Flash Infos:

5ème édition du Colloque sur le Dialogue interreligieux: La Konrad Adenauer promeut la paix en Afrique de l’Ouest


7 213 Vues

Ph/DR: Une vue partielle des participants

«Religion et consolidation de la paix » c’est le thème du Colloque sur le Dialogue interreligieux organisé simultanément dans trois pays de l’Afrique de l’Ouest : en Côte-d’Ivoire (en direct) ; au Bénin et au Togo (par visioconférence). Organisé par la Konrad Adenauer Stiftunf (KAS) en collaboration avec le Centre de Recherche Politique d’Abidjan (CRPA) et l’Ambassade d’Israël en Côte-d’Ivoire, cette cinquième édition a une fois de plus, rassemblé des acteurs politiques, de la Société civile, des différentes confessions religieuses (Catholique, Protestant, Islam, Céleste, Evangéliste et des religions endogènes) les 8 et 9 mars 2022 au Bénin Royal Hôtel de Cotonou.  

Aline ASSANKPON

Promouvoir le dialogue interreligieux à travers un dialogue franc et direct entre les leaders religieux de toutes les confessions religieuses afin de renforcer la cohésion sociale et la consolidation de la paix dans nos pays respectifs, c’est l’objectif  visé par ce colloque international qui est à sa cinquième édition.

Deux allocutions ont marqué l’ouverture officielle de ce rendez-vous d’échanges : d’abord celle de l’Ambassadeur de la république d’Israël en Côte-d’Ivoire, Leo Vinovezky qui souligne la nécessité pour les leaders religieux toutes tendances confondues de cultiver la tolérance et le vivre ensemble pour le maintien de la paix ; ensuite, le ministre ivoirien de la Réconciliation et de la cohésion nationale, M. Konan Bertin Kouadio, sous le prisme du développement, analyse l’évolution des religions qui sont en proie  de vitesse, dans une tendance lourde, sans préparer la séparation entre le sacré et le profane.

Selon le ministre Kouadio, les difficultés observées au niveau des religions sont liées à l’omniprésence des crises financières, économiques et sociales qui accélèrent le désenchantement de certains vers le précipice ou vers des formes parfois violentes de la compréhension du fait religieux.

Et c’est le lieu pour lui de remercier les organisateurs de ce colloque : « Des colloques comme le vôtre constituent une sorte de digue pour contenir les effets dévastateurs d’une lame de fond qui travaille nos sociétés si fragiles encore. Je vous exhorte donc à ne ménager aucun effort pour faire émerger des solutions créatrices et inventives contre le phénomène religieux » conseille-t-il.

Des solutions créatrices et inventives

A l’ère des médias sociaux, très utilisés par tous les courants religieux et qui ne sont forcément pas contrôlés, il revient aux leaders religieux de parler le même langage  afin de pouvoir contenir ce qui peut l’être encore. De toute évidence, une constante revient : les religions font face aux mêmes problèmes. D’où l’importance des thématiques retenues pour animer les trois panels durant les deux jours de travaux. Il s’agit notamment de : « La connaissance mutuelle, outil de paix par la religion » ; « la religion face à l’extrémisme religieux : quels mécanismes de défense ? » et « Le discours religieux à l’épreuve du vivre ensemble ». L’examen de ces thèmes constitue donc des défis que doivent relever la sous-région ouest-africaine.

Lire aussi  Dialogue multi acteurs sur Tradition et Dispositions juridiques des droits fonciers des femmes : Plaidoyer de la KAS en faveur des femmes rurales du Zou.

« La connaissance mutuelle : outil de paix par la religion »

A la première table ronde, les panélistes ont essayé de crever l’abcès en pointant du doigt la perception qui est faite de chaque religion et sur la connaissance, l’intolérance religieuse qui caractérisent les uns et les autres et qui entretiennent et alimentent la méfiance au sein d’une même famille ou d’une même communauté. Des Imans, aux dignitaires des cultes endogènes en passant par les prêtres, pasteurs, évangélistes, acteurs politiques, tous sont unanimes qu’il faut regarder l’autre avec un cœur de vérité, de fraternité et qu’il faut changer de discours.

 «Parler de la connaissance par rapport à la perception que les uns ont sur les autres. Est-ce que l’information que j’ai de toi est la bonne? N’est-elle pas tronquée, falsifiées ou ne provient-elle pas d’une opinion de quelqu’un d’autre ? » Se questionne l’Iman Dosso Amadou, juriste, membre du Conseil supérieur des Imans de la Côte-d’Ivoire (COSIM) qui ajoute que : « Les musulmans eux-mêmes ont essayé de construire leurs perceptions pour faire en sorte que dans leur milieu quotidien règne toujours la paix ».

En réalité, lorsqu’on en vient à fermer un peu les yeux, il n’y a pas de différence entre les religions, les leaders religieux poursuivent les mêmes raisons de vivre. Dans ce contexte, quelles actions fortes doit-on mener pour estomper le climat de méfiance qui fait plus mal que la guerre ?

«Il faut apprendre à : se connaître ; se donner la main ; s’accepter mutuellement : accepter l’autre avec sa religion ; fumer le calumet de la paix ; partager des repas et des boissons ; se côtoyer  sans méfiance» suggère le Pasteur Kambou Dabilla, vice-président du Forum des confessions religieuses de la région de Gbêkê en Côte-d’Ivoire.

Le Prof Koffi Aza, président du Conseil national des Cultes endogènes du Bénin, tente pour sa part de recadrer le débat en faisant ressortir le non-respect du principe de réciprocité qui revêt un caractère important en matière de connaissance et de mutualisation de la religion comme outil de paix dans nos sociétés.

A première vue, il note que les logos de l’islam, du judaïsme et du christianisme sont affichés, tandis que les religions endogènes ne se retrouvent pas du tout. «Il faudrait donc commencer par corriger tout cela. Pour de pareille rencontre internationale, il faut faire en sorte que le représentant des cultes endogènes, peu importe le pays, soit également présent ; c’est très important car il faut qu’on se regarde en face pour parler…» souligne-t-il.

«L’Afrique a connu la religion étrangère et les accueillit à bras le corps. Mais à l’intérieur on a remarqué un disfonctionnement qui ne favorise pas durablement la paix ; donc le recours à une modération, à une pensée par rapport à cette tradition-là, s’impose. La plupart des conflits tant en Afrique qu’en extérieur, ont forcément de relents religieux qui sont liés à des leaders politiques qui sont soutenus par des leaders religieux qui par manquent de tolérance et les poussent à l’extrême » rappelle le Prof Aza.

Parlant d’inégalité, il relève qu’au Bénin, les religions importées ont près de 16 jours fériés mais la religion endogène n’en dispose qu’une seule. Cependant reconnait-il qu’un travail est fait au niveau autorités béninoises : «Sur le plan africain, aucun pays ne dispose d’une journée dédiée pour les cultes endogènes ; alors que la plupart des pays africains sont d’abord endogènes avant d’être musulmans, chrétiens, bouddhiste, etc ».

Quelques propositions de solutions :

Lire aussi  KAS / L’accès à la terre des femmes dans le Zou : La particularité de Zogbodomey

Selon le modérateur du colloque, les religions ont une adhésion de 69% sur le plan africain, c’est la plus grosse part devant l’armée 67%, les cours et tribunaux 53%, les partis politiques au pouvoir 45%, les commissions électorales 34% et les partis d’oppositions. Ces chiffres donnent ainsi aux leaders religieux (des personnes les moins corrompus) une grande responsabilité d’où l’impact énorme de la religion sur la population.

 

Ph/DR: L’Iman de Cadjèhoun (Cotonou) Ligali Issiaka

L’iman Ligali Issiaka de la Mosquée de Cadjèhoun : «Nous n’avons pas la même opinion sur les religions endogènes. Et si nous avons pu réussir la conférence nationale, c’est parce que nous nous sommes rapprochés (Mgr De Souza et moi) de la religion endogènes pour leur demander de tout faire pour que la conférence n’échoue pas. Parce que les religions endogènes peuvent bien la faire échouer : ils ont le positif et le négatif qui se concrétise immédiatement. Donc, toutes les religions révélées (Islam, catholique, protestant, évangélique), nous devons nous unir et nous rapprocher des religions endogènes pour faire d’eux des frères, des complémentarités. Et c’est grâce à cela que nous aurons la paix que nous voulons. Sinon, nous allons construire, ils vont détruire.

Ph/DR: M. Saliou Akadiri (acteur politique, musulman)

Saliou Akadiri (acteur politique, musulman) : «Peut-on dissocier le dialogue interreligieux du dialogue intra-religieux ou le dialogue intercommunautaire ou interreligieux ? Par rapport au dialogue intra-religieux, de nos jours c’est plus à l’intérieur d’une même communauté religieuse qu’il y a des extrémistes qui n’acceptent même pas les gens qui revendiquent leur appartenance à la même religion. Dans ce contexte, comment peut-on s’attendre que ces gens-là – qui n’ont pas la même compréhension des saintes écritures – soient tolérants envers des gens qui ne sont même pas de cette communauté-là ? Or les religieux (Imans, prêtres, pasteurs) ont un rôle fondamental à jouer dans la compréhension ou la perception où l’adepte de la religion considérée, a de ces saintes écritures-là. Lorsqu’on va vers le dialogue interreligieux, la perception qu’on a de l’autre qui n’est pas de la même religion que soit, remonte aux faits historiques reçus à l’école, au niveau des mosquées ou à l’occasion des prêches. Les religieux toutes tendances confondues ont un grand rôle dans le dialogue interreligieux qui lui-même doit partir de ce dialogue intercommunautaire ou interethnique, fondé la plupart du temps sur la perception erronée qu’on a de l’autre. Si on ne fait pas un effort de dépassement, on va toujours s’enfermer dans les considérations anciennes qui n’apportent rien au dialogue, donc ne contribue en rien à la paix ».

Ph/DR: Prof Koffi Aza, président du Conseil national des Cultes endogènes du Bénin

Prof Koffi Aza, président du Conseil national des Cultes endogènes du Bénin : « Il faut revoir les fondamentaux… Il faut que les leaders religieux puissent commencer par mettre un peu d’eau dans leur vin, aplanir certain nombre de choses pour que l’homme soit mis au cœur de la religion. Il faut aller plus loin en posant des actions fortes : si le pasteur organise son culte, il faut que le leader religieux traditionnel soit fier de l’accompagner en tant que frère (pas dans sa liturgie) ; mais il faudrait également que le prêtre catholique se sente fier d’accompagner le dignitaire religieux dans son couvent (pas dans sa liturgie), mais en tant que frère et pareil pour le pasteur évangéliste et vice-versa. Il s’agit là des actions fortes qui recouvrent bien le sens de la consolidation de la paix. Nous avons une société religieuse qui est essentiellement suiviste, c’est-à-dire que, quand le leader fait, le reste suit. Le problème n’est pas au niveau de la population mais au niveau des leaders qui doivent s’asseoir et se dire : moi, je vous fréquente, vous devez aussi me fréquenter en retour, pour que ceux que qui nous suivent puissent eux aussi vivre en paix. Déjà quand dans une famille, les membres ne s’acceptent pas parce qu’ils ne pratiquent pas la même religion, l’un se dit fils de Dieu et l’autre fils de Satan. Cette méfiance met en terre le germe de la division. Et ce sont les frustrations individuelles qui occasionnent des détonations par la suite.

La consolidation de la paix à partir des religions

Lire aussi  Séance de Plaidoyer pour l’accès des femmes aux ressources économiques en milieu rural: En groupement, les femmes peuvent mieux capter les opportunités

La consolidation de la paix à partir des religions, revient donc à sortir des discours, des propos tendancieux qui visent à avilir la pratique religieuse de l’autre. Mais plutôt à considérer ces pratiques religieuses comme faisant partie intégrante de l’humanité et également à comprendre qu’il n’y a aucune vérité qui soit universelle.

Commencer par changer le discours, poser des actes forts à l’endroit des dirigeants, créer à l’intérieur de la communauté religieuse un havre de paix au niveau de chaque pays. Un travail doit être également fait au niveau de nos autorités politiques administratives à divers niveaux, parce que le principe de la laïcité n’est pas perçu de la même manière par tous : « la laïcité ne signifie pas le reniement de soi. En Afrique de l’Ouest, il faut également commencer au par légiférer sur les cultes endogènes qui constituent le ciment de la société, afin de permettre à nos pays d’éviter les dérives qu’on observe » recommande le Prof Aza.

Des travaux de groupes vont déboucher sur des recommandations qui concourent à la cohésion et à la consolidation de la paix dans nos pays respectifs.


Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'une étoile *

*

Revenir en haut de la page