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Ph: DR-: Dr Dimitri Sanga du Bureau sous régional de l’Afrique de l’Ouest de la Commission économique pour l’Afrique

Ph: DR-: Dr Dimitri Sanga du Bureau sous régional de l’Afrique de l’Ouest de la Commission économique pour l’Afrique

L’actualité au menu des Conférences et Sommets sur le plan continental, c’est la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECA). Pour preuve, le dernier sommet de l’Union africaine en Mauritanie avait aussi au menu des échanges, la zone de libre-échange. Une question qui soulève des inquiétudes de tout genre lorsque des pays de l’Afrique du Nord comme le Maroc, la Tunisie, convoitent le bloc ouest-africain, la Cedeao. Que va-t-on mettre sur ce marché de libre-échange continental, le Directeur du bureau sous régional de la Commission économique pour l’Afrique, Dr Dimitri Sanga apporte ici quelques réponses pour dissiper les inquiétudes de nos pays.

Propos recueillis : Aline ASSANKPON

 

L-Integration.com : Vous avez choisi Cotonou pour abriter deux réunions importantes cette semaine : la réunion Ad’hoc d’experts  pour le Bloc Cedeao et la 21ème Session du Comité intergouvernemental des Experts – CIE-21  pour la Commission économique pour l’Afrique. Quelle est l’opportunité de ces réunions d’experts pour notre région ?

Dr Dimitri Sanga : Les deux réunions que nous avons au cours de cette semaine du lundi au vendredi, portent sur un certain nombre de sujets qui émanent de ce que nous avons vécu en 2017. Il y a  eu plusieurs événements mais deux grands qui sont de grandes dimensions : le premier, les chefs d’Etat Gouvernement ont annoncé lors du Sommet à Monrovia  l’acceptation du Maroc en principe au sein de la Cedeao, en donnant mandat à la Commission de la Cedeao de pouvoir entreprendre des études, voir approfondir les analyses qui leur permettront de prendre une décision définitive  dans le futur.

Ils se sont réunis en décembre à Abuja et ont formé une commission faite de chefs d’Etat qui va superviser la Commission dans la recherche de ses analyses qui leur permettront d’avoir une vision éclairée sur la question de l’adhésion d’un certain nombre de pays de l’Afrique du Nord, le Maroc, la Tunisie.

Secundo, 44 pays africains ont signé l’accord de la Zone de libre-échange continentale africaine ; Certains d’entre eux ont signé le protocole qui va avec la libre circulation des personnes dans la ZLECA. Ces deux événements ont un impact sur la question de l’intégration au sein de la Cedeao. D’abord, on parle de l’élargissement potentiel si jamais la réponse est positive ; ensuite, la Cedeao qui est déjà un ensemble à travers la zone de échange entre les quinze pays, qui ont déjà un niveau de Tarif extérieur commun (TEC) ; et voilà venir au niveau continental, cette ZLECA, quelles sont les implications de tout  ça sur l’équilibre de la Cedeao ?

Voilà ce qui a milité dans le sens de réunir  ici, des experts provenant de quinze pays de la Cedeao pour que nous puissions discuter ouvertement, basée sur les faits de manière objective des questions d’intégration, de nouveaux  membres de la Cedeao, des questions d’aller vers une ZLECA parce que certains pays de la Cedeao l’ont déjà signé et d’autres pas encore.

Concrètement, quelles sont les implications pour nos pays et pour la Cedeao ?

 

Pour le moment, je n’ai une réponse univoque basée sur des analyses un peu objectives ; c’est l’exercice que nous faisons maintenant. Nous disons qu’il peut y avoir des gagnants et des perdants dans l’exercice, mais à quel niveau ? Ça dépend des niveaux ; la principale chose que les gens regardent c’est le commerce, ils disent nous avons des tarifs car lorsque vous n’avez pas une zone de libre-échange avec les autres, tout ce que vous importez, vous payez des taxes qui vont directement dans les caisses de l’Etat et qui vont être perdues. Donc on peut perdre les tarifs. Mais si le commerce devient un volume plus important, il permet aux petites et moyennes entreprises de votre pays de pouvoir aussi aller vendre dans les autres pays ; en ce moment-là, ils ont accès à un plus grand marché ; ils gagnent plus de revenus qui seront investis dans le social.

Voilà les autres gains auxquels les autres ne peuvent pas penser ; donc il faut des analyses en équilibre générale qui considère les différents secteurs, qu’est-ce qu’on perd, qu’est-ce qu’on gagne et à la fin, on dit si c’est bien d’aller vers ces zones de libre-échange et d’avoir des nouveaux membres ou pas.

Selon les simulations présentées, d’aucuns disent que l’Afrique de l’Ouest aura à gagner non seulement sur le plan des échanges commerciaux mais également dans les réalisations d’infrastructures créatrices d’emplois et de richesses. Vous confirmez ces assertions ?

L’infrastructure est à la base du commerce. Prenons le cas du Bénin, lorsque vous produisez beaucoup d’ignames, et il y en a suffisamment pour les Béninois et pour exporter. Cela dépend de où vous amenez ces ignames. Si par exemple, les Ethiopiens veulent avoir des ignames, donc aller de Cotonou vers l’Ethiopie, vous avez plusieurs façons d’y aller, soit par voie maritime, aérienne et routière. Ça arrivera quand ? On ne sait pas. Voilà la question qui se pose. Si on avait une autoroute qui part du Bénin pour l’Ethiopie, ça aurait été un peu plus rapide d’envoyer ces ignames avant qu’elles ne soient périssables et accéder à un marché de 100 millions d’individus. Quelque chose que le Bénin ne peut pas supporter. Le commerçant béninois qui a suffisamment d’ignames à vendre à 100 millions d’individus, vous voyez le genre d’emplois qui peut être créés et les revenus qui peuvent être faits.

Mais l’infrastructure peut également poser un frein, car c’est un ensemble qu’il faut considérer ; il ne faut pas juste regarder le commerce comme on a un bien ou un service qu’on va vendre dans le pays. C’est accompagner d’une série de mesures incluant le développement des infrastructures.

Nous sommes tous pour la bannière de l’Union africaine qui a le Programme des Investissements d’Infrastructures en Afrique (PIDA), qui  consiste à créer des corridors et qui réunirait le Nord au Sud, l’Est à l’Ouest, qui existe et qui aujourd’hui souffre des problèmes d’investissements surtout la collecte des fonds pour investir dans ça. Et pour cela, l’Union africaine est en train de prendre des mesures pour avoir des ressources propres pour entamer ces grands travaux d’infrastructures. Il y a les projets Corridor-Lagos-Abidjan ; Abidjan-Dakar. Il y a des études de faisabilité qui ont été faites pour le tronçon Lagos-Abidjan, financé par la BAD. Donc, je pense que nous sommes sur le bon chemin : il nous faut développer ces infrastructures, il faut que les pays africains entrent dans les accords pour développer et libéraliser l’espace aérien afin de permettre la fluidité des biens et des services sur le continent. C’est un ensemble d’outils qu’il faut mettre en place pour accompagner le commerce.

Ph: DR-: Dr Dimitri Sanga : "...Et voilà qui apportera du travail et fera le transfert de technologies qui pourra aider le pays. Tout est dans les négociations."

Ph: DR-: Dr Dimitri Sanga : « …Et voilà qui apportera du travail et fera le transfert de technologies qui pourra aider le pays. Tout est dans les négociations. »

Cependant, l’intégration du Maroc et de la Tunisie suscite beaucoup d’inquiétudes au niveau des populations qui craignent que ces pays du Nord qui sont déjà un niveau de développement, ne viennent effriter nos petites économies déjà faibles de l’Afrique de l’Ouest. Quel est votre avis sur ces inquiétudes ?

Je ne donne pas un avis là-dessus ; je parle des faits. Le fait est qu’il est exagéré de dire qu’il n’y aura que des pertes lorsque ces pays-là rejoignent la Cedeao. Et pour conclure de façon sans équivoque : Est-ce que ça va être bénéfique ou pas ? Il faut qu’on pousse ces études dont on est en train de discuter à Cotonou, puis on va voir l’effet sur le bien-être, le PIB, le Secteur qui va gagner. Mais je vais peut-être  ici porter à votre réflexion quelques points. Vous dites qu’un pays comme le Maroc, s’il vient installer des industries dans un pays comme le Bénin, ça va tuer l’industrie locale.

Au contraire, si l’industrie de production est installée au Bénin, ça va permettre au Béninois d’accéder à cette industrie, il y aura plus d’emplois. Tout est dans les négociations, lorsque le Bénin et le Maroc veulent s’entendre sur ces faits-là, il faudra poser des conditions telles que : « Lorsque vous venez installer vos usines, nous ne voulons pas qu’il y ait cent pour cent de Marocains qui viennent gérer ces usines ; nous voulons que vous formiez les jeunes béninois pour pouvoir manipuler ces outils de production ». Et voilà qui apportera du travail et fera le transfert de technologies qui pourra aider le pays. Tout est dans les négociations.

Sauf que dans les négociations, il y a aussi des rapports de force qu’il faut prendre en compte, le Bénin et le Maroc n’ont pas les mêmes poids.

Justement, nous ne parlons pas du Bénin et du Maroc ici, nous disons qu’il faut aller en bloc. C’est le Maroc ou la Tunisie vers sus la Cedeao dans son ensemble qui en retour donnera son aval pour que le Maroc puisse rejoindre le groupe ou pas.

Est-ce à dire que, dès lors que la Cedeao donne son aval, le Bénin pourra quand-même négocier avec le Maroc de façon bilatérale ?

Le Bénin va négocier avec le Maroc à travers cet accord et la force, c’est quoi ? Nous avons une population de 350 millions d’habitants qui va aller négocier ensemble comme un bloc devant le Maroc.

Par ailleurs, en matière des lignes tarifaires, le Maroc, possède déjà environ 17 et la Cedeao n’a que 5. Voyez déjà le gap. Qu’est-ce qui est en train d’être fait à ce niveau-là avant l’aval du groupe ?

Les lignes tarifaires dont on parle pour la Cedeao, ce sont les cinq lignes qui ont fait l’objet de négociation entre les quinze pays de la Cedeao pour le Tarif extérieur commun (TEC). Lorsque le Maroc frappe à la porte d’une organisation qui a déjà un TEC, c’est le nouveau venu qui doit s’aligner sur ce qui est fait dans l’ensemble. Voilà ce qui est fait dans les négociations. Ce n’est pas seulement les flux commerciaux, les tarifs, etc, mais tout l’aspect juridique qu’il y a derrière ça qu’il faut considérer. Il y a énormément d’étudiants de l’Afrique de l’Ouest qui vont étudier au Maroc et qui payent des frais d’études exorbitants, tout ça doit fait parties des négociations.

Si jamais le Maroc avait à rejoindre la Cedeao qui a libre circulation des personnes et des biens qui est un modèle sur le continent, il n’y a pas le choix d’intégrer cette libre circulation. Ce qui veut dire qu’un Marocain pourra venir s’installer à Cotonou et un Béninois pourra aussi aller s’installer à Marrakech ; voilà un peu le gendre des choses sur lesquelles le bloc de la Cedeao va négocier avec le Maroc.

En matière de PIB, qu’est-ce que les pays de la Cedeao vont tirer comme bénéfice ?

La zone de libre-échange a pour but de faciliter les échanges entre pays africains. Pour l’instant, le tarif moyen que nous nous imposons les uns aux autres au sein du continent est en moyenne 6,1% et je voudrais vous dire ici qu’il y a des pays européens, asiatiques et américains qui ont des tarifs bien plus bas que ça sur des produits qui viennent des pays africains. Vous êtes une petite et moyenne entreprise béninoise (PME), parce que sur ce continent 80% des entreprises sont de PME. Vous faites face un tarif de 6,1% à côté de votre voisin le Ghana, alors qu’un pays comme la Belgique vous exige 3% qu’est-ce que vous feriez ? Logiquement en tant que femme d’affaires, vous allez envoyer votre pays en Belgique, parce que même en tenant compte du transport, vous serez toujours gagnant.

Maintenant, lorsqu’on va éliminer progressivement ces tarifs, ça deviendra plus intéressant pour une PME d’envoyer ses produits juste à côté, parce que le tarif ne sera pas un problème. Voilà les choses que nous allons gagner et donc si on met tout ensemble, secteur par secteur, le PIB qui regroupe l’ensemble de tous les secteurs, les chiffres le montrent déjà à priori qu’il y aura des gains en termes de PIB pour les pays participants. C’est la direction que va prendre cette zone de libre-échange.

Quand on pose le problème d’infrastructures, on semble occulter le problème d’énergie qui se pose avec acuité dans notre région. Quelles sont les dispositions que vous prenez pour résoudre ce problème ?

Le problème d’infrastructures est posé dans un ensemble sur le continent. Il s’agit de transformer les produits et de les vendre, on ne peut pas le faire si on n’a pas l’énergie. Nous savons que dans la plupart de nos pays, se pose le problème de l’énergie. Mais nous savons aussi que notre institution continentale qu’est l’Union africaine a de gros projets sous le Nepad pour régler cette question en termes d’infrastructures. J’ai parlé de routes, du secteur aérien, mais dans le secteur de l’énergie, il y a un secteur phare du Nepad qui est celui d’investir dans le barrage d’Inga en RDCongo, s’il est exploité dans son potentiel, il donnera de l’énergie pour toute l’Afrique subsaharienne et bien au-delà. C’est également une question de financement qui se pose à ce niveau. Dès l’accession du président Paul Kagamé à la présidence de l’Union africaine, il a pour ambition de faire en sorte que cette institution continentale ait une autonomie financière. On va aller prélever sur l’importation des biens qui entrent sur le continent un petit pourcentage et ce montant va être envoyé à l’Union africaine pour rentrer dans ces grands projets-là. Donc nous espérons qu’à termes, les montants d’appoints qui viendront des partenaires nous permettront d’avoir les infrastructures pour pouvoir aller vers la consommation structurelle que nous voulons.


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