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Bénin / Colloque sur les Contentieux électoraux dans l’espace francophone : Interview du professeur Théodore Holo, Président de la Cour constitutionnelle du Bénin


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Le Bénin, sous la houlette du Professeur Théodore Holo, Président de la Cour constitutionnelle béninoise a abrité un colloque international sur le contentieux électoral dans l’espace francophone.  En effet, ce colloque a été co-organisé  avec l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l’Association des Cours Constitutionnelles ayant en partage la langue française du…. à Cotonou. Au sortir de ce colloque de trois jours, le Prof Holo, se prête aux questions de notre confrère Prévert Noutehou de la télévision nationale.

 

PH: Dr - Professeur Théodore HOLO, président de la Cour constitutionnelle du Bénin

PH: Dr – Professeur Théodore HOLO, président de la Cour constitutionnelle du Bénin

Prof Théodore Holo, est-ce que vous pouvez nous dire les contraintes liées à la pratique du contentieux électoral dans l’espace francophone ?

 

 

Prof Théodore Holo : D’abord je voudrais rappeler que ce colloque que nous avons plutôt appelé du point de vue méthodologique, un séminaire-atelier a été co-organisé par la Cour constitutionnelle du Bénin et l’Organisation internationale de la Francophonie et l’Association des Cours constitutionnelle des pays ayant en partage l’usage du français.

 

Depuis 1990, la plupart des Etats africains membres de la francophonie sont engagés dans une tradition démocratique. Il en va de même de certains Etats membres de l’Europe centrale.  Et l’élection est devenue un élément fondateur du nouveau processus démocratique. Et cette élection suppose nécessairement, un juge pour apprécier le respect des règles du jeu.

 

Au bout de 15 années de pratique, il était important de voir les défis, les difficultés et les obstacles qu’il y a sur le chemin et qui empêchent d’avoir une démocratie apaisée de changer les bonnes pratiques et de voir celle qui pourrait être un fond commun au niveau de la francophonie pour garantir le bon déroulement de la compétition électorale parce que comme vous le savez, la démocratie c’est la gestion pacifique des contradictions qui sont inhérentes à une société. Mais il faut que les acteurs politiques soient d’accord sur les règles du jeu.

Cet atelier-séminaire s’est divisé en huit ateliers qui ont été l’occasion de réfléchir sur nos pratiques et de dégager également des recommandations.

 

Parlez-nous un peu de la contribution de ce genre de rencontre à une meilleure appropriation de la pratique du contentieux électoral dans l’espace francophone.

 

Nous sommes aujourd’hui dans l’ère de la mondialisation,  nous avons la déclaration de Bamako qui fonde des valeurs communes au niveau de la pratique démocratique. Et c’est un patrimoine qui est désormais commun. Il faut que chacun y apporte sa propre expérience pour qu’ensemble nous voyons les expériences qui sont porteuses d’avenir compte tenu de l’environnement spécifique à chaque pays, pour voir ceux qui peuvent constituer ce fond commun qui nous permettra d’apprécier la qualité du processus électoral. De cette qualité du processus dépend également la stabilité des institutions et la légitimité des gouvernants. Car si ceux qui ont été élus sont contestés, il n’y aura pas la paix  et s’il n’y a pas la paix, nous n’aurions pas les conditions utiles pour le développement.

Cet exercice nous permet de voir les pratiques qui ont bien fonctionné et dans quelle mesure ça peut servir de référence pour d’autres pays qui veulent s’engager dans un processus électoral. Je viens par exemple de deux missions à Madagascar où l’occasion nous a été donnée d’échanger avec la cour électorale de Madagascar sur les bonnes pratiques en matière de gestion de contentieux électoral.

J’y étais avec des collègues sénégalais et français et ça permet aux Malgaches de nous faire part de leurs préoccupions. On apprend chez l’un pour réussir chez l’autre ; c’est en cela que c’est utile ce genre de rencontre.

 

Les expériences de réussite ne sont pas particulièrement légion en Afrique en matière de contentieux électoral.

 

Je crois que vous êtes pessimiste et généralement j’ai l’impression que les journalistes ne parlent jamais des trains qui arrivent à l’heure mais plutôt des trains qui déraillent. On nous montre en exergue que des expériences qui n’ont pas réussi. Il y a des échecs et des réussites. Mais ce n’est quand même pas l’expérience qui est négative de façon globale. Il y a des pays quand-même où il y a des réussites.

On m’a souvent évoqué les difficultés  qui sont apparues en Côte-d’Ivoire aux élections de 2010. Mais que dit-on des décisions sages qui ont été prises par exemple au Bénin, au Sénégal, au Burkina Faso, au Cameroun ?

 

Il y avait eu quand même des grincements de dents dans les pays que vous cités, on a dû gérer ces contentieux avec tact.

 

Vous aurez constaté que je n’ai pas eu le sentiment qu’il y ait une remise en cause  fondamentale des décisions de la Cour constitutionnelle depuis 1996 qu’elle gère le contentieux électoral pour les élections présidentielles. Il faut reconnaitre  et c’est un déficit que nous avons observé que le déficit de culture démocratique explique ce genre de comportement. Au Sénégal par exemple, l’expérience a été confirmée par plusieurs expertises, dès 18h le vaincu appelle le vainqueur pour le féliciter. Ce qui fait que le Conseil constitutionnel ne fait que constater un état de fait. Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait des gens qui ont dit que nous ne reconnaissons pas les décisions du Conseil constitutionnel proclamant les résultats. Mais c’est tout un mécanisme qui permet d’aboutir à ce résultat.

 

Et c’est ce résultat que nous essayons de partager dans l’espace francophone pour voir ce que nous allons tirer de cette expérience pour réussir la gestion du processus électoral.

 

Quelles sont les recommandations prises au sortir de ce colloque qui s’est achevé ce jour ?

 

Il y a une série de recommandations, de façon thématique par exemple nous avons réfléchi sur le cadre normatif parce que, lorsque les textes sont de bonne qualité, que ces textes sont appliqués de façon pertinente, il y a moins de disfonctionnement qui justifierait un contentieux électoral. Il est donc important que ce cadre normatif fasse l’objet d’un consensus au niveau des acteurs politiques.

De la même manière, il faut que ce cadre normatif puisse être approprié par les différents acteurs politiques.

Est-ce que les candidats aux élections, le corps électoral sont réellement informés de tout le processus depuis l’inscription sur la liste électorale jusqu’au contentieux et qu’elle est la limite du pouvoir du juge ? Un travail d’appropriation est utile. Et pour faire réussir ce travail d’appropriation par exemple du cadre normatif, au lieu d’avoir des textes divers, pourquoi ne pas l’avoir dans un document unique, qui serait un code électoral facile à exploiter.

Vous savez, le Bénin depuis les lois électorales depuis 1990, n’a pu avoir un code électoral que tout récemment. C’est aussi une évolution dans la gestion dans le cadre normatif.  La question de l’inscription sur les listes électorales, nous observons qu’il y a des difficultés qui amènent qu’on inscrive des étrangers ; nous avons un problème d’état civil et sans un état civil fiable, ce n’est pas possible d’avoir une liste électorale fiable. Pourquoi ne pas généraliser la liste électorale permanente informatisée ? Pourquoi ne pas inviter les acteurs politiques à comprendre que l’inscription sur les listes électorales est un élément fondamental de la citoyenneté. Pour ne pas inviter les militants à s’inscrire sur les listes électorales, c’est une démarche citoyenne qu’on observe dans certains pays qui peuvent également inspirer des actions dans d’autres pays.

Quand on prend par exemple, la campagne médiatique, il y a la question de régulation par les médias privés ; il y a la question du plafonnement des dépenses de campagne, le Bénin a un plafonnement  des dépenses de campagne. Un pays comme le Madagascar n’a pas un tel plafonnement. Pourquoi cette expérience ne peut pas inspirer le législateur malgache ?

 

Du point de vue de la candidature, nous constatons qu’il y a également quelque fois des lois ou des règles d’exclusion pour empêcher des candidats potentiellement dangereux ou menaçants de se présenter. Le Bénin en a connu l’expérience : en 1995 on a voulu imposer de n’avoir que la nationalité béninoise pour être candidat, alors que la Constitution prévoit que le candidat doit être présent au moment des élections, le législateur a pensé qu’il fallait mettre un an avant les élections, tout simplement parce qu’on a ciblé des candidats.

 

De la même manière, du point de vue de la proclamation des résultats, il a été souhaité que le juge électoral puisse argumenter et motiver ses décisions pour garantir la transparence du processus électoral et éviter les suspicions qui pourraient être liées à la connaissance de ces résultats.

 

J’ai rappelé tantôt, l’expérience du Sénégal où grâce à la diffusion des résultats des bureaux de vote par les médias, dès 18h déjà on a une idée des tendances générales. Pourquoi ne pas généraliser cette expérience et éviter de penser c’est le juge électoral qui décide du choix fait pas les électeurs. Et nous avons pensé que le juge électoral, même s’il doit annuler, si cette annulation doit changer les résultats, il est beaucoup plus sage au regard de l’expérience de la Côte-d’Ivoire, d’organiser de nouvelles élections pour que l’électeur n’a pas le sentiment que c’est le juge qui a fait le choix en lieu et place des électeurs. Voilà quelques recommandations utiles et des aspects qui permettront dans nos Etats d’avoir une démocratie apaisée.

La rédaction


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