faire la rétropolation et le raccordement des DDMI, calculez les élasticités budgétaires, enfin, il y a des étapes techniques qu’il faut parachever.

A la fin de cette formation à Cotonou, on aura à Niamey, toutes les données sur les six dimensions de DDMI, l’indice qui permet de mesurer le dividende démographique pour chaque pays. On a même commencé à faire des formations en ligne, à faire le point de manière régulière, en prélude à cette rencontre de Cotonou. Actuellement, les résultats escomptés, c’est d’avoir le rapport des pays et en juillet on va pouvoir parachever le processus.P our pouvoir engager les pays, c’est-à-dire, l’autre versant du processus : Ceux qui vont prendre les décisions pour le calendrier budgétaire, aient tout ce qu’il faut pour passer du politique c’est-à-dire de la formulation du budget à du technique au politique afin d’adopter un budget qui tient compte des exigences d’investissement, en allocation financière aux différentes dimensions de dividende démographique.

Bien entendu, après Niamey en juillet, il y aura l’engagement avec d’autres politiques, en l’occurrence, les parlementaires pour entériner le processus et voir cela dans le Budget de l’Etat.

PH:dr: « La ZLECAf a tout ce qu’il faut pour être le Plan Marshall de l’Afrique »

Que diriez-vous si vous devez faire un lien entre la Budgétisation sensible au dividende démographique (BSDD) et la Zone de Libre échange Continental en Afrique (ZLECAf).

La ZLECAf comme j’ai toujours l’habitude de le dire à la CEA, c’est le plan Marshall de l’Afrique. Voyez-vous que l’Afrique a toutes les ressources nécessaires pour créer toutes sortes de produits ; que ça soit un véhicule électrique et autres, car elle dispose de l’or, du café, le cacao, du coton, de l’anacarde, de l’uranium, de lithium, le coltan, etc. Nous avons ce qu’on appelle les ressources naturelles indispensables à la production de ces défis. Ce qui se passe est qu/on produit tout cela, on les envoie de manière tout à fait naturelle, (en matières premières) en tant que telles dans les différents pays. Ces pays ajoutent de la valeur, les transforment ; par exemple le coton en tissus, le lithium en batteries, le cacao en bons chocolats, le café en bons cafés aromatisés, l’uranium etc…et tous ces produits transformés ailleurs, reviennent sur nos marchés en Afrique, à des prix  exorbitants?

The paradox of abondance

C’est ce qu’on appelle le paradoxe de l’abondance. C’est pareil pour le pétrole, le gaz. Il y a un paradoxe entre ce qu’on a en abondance comme matière première dont regorge le continent de par nos pays et ce qu’on reçoit en termes de bénéfice de l’exploitation, de l’augmentation, du rajout de la valeur qu’on appelle valeur ajoutée. Il nous faut vraiment renverser cette tendance qui n’a trop que duré.

On peut produire de la richesse en exploitant toutes ces richesses en les transformant sur place ici sur le continent. On n’a pas en retour, les reflets des effets de ruissellement de l’économie en termes de développement humain en Afrique de ces exploitations. Les paysans qui exploitent qui sont dans les différents secteurs comme le cacao, le coton, le café ou les autres acteurs de développement comme le gaz, le pétrole et autres, ne reçoivent qu’une portion inférieure de la valeur du bénéfice qu’ils gagneraient. C’est le paradoxe de l’abondance.

La ZLECAf a tout ce qu’il faut pour être le Plan Marshall de l’Afrique. Une transformation ne se passe pas, sans la création de la valeur ajoutée, sans la transformation structurelle de nos économies. Transformer l’économie veut dire créer de la valeur ajoutée, transformer nos économies veut dire, nous assurer que les matières premières soient transformées chez nous en Afrique.

La Zlecaf, c’est un marché de 1.3 milliards d’habitants, ce qui veut dire qu’on a bien entendu, un marché, une population pour pouvoir bénéficier de ce marché. Un marché qui va générer d’après les différentes estimations environ 25 milliards et plus de valeurs en termes de Dépendance de différents secteur (DDS). Un marché qui permet de répondre à la création d’emplois. Notre épée de Damoclès, c’est de pouvoir créer d’emplois à ces jeunes, répondre aux besoins de ces 410 millions d’habitants, soit 30% pour l’Afrique de l’Ouest et 5% de la population mondiale.

Il va s’en dire qu’il faut absolument créer du travail décent pour renforcer ce contrat social afin de pouvoir redistribuer aux différentes couches de la population. C’est ça la corrélation entre la création de la valeur ajoutée, la création d’emplois et la redistribution des revenus. A cette étape, les jeunes auront un emploi décent, un bon salaire, une protection sociale, une assurance et la retraite. Ce processus va amener une sorte de transformation de l’économie. C’est la corrélation entre le renforcement de différents secteurs qui in fine, profitera à l’État, aux jeunes, aux femmes et l’Afrique sera développée.

C’est pourquoi nous avons lancé beaucoup d’initiatives, de projets pour pouvoir mettre en œuvre la ZLECAf. Nous avons également créé une plateforme pour les jeunes et femmes entrepreneurs pour créer ce lien commercial afin qu’ils puissent bénéficier des retombées économiques et sociales de la ZLECAf.

Grosso-modo, voila la corrélation forte entre investir dans les dividendes démographiques, créer ce gain économique et mettre en œuvre de manière effectives et efficaces la ZLECAf.

Mme la Directrice, avez-vous un message à l’endroit de tous les acteurs impliqués dans ce processus ?

Excellent question. Actuelle ment, Là où on en est, nous sommes à la croisée des chemins. En tant que Directrice du Bureau sous régionale de la CEA pour l’Afrique de l’Ouest, en mon nom et au nom de la CEA, le Système des Nations Unies, je tiens à remercier tous les pays, notre partenaire de toujours, le CREG en occurrence le président coordonnateur, le Prof Latif Dramani, qui a travaillé avec nous tout au long du processus ; parce qu’on a besoin de ce transformation en Afrique, de mettre la main à la pâte, pour changer la trajectoire économique et retrouver le bon chemin qui ne témoigne que de nos engagements politiques. Mais rien n’est encore gagné ! Je lance un appel vivace à tous les pays, les experts réunis à Cotonou pour leur dire : « Continuez à travailler durement, faites tout ce qu’on a besoin pour que cette année, on ait cet objectif que nous attendons si tant. Ce qui veut dire que, quand on lit les différents aspects du Budget et qu’on voit une allocation suffisante et efficiente des ressources publiques du Budget proportionnelle à ce cadre de la mise en œuvre de la ZLECAf ; Qu’on puisse dire : « Montre-moi le Budget et je vous montre vos priorités.

Et enfin, un dernier mot, je voudrais remercier fort, le Bénin, le ministre d’Etat, de Développement et de la Coordination de l’action gouvernementale, M. Abdoulaye Bio Tchané, pour nous avoir accueilli et mis dans les conditions idoines pour travailler de concert avec tous les pays aux fins de réaliser cet objectif.


Le Bénin a fait énormément de progrès. Je saisis cette occasion pour le féliciter et dire qu’il y a trois ans, que je suis arrivée et je pouvais voir cette transformation graduelle. Bien entendu on ne finit jamais les transformations, on commence pour continuer parce que c’est une étape, c’est un tour cohérent. Nous savons que le continent a ce qu’il faut pour réaliser ensemble et collectivement ce tour cohérent. Ça peut ne pas être facile, mais ce n’est pas le chemin qui est difficile, c’est le difficile qui est le chemin.


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