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La Gouvernance foncière sensible au genre : Rôles des femmes et Enjeux économiques pour les communes


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Ph: DR-: Quel avantage l’accès des femmes à la terre présente sur la production agricole (…)

«Quel avantage l’accès des femmes à la terre présente sur la production agricole et leur contribution à l’accroissement des cultures de rente au Bénin? » C’est l’une des questions pertinentes – de l’atelier de Bohicon (les 27 et 28 octobre 2020) – posées par l’un des acteurs agricoles venus des six communes du département du Zou. Cette préoccupation relance ainsi le débat sur la gouvernance foncière sensible au genre.  

« Les enjeux économiques du foncier et les défis de la sécurisation des terres pour les femmes » au Bénin, c’est le thème qui a réuni les acteurs agricoles à divers niveaux et élus locaux de six communes du département du Zou (Ouinhi, Zangnanado, Covè, Zogbodomè, Djidja et Agbangnizou ) pour mener des réflexions en vue d’une amélioration de l’accès des femmes aux espaces économiques en milieu rural notamment leur accès aux intrants, aux marchés, aux filières agroalimentaires et aux services financiers ruraux. C’est le résultat à termes, poursuivi par les organisateurs, Konrad Adenauer Stiftung et Wildaf-FeDDAF-Bénin.

Ph: DR-: M. Abel Gbétoénomon, Analyste, économiste, planificateur de Développement

En réponse à la préoccupation citée plus haut, l’Analyste, économiste, planificateur de Développement, Abel Gbétoénomon répond : «Les agriculteurs dans leur ensemble, quand on les répartisse selon, ceux qui produisent les cultures vivrières et ceux qui sont les productions agricoles d’exportation, la remarque est que les acteurs qui contribuent à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de nos populations représentent 86% dont majoritairement les femmes. Et pris dans le même ensemble, 70% de ces acteurs sont des hommes qui interviennent dans les productions de rentes ».

Parce que selon lui, les hommes dans leur majorité sont  détenteus d’une propriété foncière. Alors que les femmes ne disposent qu’un droit d’accès, d’exploitation de la terre et ne peuvent s’investir dans les productions pérennes, à grande échelle.

En effet, la priorité des femmes dans la production agricole, c’est d’abord l’agriculture familiale, celle qui contribue directement à la Sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages et de la population ; c’est également la transformation et la commercialisation des différentes productions. Selon une étude de la FAO, dans les pays en développement comme le Bénin, « les femmes participent à environ 80% dans la production des aliments alors qu’elles sont les plus exclues de cette denrée rare et précieuse qu’est la terre ».

Au regard de cette discrimination, l’Etat béninois s’est engagé dans une réforme foncière traduite par une gouvernance foncière responsable et dynamique qui se veut assurer : un accès équitable et inclusive au foncier à tous ; une sécurisation des investissements et une gestion efficace des conflits fonciers afin de contribuer à la réduction de la pauvreté et de garantir une sécurité alimentaire et nutritionnelle à tous les citoyens.

Ph: DR-: M. Bertrand Yèhouénou, Secrétaire permanent de Synergie paysanne, Consultant

Pour une bonne gouvernance foncière, quatre orientations déclinées en axes stratégiques sont définies de la politique foncière et domaniale. Il s’agit de : « la sécurisation de l’accès au foncier ;  la mise en place d’un cadre institutionnel de gestion foncière et domaniale efficace ; le développement d’un système national de gestion de l’information foncière performant et la facilitation de l’accès au foncier à tous et une bonne régulation foncière » souligne le Secrétaire permanent de Synergie paysanne, M. Bertrand Yèhouénou.

La législation foncière garantit désormais un accès non discriminatoire à la propriété foncière pour les femmes à travers différentes modalités, notamment : l’achat, l’héritage, la donation, le bail et l’emprunt.

«La gouvernance foncière sensible au genre s’entend de la manière dont les autorités gèrent les questions foncières  sans aucune discrimination liées notamment au sexe. Il s’agit de donner les mêmes chances et opportunités aux femmes et aux hommes pour la jouissance de leurs droits d’accès à la terre et d’impliquer tous les acteurs concernés par la question foncière » précise Mme Solange Alitonou Bankolé,

juriste, spécialistes des droits humains, genre et développement.

Rôle et contribution de la femme dans l’économie locale

Dans le cas d’espèce du département du Zou, il se révèle que, plus de 67% de la population vivent en milieu rural et les économies locales sont fortement agricoles et majoritairement animées par les femmes. En matière de développement local et en raison de leur contribution, les femmes jouent un rôle prépondérant dans l’économie locale, la sécurité alimentaire des ménages et les finances au niveau des communes.

« Les femmes déterminent le dynamisme de l’économie locale. Elles sont présentes dans tous les secteurs de l’économie informelle, contribuent à la croissance agricole et assurent la sécurité alimentaire et nutritionnelle» certifie M. Gbètoénomon qui ajoute : « Il est donc nécessaire pour les élus locaux et l’administration décentralisée ou déconcentrée d’assurer aux femmes un accès sécurisé aux terres, aux intrants, aux marchés, aux filières agroalimentaires, aux services financiers ruraux, à la formation et aux technologies».

Des statistiques qui interpellent

Selon une étude de la FAO, la part des femmes dans la production en aliments est de 80% dans les pays en développement et 50 % dans le monde entier. Et le nombre de ménages ayant pour chef une femme s’accroît dans les zones rurales en raison de l’exode rural.

Au Bénin, les femmes constituent plus de 51,2% de la population, avec 61,3% en milieu rural où elles fournissent 60 à 80% de la main d’œuvre agricole (MCA-Bénin, 2008). Selon les ECVR, la pauvreté est fortement rurale et féminine et le recensement général de la population (RGPH4) publie que 22,7% des chefs de ménages sont des femmes. Pour ce qui les données du RGPH 2013, le taux de femmes varie d’un département à l’autre et celui du Zou compte 52,2% de femmes. Il se place ainsi un peu en dessus du taux national et fait partie des départements du Bénin ayant un taux élevé de femmes après celui du Couffo qui est à 53,2%.

«Malgré cette présence importante des femmes dans les zones rurales, elles se retrouvent un peu à la traine dans bien de domaines dont l’accès à la terre » note Mme Bankolé. D’où la nécessité d’une politique foncière inclusive. (A.A.)

Cependant, force est de constater qu’une menace grave pèse sur l’activité agricole dans ce département réputée pour l’agriculture : la démographie galopante qui exerce une forte pression sur les terres agricoles. De même que la conséquence de l’urbanisation des communes en milieu rural. «Les menaces sur les terres agricoles rendent plus vulnérables les femmes et les enfants (notamment) les veuves et les orphelins».

Aussi faut-il concilier les enjeux économiques du foncier rural lorsque les terres agricoles sont  affectées par des projets publics d’infrastructures et d’urbanisation par des projets d’implantations d’usine suggère l’Economiste Gbètoénomon : « Le dédommagement doit tenir compte de la nécessité de compensation croisée des impacts et effets négatifs sur le capital productif et le revenu en milieu rural».

Ph: DR-: Mme Solange C. Alitonou Bankolé, juriste, spécialistes des droits humains, genre et développement

Fort de ce constat, Mme Solange Bankolé tire donc la sonnette d’alarme : «Le développement local inclusif nécessite que la gouvernance foncière soit sensible au genre, d’où la nécessité pour les élus locaux, les conseillers communaux et autres décideurs de se mobiliser pour un meilleur accès des femmes à la terre».

Bertrand Yèhouénou martela pour sa part qu’une gouvernance foncière équitable du point de vue du genre doit veiller à ce que, hommes et femmes prennent part de manière égale aux relations foncières à travers des arrangements formels et informels en matière d’administration et de gestion foncière. «L’égalité hommes-femmes constitue l’un des dix principes fondamentaux d’application des Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaires nationale».

 L’amélioration de la gouvernance foncière appelle donc à : « renforcer la participation de la femme aux instances de décision ; consolider et rendre opérationnels les instruments juridiques ; concevoir et mettre en place des instruments et mesures de politiques économiques sensibles genre ; infléchir les tendances lourdes et à corriger les faiblesses (information-communication et éducation » conclut M. Gbètoénomon.

Un idéal que, acteurs agricoles et élus locaux pourraient atteindre si chacun joue sa partition au niveau qu’il se trouve dans une approche centrée sur le changement du paradigme dans le domaine foncier.

 


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