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4ème Edition du Dialogue interreligieux en Afrique de l’Ouest: Religion et liberté pour la promotion de paix et de cohésion sociale.


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Ph/DR-: Vue des panélistes depuis Abidjan

Du 23 au 24 février 2021, l’hôtel Golden Tulip de Cotonou a abrité un colloque international sur le thème : «Religion et liberté : quelles corrélations ? ». Organisé par la Konrad Adenauer Stiftung (KAS) depuis sa représentation à Abidjan (Côte-d’Ivoire), cette quatrième édition a impliqué par visioconférence, les trois autres pays dans lesquels l’institution intervient. Il s’agit du Bénin, du Burkina Faso et du Togo. A l’occasion, acteurs religieux de toutes obédiences, acteurs politiques et acteurs des Organisations de la société civile étaient conviés (au niveau de chaque pays), à un dialogue franc sur les libertés religieuses et les partages d’expériences pays.

Aline ASSANKPON

Quatre allocutions ont marqué la cérémonie d’ouverture de ce prestigieux colloque sur le dialogue interreligieux depuis Abidjan. Tour à tour, Dr Moquet Césard Flan, directeur du Centre de Recherche Politique d’Abidjan (CRPA) ; M. Florian Karner, Représentant résident de la KAS ; Leo Vinovezky, l’Ambassadeur d’Israël en Côte-d’Ivoire et Mme Mariétou Koné, ministre de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de la Lutte contre la pauvreté, chacun est  revenu sur la nécessaire intégration et l’interaction religieuse en matière de liberté individuelle et collective.

En essayant d’expliquer le sens profond de la liberté qui s’entend l’acceptation de l’autre avec sa différence, M. Florian Karner a évoqué l’immixtion de la religion souvent  présente dans la politique en insistant sur le partage des expériences en la matière.

Ph/DR: les participants de Cotonou

La religion est par naissance diversité, elle doit être une source vivifiante de relation entre les hommes, les communautés, les peuples et les nations a dit Mme Mariétou Koné. « La religion peut-elle composer avec la liberté ? La religion peut-elle s’opposer à la liberté ? La religion, une identité, peut-on la choisir librement ?» Autant de préoccupations auxquelles la ministre ivoirienne a essayé d’apporter de justifications pour relancer le débat au sein des panélistes.

Selon elle, la religion est une pratique commune à toutes les sociétés, elle traduit de manière particulière les êtres, leur relation avec Dieu le créateur du monde visible et invisible (…) Elle est ancrée avec l’autre être surnaturel qui régit la vie quotidienne de certains. « Elle réside dans la diversité des identités culturelles dans lesquelles nous évoluons tous. Qu’on soit chrétien, musulman,  juif, animistes, etc, avec la dévotion à une pierre, un rocher, un arbre, une statuette, à des animaux ou végétaux, etc, quel que soit l’objet des audiences de valeurs fondamentales,  la solidarité, la fraternité, l’hospitalité et la responsabilité sont des valeurs qui résument la tolérance, le respect de l’autre, l’acceptation de l’autre, le droit à la différence et le vivre ensemble » poursuit-elle.

Pour  mener à bien la réflexion sur cette thématique, trois panels et des travaux de groupes sont programmés autour de riches sous-thèmes qui se présentent ainsi qui suit : «La religion face à la problématique des libertés individuelles et collectives dans une société pluraliste » ; « Pratique religieuse et respect des libertés fondamentales » et « Libertés et religion : quelles perspectives dans le contexte d’une société numérique ? ».

Ph/DR; Vue d’ensemble des participants au colloque de Cotonou

La religion au service de la liberté

La corrélation entre Religion et Liberté, un thème très évocateur qui dresse les sillons pour le premier panel sur  «La religion face à la problématique des libertés individuelles et collectives dans une société pluraliste ». Dans le livré des panélistes, le débat a pris un envol très passionné, mais pas dans le sens où chacun devrait prêcher pour sa paroisse.  Les panélistes et les intervenants ont échangé sur l’importance de la religion comme globale et holistique et la   nécessité pour l’acteur religieux d’observer une certaine neutralité.

A cet effet, il est clairement apparu que la religion en elle-même dans son naissance n’est pas en cause ; mais c’est plutôt dans la pratique des hommes qu’il faut rechercher les causes qui menacent les libertés tant individuelles que collectives. Le fait que certaines obédiences au niveau des acteurs se croient être détenteurs de la vérité, plombe les libertés parce qu’ils empêchent les autres de se manifester et de s’exprimer.  D’où les questions de liberté de penser, d’agir, d’expression sont soulevées à plus reprises dans les interventions des uns et des autres. Cependant, il a été clairement réaffirmé à ce présent colloque, que c’est l’homme religieux et non la religion.  

«Le leader religieux qui intervient comme citoyen,  a le droit de tout, sur tout, dans le but de pacifier ; mais il doit toujours se mettre au-dessus de la mêlée pour que, quand tout va mal, ce soit vers lui qu’on puisse se tourner. Mais s’il se positionne aujourd’hui comme un acteur qui met la main à la pâte, il ne va plus inspirer la neutralité, la confiance de tous les acteurs protagonistes, pour qu’il soit appelé pour éteindre le feu éventuel qui pourrait éclater en matière politique » a souligné le Prof Dodji  Alexis Hyppolite Amouzouvi de l’Université d’Abomey-Calavi, Spécialiste des religions endogènes.

Ainsi, lorsqu’interviennent des clashs, des crises, des difficultés, des privations des libertés éventuelles qui seraient nés des querelles politiques ou des conflits interreligieux, les acteurs religieux doivent pouvoir les résoudre avec tact et sans parti pris.

« Nous sommes des humains, des êtres sociaux en tant que tel, nous sommes différents l’un de l’autre, nous ferons de nos différences le terreau de nos richesses pour avancer  ensemble ; mais si je fais de ma différence non pas une complémentarité de l’autre mais une supériorité vis-à-vis de l’autre, nous ne sommes plus dans une société pluraliste et diversifiée. Nous sommes dans une société dictatoriale où l’un s’impose à l’autre. Or nous sommes tous nés égaux en droit et en devoir, tâchons à chaque moment de vivre dans nos différences» analyse Dr Amouzouvi.

Le père Germain Gazoa, Docteur en théologie spirituelle à UCAO, va illustrer pour sa part, cette liberté en des termes suivants : « Quand est-ce que le jour commence ? Le jour commence lorsque, en regardant le visage de l’autre ou de ton prochain, tu reconnais, toi-même ton visage. En ce moment-là, tu es en plein jour. Sinon, tu es en pleine nuit. C’est tout simple » dit-il.

La religion contribue au bien-être social et psychologique de l’individu et de toute la communauté. La vérité religieuse étant une vérité dogmatique. Tout dépend de l’instrumentalisation que les acteurs religieux en font. «Le problème, c’est ce que les hommes et les femmes font des valeurs et principes universels de la religion. Et c’est dans les pratiques et institutions religieuses et l’instrumentalisation aux fins financières, politiques et religieuses et idéologiques qu’il faut rechercher les germes liberticides individuelles et collectives» relève un autre panéliste.

La région ouest-africaine est secouée depuis quelques années par des phénomènes de l’extrémisme qui ont tendance parfois à tordre le cou à la liberté individuelle et collective des religions reconnait Mounirou Tchacondoh, Coordonnateur de la KAS au Bénin. « Nous avons compris que les religions elles-mêmes, originellement font la promotion de la liberté. La religion a une forte influence sur la société. Et notre travail dans la région ouest-africaine, c’est promouvoir la démocratie et les libertés au cœur du travail de la Fondation Konrad Adenauer ».

Par rapport aux réponses que les religions de tradition peuvent apporter à tous les problèmes soulevés à ce colloque, les panélistes invitent les acteurs religieux à aller plus loin par l’ouverture, la tolérance, l’acceptation dont elles font preuve  déjà au quotidien et ensuite, par l’accompagnement des acteurs politiques pour que la République dans sa proclamation  soit laïque afin d’assurer les libertés individuelles et collectives. « L’une des solutions majeures, ce n’est pas une laïcité juridique mais une laïcité sociale pour maintenir un Etat fort à égale distance dans une très belle neutralité entre toutes les obédiences religieuses».

Cette quatrième édition du dialogue inter-religieux initiée par la KAS vient à point nommé ; parce qu’elle aura le mérite de rassembler au niveau des quatre pays (Côte-d’Ivoire, Bénin, Burkina et Togo) des acteurs religieux et politiques de différentes obédiences et des acteurs de la société civile qui, par leur présence et leur constitution,  participent ainsi au renforcement des libertés interconfessionnelles. Des résolutions et recommandations pertinentes sortiront de ce colloque pour être mises en pratique dans la prévention des conflits inter-religieux et des luttes politiques  dans nos pays.


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