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Enquête-Dossier / FERMETURE DES BOULANGERIES NON RÉGLEMENTAIRES : Le bon pain sera-t-il sauvé de la concurrence criminelle et déloyale ?


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La décision de fermeture de 21 boulangeries et de contrôle de la qualité du pain prise, il y a quelques semaines, par l’ex-ministre du Commerce, Lazare Sèhouéto, continue d’alimenter la polémique entre acteurs du secteur. Réactions mitigées au sein de l’opinion publique quant à l’efficacité d’une telle mesure. Le pain, aliment très consommé dans les villes et campagnes du Bénin, est actuellement au cœur d’enjeux socio-économique et politique. Alors que les autorités publiques tentent, tant bien que mal, depuis des années, de rassurer les milliers de consommateurs, quant à sa qua­lité nutritive et les conditions sanitaires et hygiéniques de sa fabrication, le secteur du pain semble frappé de fatalité. Enquête dans l’antre des fours, des moulins, de la bonne odeur du pain chaud, près de boulangers et pâtissiers aux intérêts divergents…

Dossier-Enquête réalisé par : Aline ASSANKPON

 

Quels sont les vœux des boulangers et des consom­m

pH/ Dr: Du pain baguette chaud qui donne l'envie de manger

pH/ Dr: Du pain baguette chaud qui donne l’envie de manger

ateurs ? Leurs intérêts convergent-ils pour la bonne ali­mentation ? L’Etat a-t-il les moyens d’imposer une réglementation et de la faire respecter par tous les boulangers et pâtissiers ? Autant de défis que les gouvernants peinent à relever à cause des divergences des intérêts, plutôt économiques que nutritionnels. Au-delà de la pertinence et de la jus­tesse de la décision de fermeture pour non-respect de la règlemen­tation, c’est toute la crédibilité de la profession qui se joue, ainsi que la sauvegarde d’un certain label de qualité du pain béninois. A Cotonou comme à Calavi, la situation n’est guère reluisante sur toute la ligne.

 Une concurrence criminelle et déloyale !

Quand nous franchissions les portes d’une pâtisserie, boulan­gerie du centre-ville de Cotonou, nous ne savions pas ce qui nous attendait. Ne connaissant per­sonne dans cette entreprise, nous avançons comme un client ordi­naire vers le comptoir. S’adressant à l’un des vendeurs, nous avons cherché à rencontrer le Directeur général. « Elle est en réunion » nous a-t-on servi, alors que nous n’avions pas pris de rendez-vous.

Quelques minutes plus tard, une grande dame se présente et s’en­quit des raisons de notre visite. Nous nous présentons formelle­ment et donnons les raisons de notre visite. Mais grande a été notre surprise, car c’était la direc­trice générale de la boulangerie en personne qui nous accueille ainsi, avec courtoisie. Sans détour, elle livre ses impressions sur notre sujet d’investigation et nous invite à visiter son usine de panification, tout comme si elle nous attendait.

Un couloir nous mène dans une première salle, celle de la pâtis­serie. Là se trouvent deux fours à pâtisserie et quatre ouvriers (femmes et hommes) très affairés. La directrice invite le Chef pâtissier à répondre à nos questions. Peu loquace, celui-ci apprécie la décision de fermeture de certaines boulan­geries et critique les comporte­ments peu orthodoxes de certains boulangers.

 

Ph: DR-: le poste de pé¬trissage : une grande cuvette en acier accoudée à un mélangeur en pleine rotation qui pétrie énergiquement la pâte à pain.

Ph: DR-: le poste de pétrissage : une grande cuvette en acier accoudée à un mélangeur en pleine rotation qui pétrie énergiquement la pâte à pain.

La visite des lieux s’est poursui­vie vers la boulangerie en compa­gnie de la patronne. Là, un grand four à pain jouxte le mur d’en face et domine des lieux. A son extrême droite se trouve le poste de pé­trissage : une grande cuvette en acier accoudée à un mélangeur en pleine rotation dans un bruit propre à une machine qui tourne. Il pétrie énergiquement la pâte à pain qu’on l’on fera reposer durant quelques heures. Lorsqu’elle pren­dra du volume, elle sera découpée et modelée, et passera ensuite au four pour la cuisson. La spécialité de cette boulangerie est le «pain baguette ».

Ph: DR-: Jean-Claude Houndjado boulanger professionnel

Ph: DR-: Jean-Claude Houndjado boulanger professionnel

A ce poste de pétrissage, un homme contrôle la texture et le goût de la pâte qui tourne dans le mélangeur. Sans trop détour­ner son regard de la pâte qu’il contrôle, Jean-Claude Houndjado boulanger, nous livre ses impres­sions. «Moi, j’apprécie cette fer­meture car les boulangeries qui utilisent le bromate de potassium ne veulent pas que les gens vivent longtemps. Ce produit chimique n’est pas bon pour la consomma­tion. Et ça va assainir un peu le secteur » déclare-t-il. Juste à côté, se trouvent des installations, un dispositif, qui servent et desservent le grand four. A l’extrême gauche, un évier, le robinet d’eau qui serve à faire la pâte de pain.

Selon « La Voix des consomma­teurs », les responsables seraient les importateurs de farine de blé et les promoteurs de boulangerie. Et pourtant, la loi 2007-21 portant, protection du consommateur spé­cifie dans son article 11 que « la vente d’un bien ou d’un service qui ne répond pas aux normes natio­nales et internationales du code ali­mentaire est formellement interdite au Bénin ».

 A qui la faute ?

En appréciant la décision du mi­nistre du Commerce, Robin Ac­crombessi, président de la Voix des consommateurs donne tort aux organes spécifiques existants qui, selon lui, ne jouent réellement pas leur partition.

«Je crois que si le Ministère du Commerce de tous les régimes qui se sont succédés ; si le Ministère de la Santé à travers ses labora­toires et la Direction nationale de la santé publique (DNSP); si le Ministère de l’Agriculture à travers l’Agence béninoise de sécurité sanitaire des aliments (ABSSA), Laboratoire centrale de la sécurité sanitaire des aliments (LCSSA), l’Agence de la normalisation et de la métrologie (ANM) faisaient ou jouaient vraiment leur partition, les dénonciations que faisaient les Associations des consommateurs auraient été entendues ».

«Donc, nous trouvons que cette décision a été osée, même si ça n’a pas touché tous les acteurs que nous souhaitons dans le secteur. Puisqu’il y a les importateurs qui sont au premier chef ; ensuite des boulangeries, qui ont une forte ca­pacité de production qui couvre le terrain, qu’on aurait bien souhaité qu’ils soient investiguées. Tout cela reste des attentes légitimes que nous avons en tant qu’Association des consommateurs afin que ces derniers soient relativement plus sûrs par rapport à la qualité du bien de panification qui lui est offert » explique M. Accrombessi.

 Les responsabilités sont vrai­ment partagées

Dans ce contexte, les responsa­bilités sont vraiment partagées : D’abord, l’Etat a l’obligation de protéger les consommateurs ; en­suite, les associations de consom­mateurs ont pour mission d’édu­quer et d’éveiller la conscience du consommateur et de défendre les droits des consommateurs. Mais jouent-ils pleinement ce rôle où l’utilisent-ils comme un tremplin ? La question demeure. Les bou­langers quant à eux, doivent faire simple et éviter d’empoissonner la population en respectant les normes sanitaires et d’hygiène et enfin, les consommateurs doivent prendre leurs responsabilités. Evi­ter d’acheter les pains vendus à vils prix même si c’est souvent du pain chaud.

Riches ou pauvres, citadins ou ruraux, nous avons droit au meil­leur service possible pour tout ce qui touche à notre alimentation. Depuis 2005 à ce jour, combien de personnes ont consommé ces pains fabriqués au bromate de po­tassium? Combien en sont conta­minés ou souffrent déjà du can­cer ? Certes, le consommateur ne tombe pas malade aussitôt après avoir mangé le pain empoisonné, mais il peut être atteint et en payer le prix fort plus tard.

Enfin, Josiane Marie Yvonne d’Al­meida- Creppy, la patronne de « La Citronnelle », nous conduit dans son bureau. En présence de son secré­taire, elle s’est indignée du com­portement des boulangeries, hors normes, qui leur livrent une concur­rence déloyale en utilisant des pro­duits chimiques. Selon elle : «Les gens s’en foutent, ils pensent que l’argent peut tout faire. Le secteur renferme beaucoup de gens qui n’ont pas fait le métier. D’abord, il faut être du métier, le choisir, l’ai­mer et l’apprendre avec tout son art. Un boulanger c’est quelqu’un qui se lève très tôt, qui a la vie des autres dans la main, qui n’a pas de jour férié, qui se sacrifie pour donner du pain comme dit la Bible à celui qui n’en a pas. Les Boulan­gers travaillent à partir de 4 heures du matin, ils commencent à 22h et finissent à 15h. Deux équipes se relaient certes, mais il faut re­connaître qu’ils sont les plus mal chaussés, les moins payés ». C’est une professionnelle qui parle.

Pour situer les responsabilités, elle accuse aussi l’administration pu­blique : « La plupart des gens qui ouvrent anarchiquement la boulan­gerie, se trouve dans la fonction publique…. Ils nous font la concur­rence déloyale parce qu’ils ont de l’argent » allègue-t-elle.

En quittant l’entreprise, nous lisons sur les portes et les murs cette de­vise : « L’hygiène et la propreté, c’est la santé ». Une conscience pour les conditions de travail dans cette entreprise de panification.

 

Ph: DR-: Des pains baguettes produits par la boulangerie, La citronnelle.

Ph: DR-: Des pains baguettes produits par la boulangerie, La citronnelle.

Conditions hygiéniques déplo­rables dans certaines boulange­ries

Ayant quitté « La citronnelle » qui affiche une ambiance profession­nelle et un environnement propre, nous nous sommes rendu dans d’autres boulangeries. Le caphar­naüm. Ailleurs, des boulangers travaillent torse nu, dégoulinant de sueur, peu attentif à leur travail, les uns distraits par l’actualité du pays diffusée par un poste radio ou sur leur portable, les autres chantant sans aucune mesure de protection sanitaire contre les jets de salive. « Les gens ne recrutent pas sou­vent les professionnels, c’est pour­quoi ils ont ces comportements. Tout le monde n’est pas formé et spécialisé dans la boulangerie» justifie Aimé Daté, Chef pâtissier qui refuse d’être photographié.

Deux autres boulangeries ciblées à Calavi sont difficiles d’accès. Cependant, nous avons réussi à glaner des informations dans leur environnement. Abomey-Calavi, est une commune-dortoir habitée par beaucoup de fonctionnaires. A Djadjo, dans une boulangerie arti­sanale installée dans une maison, le propriétaire nous a éconduit, avec des menaces à peine voilées, dès qu’on s’est présenté et qu’on a même voulu prendre des images.

Un coup d’oeil derrière la conces­sion nous a laissé entrevoir un spectacle désolant. Les conditions d’hygiène laissaient à désirer : des herbes, des tas d’ordures, des odeurs etc. Et, on peut imaginer quelle qualité de pain une telle bou­langerie, refusant la transparence, pouvait offrir à sa clientèle ! Les témoignages dans l’environnement direct corroborent nos craintes sur les conditions de fabrication de ce pain.

La plupart des habitants de Cala­vi passe le clair de leur temps en ville, au service et ne rentre que les soirs, saufs les particuliers, les ouvriers, les commerçants et les enfants qui animent cette zone les jours ouvrables. Néan­moins, ces fonctionnaires, au repos les week-ends, n’échappent guère à la consommation du pain de qualité douteuse. Quelques-uns, conscients du danger sani­taire qu’ils courent se ravitaillent à Cotonou – dans des boulange­ries dignes de confiance disent-ils. Comme si Cotonou n’abrite que des boulangeries qui respectent les normes !

« Mes enfants adorent manger le pain et depuis qu’on parle de cette affaire, je rentre à la maison presque tous les soirs avec du pain acheté en ville (…). Là, au moins je suis sûr de la qualité du pain vendu. Le Gouvernement doit continuer la lutte sinon la popula­tion va mourir dans 10 ou 20 ans » explique Toussaint Babadjidé, transitaire, résidant à Houèto, un quartier d’Abomey-Calavi.

Il n’en demeure pas moins qu’au Bénin, nous sommes empoison­nés quotidiennement par le pain au bromate de potassium sans comp­ter le formol pour le pain sucré.

Ph: DR: Le bromate de potassium, ce poison qui tue à long terme

Ph: DR: Le bromate de potassium, ce poison dont la consommation tue à long terme

Pourquoi utilisent-ils alors le bromate de potassium ?

Le bromate de potassium est un produit chimique cancérigène, un additif vendu sous forme de comprimés ; il est dis­sout dans de l’eau avant d’être incorporé à la pâte de pain.

Après la phase du pétrissage, la pâte de pain passe à la phase de la pause ; là, le bromate de potassium agit, fait gonfler la pâte de façon exagérée. «En principe la pâte du pain pousse durant 4 à 5 heures ; mais dès qu’ils incorporent le produit interdit, le pain pousse durant 8 h. Ce qui augmente le volume de la pâte, puisque ça gonfle excessivement et leur permet d’avoir beaucoup de pains à préparer voire une grande marge de bénéfice sur le peu de farine utilisée » explique Aimé Daté, pâtissier.

Ph: DR: Du pain au bromate de potassium qui tue à petits coups...

Ph: DR: Du pain au bromate de potassium qui tue à petits coups…

Poussés par l’esprit mercantile, ces boulangers réalisent plus de gain avec une petite quantité de farine de blé. D’où le pain empoisonné vendu à 100F et même à 90 F et peu nutritif. Ce­pendant, la consommation du pain au bromate de potassium expose inévitablement le consommateur- à long terme – à dif­férentes sortes de maladies cancéreuses. « Déjà, quand on observe ce pain en deux ou trois jours, il est attaqué par la moi­sissure et ne dure pas. C’est la preuve qu’il n’est pas de bonne qualité » a ajouté M. Daté.

Déjà plus d’une dizaine d’années qu’on entend parler de l’exis­tence du Bromate de potassium. Cette molécule toxique et cancérigène est interdite dans beaucoup de pays européens, africains et même au Bénin depuis 2005. Au-delà de cette molé­cule, le sel utilisé doit être iodé, c’est le principe retenu pour protéger les consommateurs contre les maladies non transmis­sibles telles que le goitre. Il faut utiliser 16 grammes de sel pour 1kg de pain. L’eau utilisée doit être propre à la consommation. Il s’agit là des points critiques du processus de fabrication du pain qui doivent être contrôlés afin d’éviter d’exposer les consomma­teurs au danger d’intoxication alimentaire. (A.A.)

Les méandres du commerce du pain

Le pain n’est plus un aliment propre à la consommation. Si ce n’est pas le grammage qui laisse à désirer, c’est la qualité du pain qui pose pro­blème. L’anarchie règne dans le secteur de la panification.

 

Jadis le pain était vendu à 75F, l’inflation et la hausse des prix des farines de blé et des intrants ont contraint les boulan­gers à amener le Gouvernement à rehausser le prix de vente à 125F réglementairement. «Le pain, pen­dant que certains le font à 125F, d’autres le font à 100F et d’autres encore à 250F et même au-delà de 300F. Et finalement le consom­mateur est bleu » constate Robin Accrombessi.

Le pain, produit très sensible peut, à tout moment, faire enflammer le peuple ; raison pour laquelle l’Etat met tout en œuvre pour mainte­nir le coût et se trouve impuissant face à cette variation de prix. 125F, c’est le prix accessible à tout le monde. Cependant les boulan­gers n’ont de cesse de dénoncer une certaine forme d’insuffisance dans le mécanisme de régulation de l’Etat. Puisqu’ils trouvent que leur imposer de vendre le pain à 125F pour le grammage indiqué, cela leur fait faire des pertes. Et que l’Etat devrait leur laisser la possibilité d’augmenter le coût et de passer à 150F. La faiblesse de l’Etat se justifie également avec l’anarchie observée au niveau de certaines boulangeries. Les autori­tés béninoises ne réagissaient pas, parce que ne disposant pas d’as­sez de moyens pour confondre les contrevenants. Une situation que l’ex-ministre du Commerce promet de corriger : « Nous allons mainte­nir celles qui sont fermées actuel­lement fermées. Et nous allons continuer le contrôle. Si quelqu’un se fait prendre, nous fermerons. Nous avons maintenant du produit qui nous permet d’aller sur les éta­gères. Dès que le produit chimique est mis sur le pain, si le pain réagit au réactif, nous prenons celle ou celui qui est en train de vendre le pain pour qu’il nous conduise à la boulangerie où il a acheté le pain. Nous allons confier leur dossier à la justice pour que ces gens puissent aller s’expliquer à la justice » avait mis en garde Lazare Sèhouéto.

Sautant sur l’occasion, la voix des consommateurs contre-attaque : « Si on a des réactifs pour tester le pain, le même réactif peut tester la farine de blé. Or certaines farines de blé contiennent ce bromate de potassium depuis l’exportation. C’est là qu’il faut contrôler. Les questions d’hygiène sur lesquelles on a pris les autres peuvent être résolues localement ».

 

Une autre raison très convain­cante justifie le prix du pain vendu à 100F. Selon Maman Bella, une vendeuse de pain avec un étalage très achalandé à Cadjèhoun, cer­tains pains vendus à vils prix sont de bonne qualité. « Je suis dans ce commerce depuis plus de douze ans déjà. Il y une sorte de sélection qui se fait à l’acquisition du pain par nous les revendeuses. C’est en fait du bon pain ; nous trions, choisis­sons les pains qui sont bien pré­sentables et nous laissons de côté, ceux qui sont rabougris et ratati­nés. Ne pouvant pas les jeter, les boulangers préfèrent les vendre à vils prix » justifie-t-elle.

N’empêche, le consommateur doit se méfier des pains vendus à vils prix quelle qu’en soit la raison ou la qualité, car nous n’avons aucun réactif pour contrôler ces pains. (A. A.)

 

 

Ph: DR-: JOSIANE MARIE YVONNE D’ALMEIDA CREPPY, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA BOULANGERIE PÂTISSERIE LA CITRONNELLE

Ph: DR-: JOSIANE MARIE YVONNE D’ALMEIDA CREPPY, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA BOULANGERIE PÂTISSERIE LA CITRONNELLE

JOSIANE MARIE YVONNE D’ALMEIDA CREPPY, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA BOULANGERIE PÂTISSERIE LA CITRONNELLE : «Le problème est profond sous plusieurs angles…»

 

L-integration.com : Que dites-vous de la décision du ministre du commerce et des dispositions prises pour contrôler désormais le pain ven­du à la population.

 

Mme Josiane Marie Yvonne D’Almeida épouse Creppy : C’est une très bonne décision, juste et loyale pourvu que ça dure et que ça cesse ; parce qu’on est dans un pays où déjà on est pauvre, s’il faut encore réduire notre longévité de vie par l’alimentation, on n’ira pas loin. On tue non seulement les hommes que nous sommes aujourd’hui, mais nos enfants, la génération future, les bébés qui sont dans les ventres parce que les femmes enceintes mangent aussi du pain et feront des enfants nés avec des malformations. Fran­chement, j’espère que ça va durer puisque nous sommes dans un pays où il suffit de passer derrière pour donner un pot de vin… Car une boulangerie, c’est environ 50 à 60 millions d’investissement ; mais le secteur n’est plus rentable à cause de l’informel.

 

Convenez-vous avec nous, qu’il y a de l’anarchie dans votre cor­poration depuis quelques an­nées ?

Le problème est profond sous plu­sieurs angles. Parce que le produit est de mauvaise fabrication, il est de mauvais prix ; parce qu’une farine achetée à un prix élevée, la levure, le sel, l’améliorant (pro­duit qui permet au pain d’avoir de la teneur pour être manipulé) et le gas-oil, on ne peut pas vendre le pain à 100F et s’en sortir. Il y a non seulement l’anarchie du produit, mais également l’anarchie sur les prix. Je ne sais pas où ces gens trouvent leur farine et ils cassent les prix sur le marché. Ce qui fait que ceux qui sont dans les normes n’arrivent pas à vendre leur pain. Or nous qui avions appris ce mé­tier, qui travaillons, qui payons des impôts, nous ne gagnons plus rien.

Le constat aujourd’hui est que le pain servi dans nos assiettes nous fait peur alors que nous sommes habitués à cet aliment.

On a peur de manger du pain, c’est vrai ; alors que le pain, c’est un produit béni de Dieu: «Tu donneras du pain à celui qui n’en a pas ! » Et la prière, « Notre père » parle du pain ; c’est un produit noble depuis l’origine. Donc ce n’est pas avec nos mauvais comporte­ments d’hommes, avides d’argent que nous allons mettre ce produit-là hors de la vie des uns et des autres. De toute façon, c’est une bataille pour tous.

Pourquoi les consommateurs n’ont pas droit au pain de même qualité sur toute l’étendue du territoire et la qualité et la pré­sentation du pain varient d’une boulangerie à l’autre ?

La préparation de la pâte à pain est la même ; le pétrissage joue beaucoup pour avoir du bon pain et enfin le type de four joue égale­ment. Par exemple, un four à bois donne un pain qui a plus de cha­leur, puisque le four aura condensé toute la chaleur dans le pain. C’est selon la caractéristique du four qu’on achète, qu’on a le pain pro­duit. Un four rotatif pulse la chaleur rapidement et le pain cuit vite ; c’est bon pour les pains baguettes. Mais pour les pains bâtards, il faut un four à sol ; ce qui veut dire que le pain ne sera plus sur des filets mais sur une plaque chauffante. Donc, c’est en fonction des fours qu’on achète que le pain est cuit différemment.

 

Maintenant, comment pensez-vous nous garantir du pain de bonne qualité ?

Justement, nous sommes ce que nous mangeons. Il faut que le consommateur le sache. Si tu uti­lises des matières premières de mauvaise qualité, tu ne peux que mettre sur le marché des produits de mauvaises qualités. Quand on veut moins cher, ça finit par coû­ter cher puisqu’à long terme, on a des problèmes de santé, de diges­tion, des maladies cancéreuses. Saviez-vous qu’il y a 50 ans, il n’y avait pas le cancer. Aujourd’hui, quand les gens prennent du pain, ils y mettent de la mayonnaise, des choses vraiment toxiques surtout pour les enfants. (Propos recueillis par : A. A.)

 

Ph: DR-: ROBIN ACCROMBESS, LA VOIX DES CONSOMMATEURS

Ph: DR-: ROBIN ACCROMBESS, LA VOIX DES CONSOMMATEURS

LA VOIX DES CONSOMMATEURS, ROBIN ACCROMBESSI, PRÉSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DES ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS AU BÉNIN : «Aujourd’hui, le consommateur doit prendre conscience que c’est sa vie qui est en jeu »

 

L-integration.com : M. Ac­crombessi, l’inquiétude des consommateurs est celle-ci : Est-ce que la décision du mi­nistre du commerce va durer dans le temps ?

 

Robin Accrombessi : On entend beaucoup de choses, qu’il pour­rait y avoir des pots de vin ou des pesanteurs qui empêchent la mise en œuvre d’un certain nombre de décisions ou bien d’un certain nombre d’actions salvatrices. Mais je voudrais dire à mes concitoyens consommateurs, la descente dans l’enfer ne dépende que du peuple lui-même. Dans notre société, dès que vous entendez que quelqu’un veut vous empoissonnez, le pre­mier réflexe, vous commencez par fuir cette personne-là.

On a informé largement et suffi­samment les populations que le pain qu’ils consomment contient du bromate de potassium, donc can­cérogène. A partir de ce moment, ça n’a pas un autre nom, c’est de l’empoisonnement public, puisque c’est servi au grand nombre. Tous les enfants aujourd’hui, c’est ça qu’ils consomment. Il y a une en­quête organisée par exemple par l’OMS qui a révélé que les statis­tiques en matière de cancer sont alarmantes au Bénin.

 

Avez-vous des chiffres ?

 

Je n’ai pas de chiffres sur moi. Mais, il n’y a plus un jour qu’on entend autour de nous, telle personne ou tel enfant souffre de leucémie qui n’est rien d’autre que le cancer du sang. Mais cela doit faire réfléchir chaque Béninois. Dès qu’on dit que tel produit que nous payons à man­ger est cancérigène, et c’est bi­zarre que les Béninois s’adonnent à cœur joie. Il y a aucune raison qui puisse justifier qu’on est habitué à manger du pain. Et c’est pour cela que nous, à tra­vers notre éveil de conscience, nous devons créer l’électrochoc pour que le consommateur de­vienne responsable lui-même. La constitution l’a clairement prévu en son article 8 : « La personne hu­maine est sacrée et l’Etat a l’obliga­tion de la protéger ». Il vaut mieux que le consommateur aujourd’hui prenne conscience que c’est sa vie qui est en jeu.

 

Ainsi donc, vous invitez les consommateurs à ne plus man­ger du pain ?

 

Boycotter le pain et le résultat sera systématique. Dès qu’ils vont ces­ser de prendre du pain, les boulan­geries vont commencer par faire faillite, les importateurs également et l’Etat va percevoir moins de taxes et sera confronté à une pres­sion sociale. A cette phase, l’Etat prendra ses responsabilités pour que les consommateurs aient enfin du bon pain sur le marché sur toute l’étendue du territoire. Tant que le consommateur n’agira pas sur ce levier-là, le problème sera toujours latent.  (Propos recueillis : A. A.)


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