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Commerce international / 10ème Conférence ministérielle de l’OMC à Nairobi (Kenya) : Les membres de l’OMC affichent déjà leur scepticisme quant à la teneur d’un potentiel résultat à Nairobi


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En prélude à la 10ème Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), prévue pour se tenir du 15 au18 Décembre 2015 à Nairobi (Kénya), les experts du commerce international réfléchissent actuellement sur plusieurs dossiers qui seront au menu des échanges à Nairobi. Il s’agit entre autres des questions relatives à la réduction des subventions agricoles, l’accès au marché, aux mesures à prendre pour les PMA etc. Pour la première fois, l’Afrique abritera une rencontre de l’Omc et ces questions suscitent déjà des réactions sceptiques au niveau des négociateurs selon le rapport ICTSD.

Ph:DR-: Roberto Azevêdo, Directeur général de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC)

Ph:DR-: Roberto Azevêdo, Directeur général de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC)

Déjà sur la teneur d’un potentiel résultat à Nairobi en décembre prochain, les membres de l’OMC sont divisés sur la question des subventions et de l’accès au marché dans le domaine de l’agriculture selon le rapport ICTSD. A ce sujet, les Directeur général de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), Roberto Azevêdo a récemment appelé les négociateurs à concentrer leurs efforts sur « les questions les plus prometteuses » à cette 10ème Conférence ministérielle de l’organisation. Azevêdo entend par là « des résultats relatifs au développement et aux Pays les Moins Avancés (PMA), des résultats sur la concurrence à l’exportation en matière d’agriculture, et un certain nombre de dispositions pour améliorer la transparence dans plusieurs des domaines des négociations ». Il existe un consensus général au sujet du fait que la conférence ministérielle doit – au minimum – contribuer à certains progrès sur les questions qui préoccupent les PMA.

Néanmoins, les négociateurs des pays développés comme des pays en développement ont exprimé un certain malaise face à cette proposition visant à recalibrer les pourparlers sur paquet plus restreint d’ « éléments livrables » pour Nairobi. Certaines sources commerciales indiquent qu’elles seraient déçues si les négociations ne parvenaient pas à progresser sur les questions les plus controversées, telles que les subventions agricoles ou les droits de douane sur les produits agricoles et manufacturés. « La plupart des membres veulent un résultat compréhensif qui traite de tout », confie un délégué d’un pays développé.

Des négociations visant la conclusion d’un tel résultat ont été lancées en 2001 avec le Programme de Doha pour le développement (PDD) de l’OMC, mais elles sont dans l’impasse depuis l’interruption des négociations en 2008. Il y a deux ans, la Conférence ministérielle de Bali a redonné une certaine impulsion à ces pourparlers commerciaux, avec l’engagement des États membres à développer un programme de travail sur les questions restantes du Cycle de Doha, mais les négociations ont été depuis le théâtre de divergences continues.

Les États-Unis proposent de réduire les subventions agricoles

Au cours des dernières années, l’Union européenne a insisté pour que toute concession faite sur les subventions à l’exportation et les mesures similaires, dans le cadre du pilier « compétition à l’exportation » des négociations sur l’agriculture, fasse partie d’un résultat général pour le Cycle de Doha, plutôt que de conclure un accord séparé de manière accélérée. Mais selon certaines sources commerciales, l’UE pourrait, au vu des évolutions du marché et du contexte de négociation, revoir sa position d’opposition marquée à toute « récolte précoce » incluant des éléments liés à la concurrence à l’exportation.

Lors de consultations informelles tenues le 17 septembre, l’Ambassadeur américain Michael Punke s’est fait l’écho de l’appel d’Azevêdo dans l’optique de recalibrer les négociations sur un ensemble plus restreint de mesures moins controversées. Il a annoncé aux négociateurs que « les États-Unis ont préparé une nouvelle proposition concernant le soutien interne en matière d’agriculture, qui selon lui tient compte des lignes rouges – c’est-à-dire des questions non-négociables – exprimées par d’autres partenaires commerciaux ». En revanche, les États-Unis ont indiqué que les membres de l’OMC « ne sont simplement pas près de parvenir à un consensus multilatéral » sur la question de l’accès aux marchés, que ce soit dans le domaine de l’agriculture, dans celui des biens manufacturés ou dans celui des services.

Soutien par les prix du marché et subventions aux intrants

La proposition informelle des États-Unis a été partagée lors d’une consultation en petit groupe entre les négociateurs en chefs de sept grandes puissances commerciales, le 15 et 16 septembre dernier à Genève. Le Brésil, le Canada, la Chine, l’UE, l’Inde, le Japon et les États-Unis ont participé à cette réunion convoquée par le Directeur général de l’OMC.

Le document suggère qu’il est particulièrement important de renforcer les disciplines sur deux types de mesures de soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges, le soutien par les prix du marché et les subventions aux intrants. La proposition n’indique pas vouloir prendre de mesures spécifique quant aux autres types de déboursements, comme les versements de soutien non spécifiques aux produits qui appartiennent également à la « catégorie orange » – la catégorie de l’OMC qui regroupent les mesures qui ont les plus grands effets de distorsion du commerce.

Le projet de texte indique explicitement que l’accord proposé serait sans préjudice aux droits et obligations des membres de l’OMC en vertu de l’article 6.2 de l’accord sur l’agriculture. Cette clause offre davantage de flexibilité aux pays en développement pour utiliser des subventions aux intrants et aux investissements – des types de soutien qui sont particulièrement importants en Inde (voir Bridges Weekly, 18 septembre 2014).

Engagement à maintenir le statu quo

Selon la proposition, les membres accepteraient qu’ils « devraient éviter d’avoir recours au soutien par les prix du marché et aux subventions aux intrants pour les produits agricoles ». Ils s’engageraient également à maintenir le « statu quo » en matière de soutien par les prix du marché et de subventions aux intrants. Cela comprendrait potentiellement un accord pour ne pas accroître le prix administré des produits bénéficiant d’un soutien par les prix du marché, ne pas augmenter le nombre de produits agricoles bénéficiant de ce type de soutien, et ne pas rehausser au-delà du niveau actuel les subventions aux intrants spécifiques aux produits pour les produits agricoles.

Punke a déclaré que cette nouvelle proposition ne requerrait de la part d’aucun membre qu’il modifie ses programmes existants qui sont en conformité avec les règles actuelles de l’OMC. Il a également indiqué que les pays qui subventionnent le plus devraient répondre à une question clé : « veulent-ils chercher des domaines dans lesquels ils peuvent contribuer à des progrès sur cette question ? » Au cours des derniers mois, Washington a fait valoir avec insistance que les grands pays en développement comme la Chine devront accepter d’entreprendre des réductions dans le cadre de tout accord multilatéral en matière de soutien domestique agricole (voir Bridges Weekly, 25 juin 2015).

Des réactions sceptiques

Certaines sources commerciales ont indiqué qu’elles ne pensent pas que la proposition américaine recevra un grand soutien de la part des autres pays. « Cela ne marchera pas », a déclaré un délégué d’un pays en développement, ajoutant que la Chine et l’Inde ne sont pas en accord avec l’approche américaine.

Un autre délégué d’un pays développé a affirmé être d’accord avec ce point de vue, suggérant que la réaction critique de ces membres n’est « pas une surprise » face à une proposition qui se concentre sur leurs propres programmes de soutien sans s’attaquer aux types de mesures utilisés par d’autres pays qui subventionnent beaucoup. Un certain nombre de délégués se sont également interrogés sur le fait de savoir si le fait d’introduire une nouvelle approche en matière de soutien interne si près de la conférence ministérielle s’avèrera utile dans l’optique de parvenir à un consensus entre les membres. « Je pense que cela rend les choses plus difficiles », a déclaré un délégué.
Un paquet de mesures pour les PMA ?

Un délégué africain a également mis en garde quant au fait que plusieurs groupes de pays en développement seraient réticents à accepter un résultat pour Nairobi articulé autour d’« éléments livrables » pour les PMA, avec toutefois peu à offrir aux autres pays en développement n’appartenant pas à cette catégorie. Les coalitions concernées sont le groupe G-33 des pays en développement avec d’importantes populations de petits paysans, le Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ainsi que le Groupe africain.

Les négociateurs espèrent désormais que les ministres du commerce du G20 donneront des orientations supplémentaires aux pourparlers à la dernière rencontre d’Istanbul. Les États du G7 devraient également se rencontrer en marge de cet évènement pour tenter d’identifier des pistes permettant de faire avancer les négociations, selon des sources commerciales.

Cependant, les délégués sont conscients qu’il ne reste que quelques semaines pour dessiner les contours d’un potentiel accord et commencer à discuter des détails. « Le temps presse », a déclaré Azevêdo aux négociateurs commerciaux. « Il est essentiel d’obtenir une réponse à cette question au cours du mois prochain ». (Ndlr : Nous reviendrons plus en détail sur la position des PMA dans nos prochaines éditions).

Aline ASSANKPON


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