Une carrière bien remplie, entièrement dédiée à la promotion collective des hommes, Dirigeant de mouvements estudiantins, chef syndicaliste, fondateur de partis politiques, universitaire émérite, écrivain engagé, haut fonctionnaire des Nations Unies, ministre, médiateur de la République et enfin frère Melchior : une soirée de vie consacrée spirituellement à Dieu, l’Omnipotent. Que savons-nous au fait de Albert Sourou Tévoédjrè, une figure emblématique du Dahomey d’hier et du Bénin d’aujourd’hui ? Juste quelques bribes que nous avons eu la chance de conserver à travers quelques rencontres.
Semer à tout vent des idées, inventer des voies singulières pour l’avenir, découvrir des terres nouvelles : Albert Sourou Tévoédjrè s’y était essayé avec succès tout au long d’une vie riche et foisonnante. Heureusement qu’il a eu le temps de laisser à la postérité un testament dans lequel il livre les recettes de toute une existence : « Le bonheur de servir » préfacé par son autre ami qui l’a devancé pour l’éternel voyage, Feu Kofi Annan, l’ancien Secrétaire général de l’Onu.
Lorsque je lui demandais s’il a le sentiment d’avoir accompli sa mission sur terre alors que l’homme venait de fêter ses 80 ans, il me répondit. «J’ai répondu autant que faire se peut aux appels de la providence. Je voudrais d’abord préciser que ce n’est pas les titres qu’un homme s’apprécie. Il y a des gens qui n’ont eu aucun titre et qui ont accompli des choses merveilleuses. Donc, c’est le fait que dans un pays où l’espérance de vie est peut-être 50 ans, un pays où les enfants meurent à bas-âge (…) moi j’ai grandi et me retrouve aujourd’hui à l’âge que vous savez. J’ai un sentiment de gratitude vis-à-vis du Créateur et souhaite que beaucoup d’autres atteignent cet âge ». C’était au cours d’un entretien qu’il nous avait accordé aux lendemains à son domicile à Djrègbé sur la route de Porto-Novo.
En effet, « Le bonheur de servir » c’était son livre de témoignage personnel parce que le quadragénaire a vu des monts, des merveilles et de toutes les couleurs ; mais aussi un livre d’engagement. Tant il avait encore la soif de bien faire. Ce qui nous pousse à lui demander au soir de sa vie, ce qui lui reste encore à faire?
Le militant de tous les temps a répondu : « Nous avons tous une perspective de vie très limitée. (…) Notre vie est une phase unique semée de virgules, coupés par des points. Par conséquent, chaque jour, il y a un pas à faire, quelque chose à apprendre, un conseil à donner, une pensée et une prière à faire. Entre aujourd’hui et le jour où le Seigneur m’appellera, il y a encore énormément à faire sur l’éducation, la santé, le développement, la réflexion, l’exemple à donner, l’interrogation à poser. On est là aussi pour témoigner et le témoignage permet aux jeunes, aux générations qui nous suivent de faire mieux ou d’éviter des erreurs que nous avons faites ».
Sa triple formation de séminariste, d’historien et de militant, transparait toujours dans ses réflexions. Selon lui, la jeunesse doit retenir que l’Afrique a besoin de travail. « Le travail des Africains a aidé les autres pays à se développer. Aux Etats-Unis, nous avons contribué par notre travail, notre sueur et notre sang. Nous avons aidé les Européens dans leur lutte de libération. Mais aidons-nous nous-mêmes enfin» martela-t-il.
«Travaillons pour nous-mêmes. Refusons la tricherie et la fausseté pour sortir des dirigeants tels que nous les voulons, dévoués au développement vrai de nos nations. Donnons une chance aux organisations régionales de nous aider à avoir des espaces de développement cohérent et solide (…). Rien ne vaudra encore une fois le travail, le travail, le travail ».
C’était juste quelques extraits de notre entretien pour rendre hommage au patriarche béninois, à la figure emblématique du Dahomey d’hier et du Bénin d’aujourd’hui.
Aline ASSANKPON