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Dialogue de Politiques de Haut niveau sur la Planification du Développement en Afrique / Interview avec le Prof Sylvain Boko de la CEA : « Désormais, il faut une planification rigoureuse basée sur les données réelles pour nos Etat »


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Les rideaux sont tombés sur le Dialogue de Politiques de Haut niveau sur la Planification du Développement en Afrique de Cotonou. Les planificateurs et statisticiens africains ont  -durant deux jours (7 et 8 juillet) – échangé sur les expériences pays et  identifié les stratégies, instruments et mécanismes à adopter par les Etats africains pour une planification rigoureuse basée sur des données et statistiques réelles. Le Prof  Sylvain Boko, Conseiller régional principal de la Division du Renforcement des capacités à la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (UNECA) satisfait des résultats obtenus à l’issu des travaux, explique ici, l’opportunité de ce dialogue.

Propos recueillis par : Aline ASSANKPON

l-integration.com : Prof  Boko, durant deux jours, Cotonou a abrité un dialogue de haut niveau sur les politiques de planification de développement en Afrique. Quand on parle de dialogue, c’est que le système s’est brisé quelque part. Que s’est-il passé pour qu’on en soit arrivé à une révolution des données en Afrique ?

M. Boko Sylvain de la CEA : « Il ne faut pas que les politiciens prennent l’habitude d’interférer dans la chose statistique… »

M. Boko Sylvain de la CEA : « Il ne faut pas que les politiciens prennent l’habitude d’interférer dans la chose statistique… »

Prof  Sylvain Boko : (Merci  Mme). Je pense que c’est une bonne question. Vous savez, dans les années 80 et 90, les pays africains ont connu une période appelée, période des Programmes d’Ajustements structurels. Ces Programmes d’Ajustements structurels sont venus affaiblir les institutions de la planification de nos pays ; parce qu’ils avaient une orientation vers le marché, vers le capitalisme où le rôle du gouvernement était vu comme un facteur d’entrave au développement de nos pays.

De ce point de vue, les capacités de planification de nos institutions étaient dans beaucoup de cas, effectivement détruites. Nous avons compris – après les résultats non probants  qui ont été constatés à l’évaluation de ces programmes d’ajustements structurels –  qu’il était important pour que les Etats africains renouent avec la planification. D’où le thème, le Renouveau de la planification. Et c’est sur cette base que, même les organisations continentales, dans notre cas, internationales, s’investissent donc dans ce processus de la planification.

Et dans quel but ?

On sait que les pays africains ont amorcé une période de croissance économique tournant autour de 4, 5, 6 % en moyenne. On sait aussi que cette croissance économique, ne se traduit pas automatiquement dans l’amélioration des conditions de vie des populations. Déjà, la croissance économique ne veut pas dire que les ressources sont distribuées de façon égale ; les emplois sont créés et que les différentes couches de la société sont prises en compte. Pour ce faire, il faut une planification rigoureuse basée sur les données réelles, sur les statistiques réelles. Il faut des cadres de Suivi-évaluation, des Projets-programmes qui pourraient être élaborés durant ces phases de planification.

Donc, quand on parle de dialogue, c’est pour sensibiliser les pays sur cette nouvelle ère de la planification économique dans nos pays et aussi partager les expériences des pays qui sont un peu plus avancés sur ce point et ensemble développer les mécanismes et même les outils qui pourraient être utiles pour nos planificateurs. Et dans cas-ci, en collaboration et en liaison avec nos statisticiens.

Beaucoup d’études, de formations, de plaidoyers et d’accompagnements sont faites à la Commission économique pour l’Afrique (CEA). Mais on a l’impression que ça tarde à prendre. De quels moyens disposez-vous alors pour amener les pays à atteindre cet objectif que vous recherchez ?

Vous savez, nous, on ne peut que travailler sur la base de la volonté des pays, des choix politiques des pays. On n’a pas la force de contraindre les Etats membres ; mais, notre force, c’est vraiment de continuer à insister, à sensibiliser  et à mettre à la disposition des pays, notre savoir-faire, notre expertise. Il y a des cas où nous mettons à disposition des ressources pour pouvoir aller dans le sens de ce que nous voulons de cette planification.

C’est pourquoi en réalité, ce genre de dialogue se tient. Il faut que les décideurs de ces pays voient le bien fondé de mettre une priorité sur les éléments de ces discussions que nous menons ici (Ndlr : à Cotonou). Nous pensons que, avec notre position d’institution internationale, en collaboration avec l’Union africaine et la Banque africaine de Développement (BAD) ; nous faisons parties des institutions – sur le plan continental – ayant des moyens  pour  entraîner les pays vers cette dynamique de la transformation de l’économie à travers une bonne planification.

Et je pense que ça commence à prendre ; parce que chez nous-mêmes, ce qui s’est passé avec la restructuration récente qui s’est tenue à la CEA,  nous avons donc créé la Division de renforcement des capacités qui est censé engager les pays sur tous les terrains. C’est vrai que nous ne sommes pas une institution de financement  comme la BAD, mais nous disposons tous les autres terrains qu’il faut pour pouvoir préparer les pays à amorcer et soutenir ce processus.

Nous avons noté que la présente rencontre fait suite à celle du mars dernier à Addis Abeba qui a consacré la Révolution des données. Il est prévu à la fin de ce dialogue, la réalisation d’un manuel de procédure. Comment comptez-vous rassembler des données crédibles et fiables ?

D’abord, il faut être clair, le manuel ou le guide qui pourrait sortir de dialogue ne serait pas pour rassembler les données mais plutôt pour établir des normes qui permettront aux planificateurs, statisticiens de pouvoir collecter les données selon les standards  afin de pouvoir les analyser et les disséminer.

Nous avons au niveau de la CEA, le Centre africain de la Statistique qui travaille en collaboration étroite avec des institutions internationales de la statistique telles que Paris 21, AfriStat pour renforcer la capacité institutionnelle, structurelle, organisationnelle et technique des instituts nationaux de la statistique pour leur permettre de faire le travail selon les normes internationales. Et c’est cela qui va renforcer la fiabilité et la crédibilité.

Mais aussi, nous appelons à travers ce dialogue, les Etats à faire de sorte que ces instituts nationaux (dans d’autres pays, c’est des agences) qu’ils bénéficient d’une autonomie et d’une indépendance politique. Il ne faut pas que les politiciens prennent l’habitude d’interférer dans la chose statistique, c’est-à-dire les données qui sont produites ; voir comment les données sont analysées, etc. Il faut que ce soit indépendant et autonome. Et c’est comme ça qu’on peut dire qu’une donnée est fiable. Mais si les données sont manipulées, là ça devient un problème en termes de planification, de suivi et de résultat.

Dites-nous un mot sur l’utilisation de l’internet, des réseaux sociaux dans la collecte des données.

Quand on parle de la Révolution des données, c’est tout ça ; l’utilisation de tous les outils modernes qui sont à la disposition des techniques : les réseaux sociaux, les PDA, etc. Vous savez, les recensements, les élections aujourd’hui dans beaucoup de pays sont faits sur les tablettes, les PDA et même sur les téléphones. Donc il y a de ces applications et programmes qui sont des opportunités offertes par les technologiques et ils doivent être mis au service de la Révolution des données.

Au sortir de ce dialogue de haut niveau, avez-vous le sentiment que les résultats escomptés sont atteints ?

D’abord, je profite de l’occasion pour remercier le gouvernement béninois qui nous a accueillis avec chaleur. Nous avons été reçus par deux ministres qui ont aussi honoré les séances de leur présence. Je pense que tous les participants – je  parle en leur nom – nous sommes satisfaits des résultats qui sont obtenus à travers ce dialogue.


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