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Création d’une monnaie unique en Afrique de l’Ouest / Le franc CFA est-il une contrainte ou atout ? Pour passer du rêve à la réalité


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Ph: DR-: Passer du rêve à la réalité?

Ph: DR-: Passer du rêve à la réalité?

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) multiplie les initiatives pour parvenir à la création d’une monnaie unique à l’horizon 2020. Une Task force présidentielle regroupant les chefs d’Etats de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Niger et du Nigéria est mise en place à cette fin. En raison de l’expérience acquise par les pays de l’Uemoa, il importe de se demander en quoi l’expérience du Franc CFA peut servir ou non de référence ou de catalyseur à l’accélération du processus de création de la monnaie unique de la Cedeao.

(Par Abel GBETOENONMON)

Depuis la création de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) en 1975, le rêve d’une monnaie unique habitait déjà les Chefs d’Etat et de gouvernement. Des avancés sont obtenus en matière de convergence économique avec la mise en place d’institutions de dialogue entre les autorités monétaires et de mécanisme de surveillance multilatérale. Plusieurs échéances ont été fixées en vain. Mais jusque là, plusieurs monnaies nationales coexistent au sein de l’espace Cedeao à côté du Franc CFA partagé par huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Un des enjeux stratégiques majeure est de savoir si  le Franc CFA (en tant que première monnaie unique) sera un atout ou une contrainte pour la création d’une seule zone monétaire au sein de l’espace Cedeao.

 Nouvelle feuille de route

 Sous l’égide du Président en exercice de la Cedeao, S.E.M. Faure Gnassingbé, les présidents ivoirien Alassane Ouattara, ghanéen Nana Akufo-Addo, nigérien Mahamadou Issoufou et nigérian Muhammadu Buhari (membres de la Task force présidentielle) ont adopté le 21 février 2018, à Accra, au Ghana, une nouvelle feuille de route pour accélérer le processus de création de la monnaie unique de la Cedeao.

 

L’ambition est noble : mettre en circulation dans l’ensemble des pays ou plusieurs pays de la Cedeao (au-delà des pays de l’Uemoa), une monnaie unique en remplacement des monnaies nationales qui existent aujourd’hui.

Actuellement, le Franc Cfa de l’Uemoa est une monnaie unique pour huit (08) pays membres de la Cedeao, à l’image de l’Euro pour certains pays de l’Union européenne. Mais à la différence de l’Euro, qui est le résultat d’un processus d’intégration économique poussée et de longue durée, le Franc CFA est un héritage de la colonisation française qui a eu le mérite d’être un catalyseur et un des principaux déterminant du processus d’intégration économique de l’Uemoa. Bien qu’étant un héritage de la colonisation (Franc des colonies françaises d’Afrique puis Franc de la communauté francophone d’Afrique), le Cfa a conditionné et imposé le rythme, l’allure, les normes, les stratégies et les politiques d’intégration régionale de l’Uemoa. Avec la colonisation, le Franc Cfa a remplacé le troc et les formes primitives de monnaie (utilisées dans les royaumes et empires d’Afrique) pour s’imposer comme monnaie unique dont la garantie de convertibilité est assurée par le Trésor public français au profit des pays utilisateurs.

 

Les exigences de convergence économique, de politiques communes et discipline budgétaire qu’impose aux pays l’utilisation d’une monnaie unique ont conduit en 1992 à la création de l’Uemoa. Mise en place en lieu et place de l’Union monétaire ouest-africaine (Uemoa) et de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (Ceao), l’Uemoa a la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) comme institution spécialisée en charge de la politique monétaire et de la discipline bancaire de l’union.

 

Comme on le voit, la monnaie unique est un instrument de politique d’intégration monétaire. Mieux qu’une monnaie commune (qui ne remplace pas les monnaies nationales), la monnaie unique remplace les monnaies nationales et nécessite un niveau de convergence économique plus poussée.

 

Avec le Franc Cfa comme monnaie unique et en tant que zone économique et monétaire, gérée par la  Bceao, l’Uemoa pourrait mettre ses expériences (échecs et succès) à contribution pour la création et la gestion de la monnaie unique de la Cedeao. Bien capitalisée, l’expérience du Franc Cfa avec l’Uemoa pourrait être un atout majeur pour faire de la Cedeao une zone économique et monétaire viable, compétitive, attractive et génératrice d’emplois et de revenus pour les populations.

En principe, la monnaie unique de la Cedeao remplacera non seulement l’actuel Franc Cfa mais également les sept (07) autres monnaies nationales, dont le Naira du Nigeria et le Cedi du Ghana. Toutes les transactions internes à la nouvelle zone monétaire se feront à l’aide de la monnaie unique. C’est là que le hic apparait par rapport à la pertinence de l’expérience du Franc Cfa.

Entre change flexible et change fixe

Quel sera le régime de change de la nouvelle monnaie unique en cours de création ? Depuis l’origine, le Franc Cfa est une monnaie arrimée sur le Franc français à parité fixe (1FF pour 100FCFA à partir de la dévaluation de 1992). Avec l’avènement de la monnaie unique européenne (Euro), le Franc Cfa est arrimé à l’Euro toujours  à parité fixe (1Euro pour environ 656FCFA). Alors que le Franc CFA  est arrimé à l’Euro, sa garantie de convertibilité continue d’être assurée par le Trésor public français, qui cogère avec les banques centrales (Bceao pour l’Uemoa) les opérations et comptes en devises ainsi que les règles d’émissions monétaires.

 

A la différence du Franc CFA, les monnaies nationales des sept autres pays, membres de la Cedeao sont gérées par les banques centrales des Etats concernés dans un régime d’échange flexible, sans aucune dépendance formelle avec une autorité monétaire extérieure.

 

Les banques centrales (Bceao en Afrique de l’Ouest) censées gérer les zones monétaires Franc Cfa sont perçues comme des institutions vassales du Trésor français.

 

Ces derniers temps, les autorités de la Cedeao multiplient les initiatives donnant la preuve de leur engagement politique en faveur de la monnaie unique. Toutefois, des choix stratégiques majeurs sont à opérer, notamment par rapport au régime de change, les normes de convergence et le mécanisme de surveillance multilatérale, la gestion de la dette publique et du déficit budgétaire des pays, ainsi que le positionnement de la monnaie unique par rapport aux devises de référence (Euro, dollars…)..

Il est évident que la zone Franc CFA de l’Afrique de l’Ouest offre un meilleur exemple de stabilité monétaire, un niveau élevé de convergence macroéconomique et un bon niveau de réserve pour la couverture des importations et des émissions monétaires, ainsi que des performances économiques et bancaires satisfaisantes. Mais au prix de quel compromis avec le Trésor public français, la zone CFA affiche-t-elle ses performances? De quelle marge de manœuvre et de quel degré d’indépendance disposent les autorités monétaires de la zone Franc CFA sur les politiques économiques internes ?

Ce sont là des interrogations stratégiques qui méritent des réflexions prospectives, sereines, débarrassées de toute contrainte politique et de toute pression activiste ou extérieure. Il est donc nécessaire que des études d’impact soient réalisées par rapport aux différents scénarios possibles afin d’en dégager toutes les implications politiques, économiques et sociales. La mise en place d’une zone monétaire unique viable, compétitive et salutaire pour les citoyens de la Cedeao, est à ce prix. (AFRIPERF)


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