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Enquête / Foncier et sécurité alimentaire dans la commune de Sèmè-kpodji / Un fermier intellectuel reconnait la combativité et la bravoure des femmes dans l’agriculture. (4ème partie)


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 Faute d’accès à la terre, elles sont à la remorque des hommes

 

Quant aux activités des femmes, Valère Agondohoui déclare : « Les femmes, il ne faut pas jouer avec elles, elles boxent plus que les hommes. Elles travaillent beaucoup ! Cependant, elles n’ont pas accès à la terre et ne sont pas propriétaires terriens dans toute la commune de Sèmè-kpodji. Seuls les hommes disposent des terres cultivables. Les femmes reconnaissent cela et pensent que c’est la tradition ».

 

Envoyée spéciale Aline ASSANKPON (L-Intégration.com)

 

Installé dans un grand domaine à Djregbé depuis une vingtaine d’années,  M. Valère Agondohoui, est un infatigable agriculteur qui expérimente tout sur sa ferme. Ayant travaillé dans de grandes entreprises en France durant 30 ans, cet expert-comptable a choisi de rentrer au Bénin depuis sa retraite en 1997. Aménagé à Djrègbé, ce sexagénaire consacre tout son temps dans des activités agricoles.

Ph: DR-: Le Vieux Agondohoui expliquant les manifestations de la peste porcine

Ph: DR-: Le Vieux Agondohoui expliquant les manifestations de la peste porcine

Après sa retraite, M. Agondohoui, pouvait s’installer dans son propre cabinet pour faire de l’expertise-comptable aux entreprises béninoises. Mais il dit en avoir marre de calculer pour les autres et a préféré l’agriculture pour ses vieux jours. Après des années d’expérimentation il déclare : «J’ai expérimenté beaucoup de choses ici, j’ai tout ce qu’il faut ».

Des porcs mâles du Vieux Agondohoui élevés à part pour des expériences

Des porcs mâles du Vieux Agondohoui élevés à part pour des expériences

Directeur exécutif de la Coopérative des Agriculteurs de l’Arrondissement de Tohouè,  M. Agondohui est l’initiateur de beaucoup de projets dans cette localité. « Nous avons initié de petites activités de transformation de produits agricoles et d’héliciculture ». Selon lui, il y a des tas de choses qu’on peut développer pour les femmes à la maison et dans les fermes. Après l’initiative de la production du riz dans la zone de Dja et la transformation du maïs en farine Gambali-lifin pour les femmes,  il a acheté un incubateur de 1000 puissances pour faire des poussins qui seront distribués aux femmes et même aux hommes qui le désirent.

Ph/DR-: Une vue partielle des pintades enfermées et d'autres en divagation

Ph/DR-: Une vue partielle des pintades enfermées et d’autres en divagation

«Si chaque personne reçoive 50 trottes, au bout de 7 à 8 semaines, il peut les vendre et revenir prendre d’autres. Donc de manière à rendre pérenne l’activité et de fil en aiguille d’autres peuvent aussi se faire former dans la filière. Mais sans le courant électrique l’incubateur ne peut fonctionner convenablement ».

Désignant l’incubateur déposé sous un hangar, il explique les démarches menées à la SBEE sans succès. « La SBEE me réclame 4 millions et demi pour l’installation des poteaux électriques. Et l’incubateur est là d’abord puisque je n’ai pas encore ce fonds ».

Sa maison, érigée au milieu d’un grand champ de maïs et de manioc semble accueillir tout visiteur par des cris de pintades : « Akuè- akuè !». C’est bien cela ironise-t-il, arguant qu’il ne voit quand-même pas l’argent en question.

Dans un coin de son salon, une mère-poule couve ses œufs ; c’est la preuve que ce fermier accepte de partager son espace avec ses volailles. Son chien qu’il maîtrise bien est venu flairer les visiteurs. Juste à côté du salon, c’est une salle remplie d’une cinquantaine de pintades enfermées dans un tintamarre de cris. Sur la basse-cour et dans la concession d’autres volailles sont en divagation mais sous surveillance. Tout le sol est jonché de fientes de volailles, « faites attention à vos pieds, vous êtes chez le fermier » lance-t-il. Habitués à cette situation, les visiteurs ne s’en plaignent pas.

Ph/DR- Cette mère-porc (génitrice) pèse-environ-110kg selon le vieux Agondohoui

Ph/DR- Cette mère-porc (génitrice) pèse-environ-110kg selon le vieux Agondohoui

Ailleurs, dans les enclos de porcs bien entretenus, il y a encore une vingtaine de porcs (femelles et males) qui grognent. De grosses mère-porcs retiennent l’attention des visiteurs, l’une d’elles pèserait environ 110kg selon lui. En effet, il y a environ trois mois, la peste porcine africaine (PPA)  était de passage et a décimé les porcs sauf quelques mères-porcs ont été épargnées.  « Avant, j’avais plus de 800 porcs ici, la PPA a tout décimé. C’est en fait un problème d’hémorragie interne selon mes observations ». Ses explications nous révèlent que la PPA se manifeste à travers des signes suivants : Atteints, les porcs refusent de manger, des boutons rouges apparaissent sur leur peau qui devient rougeâtre et trois jours après ils meurent.

La découverte continue : Plus loin deux grands bassins remplis d’eau sans poissons scrutent le ciel : « Je fais également l’élevage de poissons, mais ceux que j’avais embauchés l’année dernière pour les  élever n’y ont pas pris soins et tous les poissons sont morts. J’ai dû abandonner d’abord » dit-il l’air serein.

S’il projette d’abandonner l’élevage des porcs pour se consacrer uniquement aux volailles à cause des pertes enregistrées,  la liste des activités à abandonner  semble s’allonger. Néanmoins, il y a toujours à faire dans cette ferme au regard des infrastructures qui y sont aménagées. « Il y a énormément du travail chez nous au Bénin. Qu’est-ce qui empêche les gens de travailler ? D’abord l’ignorance ensuite, les gens ne savent pas comment  trouver de l’argent et enfin, ceux qui en disposent ne veulent pas accompagner ceux qui ont des idées pour initier quelque chose. Il y a trop d’individualisme » déplore-t-il.

Par rapport à la désaffection des jeunes à l’entreprenariat et aux travaux agricoles, M. Agondohui pense qu’il y a un problème d’inadéquation de la formation depuis la base. « Moi je pense que le système de formation n’est pas en adéquation avec ce qu’on demande aux jeunes de faire. Il faut commencer par la base. Je dis à mes enfants et petits-enfants qu’à un niveau d’études, on ne fait pas une formation classique. Il faut suivre une formation professionnelle spécialisée. Après la formation, même s’ils ne sont pas embauchés par une entreprise, ils peuvent s’installer chez eux pour mettre en pratique leur formation ».

Le Vieux Agondohoui répond à nos questionsChaque année, M. Agondohui reçoit dans sa ferme des universitaires et des étudiants en fin de formation. Compte-tenu du nombre de diplômés déversés sur le marché du travail, le Vieux se dit prêt à embaucher quelques stagiaires qui seront formés et payés mensuellement. « Je suis prêt à payer quelqu’un qui a le Bac et plus pour qu’il vienne travailler ici en tant qu’apprenti pendant deux ans. Il vient ici pour faire ses expériences, il va observer ce qu’on fait ici, on travaille ensemble. S’il sait faire, il s’en va».

Mais il pense toujours que les jeunes ne sont pas pour autant motivés pour les travaux agricoles. Ils s’y consacrent difficilement. « Parce qu’ils sont mal formés et ne savent pas comment il faut s’y prendre sur le terrain ; dès qu’il y a un petit problème, ils sont butés ». Face à cette situation, M. Agondohui renvoie le tort non seulement à l’Etat mais également aux parents qui ne savent pas orienter leurs enfants.

Selon lui, on ne peut faire le développement d’un pays sans l’agriculture qui sauve le monde. Même si les aléas climatiques tentent de freiner les ardeurs des fermiers de Tohouè, Agondohui  estime que ces difficultés offrent l’occasion de réfléchir pour trouver des solutions idoines pour contrer à l’avenir ces difficultés. Il s’agit des solutions de résilience qui permettent de repousser les barrières de l’insécurité alimentaire.

Le projet de riziculture avec des casiers de riz a été initié pour  pallier au carnage des porcs tous les ans par exemple. « N’importe qui peut voir résoudre ses problèmes d’alimentation à travers ce projet. Celui qui est désœuvré et qui ne dispose pas de terre à exploiter peut aller dans le bas-fond y cultiver toutes sortes de cultures et même des cultures contre saison afin de résoudre ses problèmes de sécurité alimentaire».

Déjà au soir de sa vie, ce sexagénaire, qui porte bien ses 70 ans, estime que son avenir est derrière lui qu’il ne lui reste qu’à aider et encadrer les bras valides. « Je continue de travailler certes parce que je suis encore en vie. Tant que Dieu me donne la force de travailler, je vais toujours m’investir. Donc, je suis là pour accompagner, encadrer les jeunes et les agriculteurs de cette localité et leur prodiguer les conseils compte-tenu de mes expériences». 


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