Reporter sans frontières (Rsf) vient de publier son classement mondial de la liberté de la presse 2014 qui porte sur 180 pays. L’association « souligne la corrélation négative entre les conflits armés et la liberté de l’information » ; les médias constituant « des objectifs et des cibles stratégiques ». De manière globale, Rsf constate un déclin de la liberté de presse dans les parties de l’Afrique en proie à des troubles.
En Afrique de l’Ouest, les conflits et menaces terroristes fragilisent la presse. La chute du Mali (122ème, pour 22 places perdues) dans le classement illustre cette corrélation négative entre conflit et liberté d’information. « En raison de l’insécurité, les journalistes sont confrontés à des difficultés croissantes pour accéder au terrain des opérations. Ainsi, au moment de l’opération Serval au Mali, plusieurs reporters ont choisi d’embarquer à bord de convois militaires se rendant sur la ligne de front afin de ne pas laisser la communication sur cette guerre à la seule armée française. Reste que ces conditions particulières de reportage donnent alors une couverture partielle des événements sur le terrain, depuis un point de vue spécifique », commente Rsf.
La corne de l’Afrique continue sa descente aux enfers, dit Rsf. L’Ethiopie, 143ème, gagne 5 places. Mais l’association indique que le pays a manqué le tournant de la libéralisation malgré la mort du Premier ministre, Meles Zenawi. À ce jour, cinq journalistes demeurent emprisonnés dans la prison de Kality.
Sous la présidence d’Ismaïl Omar Guelleh, au pouvoir depuis 1999, Djibouti s’est peu à peu fermé au monde et à la critique. Depuis son retour d’exil en janvier 2013, l’opposant et journaliste Daher Ahmed Farah a été incarcéré à cinq reprises et arrêté 12 fois.
Le dernier pays au classement est africain : l’Érythrée. C’est la plus grande prison d’Afrique pour les journalistes, avec 28 emprisonnés, dont des morts en détention. Le chef de l’Etat, Issayas Afeworki, a supprimé toute presse privée.
En Somalie (176ème), dans un contexte de « guerre de l’information », les journalistes sont devenus des cibles privilégiés. Ainsi, le groupe terroriste islamique Al-Shabaab n’a cessé de s’en prendre à ces témoins gênants. La Somalie est le pays d’Afrique le plus meurtrier pour les journalistes. Sept d’entre eux ont perdu la vie depuis le début 2013.
L’Afrique centrale connaît une dégradation de la liberté de la presse, notamment en République centrafricaine (109ème, soit un recul de 43 places) du fait de la crise.
Installée dans certains territoires de la République démocratique du Congo, la rébellion armée du M23 a imposé la censure préalable à tous les journaux.
Le Burundi s’illustre par une nouvelle législation en vigueur depuis avril 2013, malgré les protestations de la société civile, qui prévoit une liste « démesurément longue et vague » de sujets risquant de mener leur auteur en prison.
La situation en Afrique du Nord est tout aussi inquiétante. Notamment en Egypte (159ème) où l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans en 2012 a coupé court à toute aspiration à la liberté. Depuis juillet 2013, les nouvelles autorités, dominées par le général Al-Sissi, s’en prennent aux médias étrangers, ainsi qu’aux médias considérés comme proches de la confrérie des Frères musulmans, désormais interdite. La chaîne Al-Jazeeraest particulièrement visée. Au cours du second semestre 2013, cinq reporters ont été tués et au moins 80 journalistes ont été interpellés, par la police, des manifestants pro-Morsi ou pro-armée.
Au Maroc, la lutte contre le terrorisme a servi d’alibi pour intenter des procès contre le journaliste Ali Anouzla.
Rsf observe que dans la Tunisie post-révolution, les nominations de responsables à la tête des médias publics condamnent l’indépendance de ceux-ci, car la Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle (Haica) n’est jamais consultée.
L’un des bons points, c’est l’Afrique du Sud, qui figure dans le top 4 des plus fortes progressions. Le pays gagne 11 places et se classe 43ème. De manière générale, le classement de Rsf s’est basé sur 7 indicateurs : le niveau des exactions, l’étendue du pluralisme, l’indépendance des médias, l’environnement et l’autocensure, le cadre légal, la transparence, enfin les infrastructures. Pour la première fois, le classement sera disponible en édition papier enrichie, en français, dans la collection Librio de Flammarion. (Agence Ecofin)