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Santé / Motilium : cet antivomitif est-il dangereux ?


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La revue spécialisée indépendante Prescrire réclame le retrait du Motilium et de ses génériques. Utilisé depuis les années 1980, cet antivomitif est accusé d’avoir causé entre 50 et 120 morts subites en 2012, du fait de ses effets secondaires au niveau cardiovasculaire. Rappelé dès 2011 aux médecins français, ce risque connu de longue date a entraîné la réévaluation de cette molécule au niveau européen. Les premières conclusions sont attendues pour début mars 2014.

Ph: DR -

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Motilium, un risque connu de longue date

La dompéridone (Motilium ou autres génériques) est un neuroleptique utilisé dans les nausées-vomissements banals depuis le début des années 1980. On sait que les neuroleptiques exposent aux troubles du rythme cardiaque.

– Sa forme injectable a été retirée du marché en 1986 du fait des troubles cardiaques et des morts subites induites. Mais pas sa forme orale.

– En 2004, se basant sur une réévaluation européenne, la commission de la transparence française jugeant le service médical rendu de cette molécule insuffisant, sauf dans les nausées-vomissements où il est considéré comme « modeste ».

– Mais depuis 2005, plusieurs études épidémiologiques, néerlandaises et canadiennes, ont montré que les morts subites cardiaques sont environ 1,6 à 3,7 fois plus fréquentes en cas d’exposition à la dompéridone.

– Fin 2011, l’Agence française du médicament et la principale firme concernée ont informé du risque de mort subite les médecins et les pharmaciens. Une lettre a été adressée aux professionnels de santé en décembre 2011 afin de les sensibiliser sur ce risque.

– Dans le même temps, l’usage détourné de cette molécule pour faciliter l’allaitement fait l’objet d’un rappel sans équivoque du directeur général de l’ANSM, Dominique Maraninchi. Sur Europe 1, il déclarait : « Ce médicament, quand on le détourne de son usage, est très dangereux (…) C’est vraiment contre-indiqué, c’est dangereux pour la mère et c’est dangereux pour le bébé« .

– En raison de la persistance des effets indésirables, la Belgique a souhaité initier une réévaluation européenne du rapport bénéfice/risque de la dompéridone. La France et la Belgique sont en charge de cette évaluation. En mars 2014, l’Agence européenne du médicament doit se prononcer sur la dompéridone.

Contacté par Doctissimo, l’ANSM demande aux prescripteurs, dans l’attente des résultats de cette réévaluation, de respecter strictement les indications de ce produit et de prendre en compte le risque d’allongement de l’espace QT chez les patients en particulier ceux qui présentent des facteurs de risque. La molécule fait l’objet d’une surveillance renforcée, mais depuis la lettre envoyée aux médecins en décembre 2011, aucune alerte particulière n’a amené l’agence à demander une restriction d’utilisation ou à engager une suspension du médicament. Les cas de pharmacovigilance (recensement des effets secondaires) sont aujourd’hui centralisés au niveau du Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) qui devrait rendre son avis en mars. La première étape avant de nouvelles recommandations européennes. Le 20 février, l’ANSM rappelle ces faits dans une lettre adressée aux professionnels intitulée « Mise en garde de l’ANSM sur l’utilisation des médicaments contenant de la dompéridone« . Pour les patients, la recommandation de l’agence est : « En l’absence de troubles cardiaques, les patients actuellement sous traitement peuvent continuer la prise de Domperidone. Le traitement pourra éventuellement être reconsidéré lors d’une prochaine consultation« .

Ph-DR- Ce sirop très consommé....

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15 à 120 morts subites liées à la dompéridone en 2012

Mais face aux résultats intermédiaires de cette évaluation du PRAC, la revue Prescrire est pessimiste quant à ces prochaines recommandations : »Il est à craindre qu’elle se contente de préconiser des baisses de posologies ou de durée de traitement« . Des mesures qu’elles jugent insuffisantes compte-tenu du nombre de patients exposés et du risque encouru.

Le 19 février, Prescrire publie un travail basé sur les données de l’Assurance maladie. Selon ces données, environ 7 % des adultes ont reçu au moins une dispensation de dompéridone en 2012, soit environ 3 millions de personnes. Environ 23 % de ces personnes ont reçu le même jour une dispensation d’un médicament connu pour potentiellement majorer le risque d’arythmie sous dompéridone. Selon ces travaux, « En rapprochant ces données et la fréquence des morts subites en France, des hypothèses prudentes rendent vraisemblable qu’environ 25 à 120 morts subites soient imputables à la dompéridone en 2012« .

Il s’agit de résultats d’hypothèses basées sur le risque lié à cette molécule et sa consommation en France et non d’un recensement des cas liés à ce médicament. C’est sur la base des cas réels d’effets secondaires que se basera le PRAC, en étudiant pour chacun si les patients appartenaient aux cas contre-indiqués (et alors les mesures de sécurité n’ont pas été respectées par le prescripteurs) ou aux cas en accord avec les indications thérapeutiques. Dans ce dernier cas, il conviendrait alors de revoir les indications de ce médicament, voire d’en recommander le retrait comme le réclame dès maintenant la revue Prescrire.

Pour Prescrire, des alternatives plus sûres existent !

Interrogé sur RTL, le Docteur Tounian, chef de service gastro-entérologie à l’hôpital Trousseau estime que « La très grande majorité des personnes qui sont sous dompéridone n’ont aucun risque de faire des malaises cardiaques. La revue Prescrire fait le buzz en imaginant le nombre de décès que le dompéridone pourrait provoquer. Je pense que c’est plus proche du buzz que de la science. Néanmoins, on ne peut pas dire qu’ils mentent mais c’est absolument exceptionnel« .

De son côté, Prescrire réclame le retrait du Motilium, jugeant que ce médicament peut aisément être remplacé par de meilleures solutions pour les patients.

– En pratique, souvent, les troubles qui motivent la prise de dompéridone disparaissent spontanément, ou avec l’appoint de mesures diététiques.

– Pour les patients qui souhaitent malgré tout un médicament, un placebo vraiment dénué d’effet nocif est une option.

– En cas de reflux gastro-œsophagien, un inhibiteur de la pompe à protons tel que l’oméprazole (Mopral ou autre) est préférable à la dompéridone.

– Et dans les rares situations où un « modificateur de la motricité » gastrique semble justifié, lemétoclopramide (Primpéran ou autre) est à discuter, mais avec beaucoup de prudence : à posologie minimale, en surveillant de très près ses effets indésirables de neuroleptique. Lamétopimazine (Vogalène ou autre) et l’alizapride (Plitican) n’ont pas d’avantage démontré sur le métoclopramide.

Si vous êtes actuellement sous traitement par dompéridone, n’arrêtez pas le traitement de votre propre chef et consulter votre médecin en cas d’inquiétude.

David Bême

Sources :

Motilium – Résumé des caractéristiques du produits – (accessible en ligne)

Dompéridone : une approche du nombre de morts subites en France évitables en écartant ce médicament peu efficace – Document Prescrire 19 février 2014 (accessible en ligne)

Médicaments à base de dompéridone et sécurité d’emploi cardiovasculaire – Lettre aux professionnels de santé – ANSM – 06/12/2011

Le Comité pour l’Evaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance (PRAC) ouvre au niveau européen de nouvelles réévaluations du bénéfice/risque des spécialités à base de dompéridone et des médicaments à base d’octocog – Retour d’information sur le PRAC – ANSM – 08/03/2013

Utilisation hors AMM de la dompéridone dans la stimulation de la lactation : mise en garde – Point d’information – ANSM – 16/12/2011

RTL – 20 février 204

Mise en garde de l’ANSM sur l’utilisation des médicaments contenant de la dompéridone – ANSM – 20 février 2014


http://news.doctissimo.fr/Medicaments/Motilium-cet-antivomitif-est-il-dangereux-34249


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