La Rapporteuse spéciale des Nations Unies Najat Maalla M’jid a exhorté ce vendredi 08 novembre les autorités béninoises à inscrire la protection des enfants parmi les priorités politiques en vue de protéger tous les enfants, sans discrimination, contre toute forme de violences, d’abus et d’exploitation, et de sanctionner lourdement les coupables. Elle a par ailleurs exprimé sa grande préoccupation face à la relative tolérance sociale envers la violence et l’exploitation des enfants et face à l’impunité dont jouissent les auteurs de ces crimes.
« Il est inadmissible que sous le prétexte de la tradition, des coutumes ou encore de la pauvreté, des enfants béninois soient violentés, abusés ou exploités », a souligné Mme Maalla M’jid à l’issue de sa visite au Bénin. « Le phénomène des enfants vidomégons, par exemple, qui était traditionnellement une pratique de confiage solidaire au sein de la famille a complètement été détourné à des fins de profits. De nombreux enfants sont aujourd’hui victimes de vente ou de traite, d’exploitation économique et/ou sexuelle, principalement sur les marchés, dans les carrières ou les champs. »
Pendant sa mission au Bénin du 28 octobre au 8 novembre 2013, la Rapporteuse spéciale a rencontré de nombreux représentants de l’Etat, des autorités locales, du système des Nations Unies, de la communauté diplomatique et des associations. Elle a visité des programmes dédiés à la protection d’enfants à Cotonou, Abomey-Calavi, Porto Novo, Parakou, Comè, Lokossa et Applahoué. Elle s’est entretenue avec des enfants victimes et des organisations de jeunes.
La Rapporteuse spéciale s’est alarmée du nombre important d’enfants victimes de multiples formes de violences et abus: les infanticides des enfants considérés « sorciers », les mutilations génitales féminines, les enlèvements à des fins de placement dans les couvents vaudous, les mariages forcés, les châtiments corporels et les viols.
« Bien que l’ampleur réelle de ces phénomènes reste difficile à déterminer du fait de la faiblesse des signalements et du recours au règlement à l’amiable, tous les acteurs rencontrés déplorent le nombre alarmant de violences et d’exploitation économique et/ou sexuelle dont sont particulièrement victimes les filles », a souligné Mme Maalla M’jid.
La Rapporteuse spéciale a manifesté sa grande préoccupation quant aux violences sexuelles subies par les filles au sein des écoles et au nombre croissant de grossesses précoces. « Il est impensable que dans l’école, censée être un environnement éducatif et protecteur, des filles soient abusées impunément », s’est indignée la Rapporteuse spéciale.
Si le Bénin dispose de nombreuses lois relatives à la protection de l’enfance, leur mise en œuvre souffre d’un manque d’effectivité. Cela résulte notamment des difficultés qu’ont les enfants à accéder à des mécanismes de recours garantissant leur protection et leur sécurité mais aussi de la corruption et de l’impunité. Les arrangements à l’amiable qui ont souvent lieu au niveau communautaire se font au détriment de l’intérêt de l’enfant, dont la voix reste très peu prise en compte.
De très nombreux mécanismes et actions de protection de l’enfance ont été mis en place aux niveaux central et local, mais la plupart sont dysfonctionnels ou insuffisants, notamment en raison du manque de ressources. Malgré l’engagement de certains acteurs, les actions entreprises dans le domaine de la protection de l’enfance restent éparses, non coordonnées et non pérennes car tributaires des partenaires.
La Rapporteuse spéciale a souligné la nécessité de passer d’une logique de projet à une réelle stratégie intégrée de protection de l’enfance, déclinée en dispositifs locaux de protection aisément accessibles à tous les enfants, et dotée de ressources humaines et financières appropriées.
Elle a encouragé la communauté internationale à appuyer la mise en place de cette stratégie afin de combattre efficacement et durablement toute forme de violence, d’abus et d’exploitation des enfants.
La rédaction