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Interview / Analyse critique du Budget général de l’Etat exercice 2014 : L’honorable Eric HOUNDETE rappelle les incohérences et fait des propositions


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En prélude à l’examen du Budget général de l’Etat, les députés de l’Union fait la Nation (UN) ont organisé une Première journée parlementaire de l’Union  le week-end dernier à Kétou pour s’approprier du contenu et réfléchir sur ses grandes orientations. Ce fut une innovation dont l’objectif est de jeter un regard critique sur le Budget général de l’Etat exercice 2014 et de proposer des solutions alternatives.  A travers cet entretien, le Député Eric Houndété, l’un des dirigeants de la formation politique de l’opposition UN,  revient sur les incohérences et anomalies  relevées dans ce projet de loi de finances et fait des propositions utiles pour son amélioration dans l’intérêt de la nation.

 

Ph: DR - Le Député Eric Houndété :« Quand on observe l’évolution de l’orientation budgétaire au cours des cinq dernières années, on peut noter que le gouvernement a papillonné… »

Ph: DR – Le Député Eric Houndété :« Quand on observe l’évolution de l’orientation budgétaire au cours des cinq dernières années, on peut noter que le gouvernement a papillonné… »

L-intégration.com : L’Union fait la Nation vient d’organiser les premières journées parlementaires autour du thème : « Budget général de l’Etat exercice 2014, entre propagande et réalités ». Pourquoi cette initiative ?

He Eric Houndété : D’abord l’Union fait la Nation (UN) est un parti politique et au terme de la loi, les partis politiques animent la vie publique. Le Budget de l’Etat, c’est l’instrument par essence qu’utilise un Etat pour réaliser ses objectifs. Quels sont les objectifs du Bénin, comment entend-il les réaliser ; quelles sont les ressources à affecter ; quelles sont les orientations ; quelles sont les actions à mener ? Toutes ces choses doivent être normalement retracées au Budget de l’Etat.

L-intégration.com : Tout à fait !

Et une formation politique de l’envergure de l’Union fait la Nation, un parti d’opposition comme se réclame l’Union fait la Nation, ne peut pas aborder la période de l’étude du Budget, sans s’y être préparé. Nous avons pour mission de critiquer l’action du gouvernement et de formuler des propositions alternatives à la Nation. Nous ne pouvons pas critiquer l’action si nous ne la connaissons pas, nous ne pouvons pas formuler des proposions alternatives si nous ne connaissons pas ce que le gouvernement veut faire. Voilà pourquoi  nous avons au niveau de l’Union fait la Nation, initié ces premières journées parlementaires d’abord pour innover mais aussi surtout pour assumer notre mission, notre rôle de parti d’opposition pour permettre aussi bien à nos députés qu’à nos militants de connaître le contenu du Budget, de comprendre les différentes articulations du Budget et donc d’y déceler les points forts et les faiblesses et proposer à la Nation des solutions alternatives.

L-intégration.com : Après l’appropriation du contenu de ce Budget, quel est alors le regard critique que vous jetez sur ses grandes articulations ?

Je dois dire d’entrée que nous sommes sortis de nos assises  avec beaucoup de déceptions. Et nous espérons qu’aux travaux budgétaires à l’Assemblée nationale, les expliqueront que donneront les ministres, vont atténuer notre perception de ce Budget. Le Budget est mauvais en ceci qu’il traduit que le Gouvernement est en panne d’idées, d’innovation et de solutions. Il ne peut pas résoudre les problèmes des Béninois à l’heure actuelle.

Quand on observe l’évolution de l’orientation budgétaire au cours des cinq dernières années, on peut noter que le Gouvernement a papillonné, il s’est promené de gauche à droite, devant, derrière, sans savoir exactement où il va, qu’est-ce qu’il veut. Nous avons pu noter cela et nous l’avons déploré.

Nous étions en train de nous réjouir que depuis 2012 que l’orientation du Budget a commencé par avoir une certaine stabilité, lorsqu’en 2014, le Gouvernement a repris en introduisant, un point d’application notamment celui de l’emploi des jeunes, un peu comme pour faire de la propagande.

Nous savons que les élections sont pour bientôt,  et donc, il faut trouver quelque chose à dire aux jeunes pour les avoir avec soit. Donc ce point d’application qui est venu se greffer sur la logique que le gouvernement lui-même a tracé depuis 2012 dans son plan quinquennal (2012-2016). Ce plan d’application est venu mettre en exergue l’inconstance du gouvernement par rapport au Budget.

Le gouvernement a dit, faire de l’année 2014, une année où il y aura la promotion du secteur privé et le renforcement du partenariat public-privé. Ça c’est l’orientation globale, qui elle-même, en difficulté avec la stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté (SCRP) que lui-même a élaboré. Cette approche est un peu en contradiction avec Alafia 2025 en ceci que, la finalité ce n’est pas le secteur privé. Le secteur privé, c’est un moyen, c’est une étape.

Lorsqu’on axe l’essentiel de l’action sur la promotion du secteur privé en prévoyant des actions qui n’ont rien à voir avec ce qu’on dit, ça pose quelques problèmes. Si on vous dit que c’est le secteur privé et vous vous attendez à avoir une déclinaison de comment renforcer ce secteur  privé, vous irez regardez dans le budget les actions prévues pour cela ; il est difficile d’en trouver.

Les points d’application sont : d’abord, le renforcement du capital humain et Ceci d’autant que l’éducation, l’enseignement est en difficulté. Nous avons 44.000 enseignants occasionnels dans le secteur secondaire selon le gouvernement, plus de la moitié des classes au primaire sont sans enseignants ; les diplômes ou les formations reçus par nos apprenants sont impropres à la consommation des entreprises. Quand vous êtes dans une telle situation, vous devez-vous attendre à ce qu’il y a une réforme de l’Etat. Qu’il y ait des actions qui concourent à l’amélioration de la situation.

Ph: Dr - « Pour la promotion de l’emploi des jeunes, le problème qui se pose n’est pas celui des ressources à mettre, mais des choix et des options faits »

Ph: Dr – « Pour la promotion de l’emploi des jeunes, le problème qui se pose n’est pas celui des ressources à mettre, mais des choix et des options faits »

L-intégration.com : Dans votre analyse vous dégagez ainsi, en même temps les solutions alternatives.

Justement ! Donc au niveau du renforcement du capital humain, les formations, la qualification des écoles, les ressources de l’école et l’appui aux écoles, (vous entendez dans le pays que les ressources qui doivent aller en appui aux écoles pour qu’elles fonctionnent n’existent pas). Vous notez que l’administration est gorgée des gens mal recrutés, incompétents qui ne sont pas formés. Il n’y a aucune réforme annoncée par rapport à ces situations-là. Donc vous vous demandez comment on fait le renforcement du capital humain dans les conditions comme celle-là.

L’autre application, c’est le développement local. Il ne s’agit pas de construire des salles de classes sans enseignants ou sans élèves. Le développement local est un tout qui doit être bien agencé. La question du développement local s’entend : comment faire pour que les fils et les filles d’une localité produisent et que leur production soit vendue à juste prix et qu’ils puissent vivre de leur produit. Que leur production trouve la piste sur laquelle elle va circuler pour être vendue au marché. Que leur centre de santé ait des médicaments et un médecin. Comment toutes ces réflexions sont organisées. Il n’y pas de réflexion. On se contente d’envoyer de l’argent dans les communes et on estime qu’on a fait le développement local.

Or, les communes ont des prérogatives au jour d’aujourd’hui ; plus de 10 ans qu’on a commencé la décentralisation, on ne devrait pas être là, à parler de transfert de compétence. Il faut noter que les ministères continuent de venir réaliser ce qui relève de la prérogative des mairies. Et donc, les mairies, plutôt que de s’assoir pour concevoir leur politique, ils ont des plans de développement – comme nous sommes à la veille d’une élection –  elles prennent les ressources pour construire des écoles juste pour plaire aux populations. Il y a une mise en cohérence globale de l’action qui manque à ce niveau-là. Et le gouvernement n’a pas donné un signe de cette mise en cohérence au niveau du budget.

Et le troisième point d’application, c’est la promotion de l’emploi des jeunes. A ce niveau, le gouvernement a proposé au pays de réchauffer : les solutions, les projets ou les actions en faveur de l’emploi qui ont montré leurs limites sont les mêmes solutions pour lesquelles on a mis davantage de ressources, comme si le problème qui se posait était un problème de ressources. Alors que le problème qui se posait est un problème de choix et d’option.

Il ne s’agit pas de dire FNPEEJ, on a mis beaucoup de ressources pour que la question de l’emploi soit réglée. Nous avons des centaines de milliers de jeunes qui sont au chômage ou qui sont sous employés. Quelle est la réponse que le gouvernement devrait apporter ; combien de jeunes n’avons-nous pas dans nos localités rurales qui soient sur fond de la transformation ou de la production ? Il faut un appui pour ces jeunes-là pour qu’ils puissent épanouir dans ce qu’ils sont en train de faire. Il y a des jeunes qui ont besoin de 50.000 Fcfa ou du matériels pour labourer leur champ et d’autres ont besoin de facilité d’accès aux intrants, aux semences, quelle est la réponse qu’on apporte à ces jeunes-là pour que leurs activités puissent prospérer.

Ceux qui vont à la pêche et qui sont obligés de brader leurs poissons, ceux qui ont des piscicultures sans provende pour leurs poissons, ceux qui sont sans médicaments pour leurs volailles, quelle est la réponse qu’on apporte à ces gens-là ?

Le gouvernement manque un peu d’ingéniosité, de réflexion profonde sur les problèmes concrets. Il reste dans la théorie générale de Songhaï et de BPC pour 2200 personnes alors que nous avons des centaines de milliers de jeunes qui sont des demandeurs d’emplois.

A partir de ce moment-là, lorsque vous savez que les ressources affectées sont affectées déjà très faibles seront utilisées pour du superflu pour les missions d’investissement. Alors que ces ressources devraient aller aux jeunes pour transformer quelque chose dans leurs milieux. Lorsque vous voyez cela, vous notez avec aise et tristesse  que les ressources qui doivent être utilisées sont mal utilisées et que la question des jeunes n’aura pas de solution, en tout cas pas de sitôt !

Le dernier point d’application la modernisation de l’agriculture et la promotion de l’agro-industrie. Globalement, moderniser l’agriculture signifie : donner les moyens de production aux gens pour labourer, sarcler, semer etc ; avoir des semences de qualité, avoir un mécanisme pour arroser efficacement les terres lorsque les pluies ne répondent pas ; cela signifie qu’il faut s’organiser pour s’adapter au climat.

Moderniser l’agriculture, c’est aussi la transformation. Le projet phare du Bénin c’est six usines de transformation à travers le pays. L’objectif, c’est la transformation des produits et à l’heure actuelle aucun de ces usines ne fonctionne. Et le gouvernement trouve des excuses. Après l’installation des usines, on constate que le procédé pour fournir l’eau n’a pas été bien géré ou analysé. Donc les usines sont là fermées, les souris se promènent dedans pour manger un peu les câbles.

C’est maintenant qu’on veut mettre en place un comité de pilotage de gestion des usines ; un comité paritaire composé de producteurs,  de secteur public, secteur privé pour gérer et dire qu’aucun privé n’aura pas plus de 5 %. Quel est l’intérêt pour un privé de ne pas contrôler un outil de production ? Pourquoi ne fait-on pas un appel d’offres pour mettre les usines en gérance ?

L-intégration.com : C’est une alternative !

Dans quel pays on a vu cette cogestion telle que c’est annoncé ? Il n’y a pas un leadership du privé. Je pense qu’il est à noter que les choix du gouvernement sont des choix inappropriés. Et donc, ce que fait l’Union fait la Nation maintenant, sur chaque pilier, c’est indiquer au gouvernement les mauvaises pistes sur lesquelles il s’est mis et lui suggérer de se mettre sur la bonne piste.

L-intégration.com : Autrement, les grandes orientations du Budget se résument ainsi à ces points d’application.

Oui ! Mais leur mise en œuvre est inconséquente.

L-intégration.com : Concrètement, quelles sont vos exigences par rapport à l’amélioration de ce budget ?

D’abord, nous demandons une réorientation de la politique de l’emploi par un renforcement des ressources mises à disposition ; et ensuite et surtout par une meilleure identification  des actions et des bénéficiaires. On ne peut pas choisir 200 jeunes et dire qu’on a fait la promotion de l’emploi. On ne peut pas ignorer le rôle de l’entreprise dans la promotion de l’emploi. On ne peut avoir des auto-employeurs, des entrepreneurs individuels.  Dans un pays, l’emploi ne peut pas être boosté si l’entreprise n’existe pas. Il n’y a pas de mesures fiscales qui sécurisent les entrepreneurs et qui les encouragent à recruter.

L-intégration.com : Et que diriez-vous par rapport à la non consommation à cent pour cent des budgets antérieures ?

D’abord, les recettes de l’Etat n’atteignent pas un niveau suffisant. Ensuite les dépenses de l’Etat sont faites de manière à indiquer le refus du gouvernement d’aller au progrès. Nous avons des dépenses de fonctionnement qui sont exagérées. On a eu 75 % pour le premier semestre de 2013, ce qui est anomal ! Et ils disent au troisième trimestre, ils sont à 4 %, cela ne s’explique pas du tout. Mais en même temps, la consommation pour les investissements est ralentie. Alors que l’essentiel, c’est les investissements. Si l’administration tourne sans les investissements, c’est inutile. On a un décalage au niveau des consommations.

L-intégration.com : Une note d’espoir pour finir cet entretien

Nous espérons que le gouvernement aura l’écoute de ceux qui lui disent les bonnes choses et qu’il en tiendra compte.

Propos recueillis par

Aline ASSANKPON


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