
PH:DR: La restructuration proactive de la dette devrait être vue positivement, ont plaidé les participants, afin d’encourager la stabilité financière
Prévue pour juin 2025, l’AFCRA sera indépendante et évaluera souverains et entreprises africaines avec des données locales et IA. Elle vise à réduire les coûts d’emprunt (12-14% vs 3% ailleurs). Malgré des données limitées, elle ambitionne de dynamiser les marchés domestiques et d’attirer les investisseurs étrangers.
Mercredi 23 avril 2025, à Washington, l’Union africaine (UA) et son organe spécialisé, le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (APRM) ont dévoilé les progrès de l’Agence africaine de notation de crédit (AFCRA), lors d’un webinaire hybride tenu en marge des réunions du FMI et de la Banque mondiale.
Face à des représentants de Bank of America, S&P Global Ratings et Moody’s, les responsables africains ont détaillé une initiative visant à redéfinir l’accès de l’Afrique aux marchés financiers. Co-organisé avec Aficatalyst, le PNUD, la Commission économique pour l’Afrique (CEA) et la Fondation Open Society, l’événement a mis en lumière une ambition panafricaine : briser la « prime de risque africaine » qui coûte au continent 74,5 milliards de dollars par an, selon le PNUD.
L’AFCRA, dont le lancement est prévu pour juin 2025, progresse rapidement. Conçue comme une entité privée indépendante, elle s’inspire des banques centrales pour garantir sa crédibilité, avec un cadre juridique en cours de finalisation. L’agence développera des notations adaptées aux réalités africaines, intégrant l’économie informelle – qui représente 70 à 90% de l’activité – et des données alternatives comme les paiements mobiles ou l’imagerie satellite. Elle évaluera non seulement les souverains, mais aussi des entreprises comme Sonangol en Angola ou les télécoms éthiopiens pour dynamiser les marchés domestiques. Des partenariats avec des agences internationales sont en discussion pour renforcer sa légitimité mondiale. « L’AFCRA n’est pas là pour donner des notations favorables à l’Afrique, mais pour offrir une diversité d’opinions basée sur des données contextuelles, en évaluant des entités ignorées par les trois grandes agences », a déclaré Misheck Mutize, expert de l’UA.
Le projet s’inscrit dans un contexte de frustration face aux notations internationales, perçues comme biaisées. Avec seulement deux pays africains – Botswana et Maurice – en catégorie investissement, les coûts d’emprunt atteignent 12 à 14 % pour les eurobonds, contre 3 % pour des pays comme le Vietnam. Initiée en 2018 et officialisée en 2023, l’AFCRA, soutenue par le président kényan, William Ruto, et le président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, vise à proposer des évaluations équitables pour libérer des ressources pour la santé, l’éducation et les infrastructures. Les discussions ont souligné l’urgence de renforcer les capacités locales, avec des unités gouvernementales dédiées pour préparer les données et communiquer les réformes, à l’image du Nigeria, récemment rehaussé à B+ par Fitch.
Les débats ont aussi abordé la transparence et la collaboration. S&P et Moody’s ont défendu leurs méthodologies, affirmant leur ouverture à travailler avec l’AFCRA si elle respecte les normes internationales. La restructuration proactive de la dette devrait être vue positivement, ont plaidé les participants, afin d’encourager la stabilité financière. Evaluer les entreprises locales pourrait faciliter l’accès au crédit et attirer les investissements directs étrangers, un point clé pour dynamiser les économies. Cependant, la faible publication de données reste un obstacle majeur. Sous-financés, les bureaux statistiques nationaux peinent à capturer l’économie informelle ou les transferts de la diaspora (100 milliards $ en 2024). L’AFCRA mise sur l’IA pour combler ces lacunes, renforçant la souveraineté des données africaines.
Selon Cbonds, le marché mondial des obligations a atteint 130 trillions de dollars en 2024, en hausse de 4%, avec 2,5 trillions de nouvelles émissions en 2025 jusqu’au 31 mars. L’Afrique, avec 12 milliards de dollars d’eurobonds en 2024 et 3 milliards en 2025, représente moins de 0,1% de ce total, reflet des contraintes imposées par des notations défavorables. Le webinaire a marqué une étape cruciale pour l’AFCRA, renforçant l’élan pour une architecture financière plus équitable. Son succès dépendra de sa capacité à établir une crédibilité mondiale tout en capturant les dynamiques locales, un défi que l’UA aborde avec détermination. (Agence Ecofin)