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Gouvernance : L’administration béninoise est-elle réellement de compétences ?


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« Le Bénin est un désert de compétences » cette plainte du président Patrice Talon à l’endroit du Président français François Hollande, a suscité indignation au sein de la population. D’aucuns ont  saisi le bien fondé de cette assertion qui selon le président lui-même, l’administration béninoise se trouve dégarnie des compétences nécessaires. D’autres par contre s’obstinent à faire le procès au président de la République. Depuis, des voix s’élèvent – et pas des moindres – sur la polémique pour étayer l’opinion publique. Si l’ancien premier ministre, Lionel Zinsou soulève l’énigme du sujet en apportant la preuve qu’il y a bel et bien des ressources, le Prof  Roger Gbégnonvi estime que c’est une auto-purification qui fera renaître le Bénin pour un bel avenir devant soi.

 

Ph: L'ancien Premier ministre béninois

Ph: L’ancien Premier ministre béninois

Lionel ZINSOU se prononce sur la question de la compétence des cadres béninois

« C’est améliorable ! Si on a les hommes. Et on a les hommes….. ».

« Il y a une énigme. Pourquoi les béninois de la diaspora, dès qu’ils travaillent pour une organisation internationale, y sont très appréciés en général? Pourquoi, dès qu’ils travaillent dans des universités étrangères, dès qu’ils travaillent dans les hôpitaux français et sénégalais, dès qu’ils sont des mathématiciens, ils sont parmi les meilleurs? En fait pourquoi vous prenez des individus avec la même formation qui réussissent ailleurs, mais vous dites dans l’administration on n’a pas les ressources? On a les ressources. Les niveaux de formations au Bénin sont bons. Si on est capable d’exporter des compétences dans le monde entier, on est capables de repérer celles de notre administration. Moi je ne crois absolument pas qu’on a un problème de capacités, de ressources humaines, non je ne crois pas.

Dans les entreprises privées du Bénin, je n’ai jamais rencontré d’employeur qui dise, je ne trouve pas les bons cadres. J’ai vu des employeurs de la cote d’ivoire, du Gabon, du Congo qui viennent chercher leurs chefs de chantiers, leurs ingénieurs civils au Bénin. Mais des entreprises privées qui disent je n’ai pas les cadres au Bénin, ça n’existe pas. Il faut faire très attention à ça. Si elles sont dans le secteur privé, dans le secteur associatif, dans la diaspora, ces compétences sont aussi dans l’administration.

En revanche, l’administration a des process, des procédures. La nôtre a des process de management qui sont non-numérisés, qui sont sous-numérisés, qui sont peu animés, qui font peu de place à la performance, prennent beaucoup de temps et sont toujours en retard. Il y a des pays africains qui sont parvenus à régler ce problème. Le Rwanda est le cas le plus cité parce que c’est spectaculaire. Mais le Maroc est un exemple, la cote d’ivoire depuis quelques années est un exemple. Dans l’administration fédérale nigériane, il y a eu des progrès spectaculaires dans le domaine financier et dans le domaine agricole. C’est améliorable si on a les hommes. Et on a les hommes….. ».

 

PH:DR-: Le professeur Roger Gbégnonvi

PH:DR-: Le professeur Roger Gbégnonvi

Le Professeur Roger Gbégnonvi analyse : « Le président Houphouët Boigny rêvait de n’avoir que des cadres béninois »

« Le 26 avril 2016 à Paris, lors de sa conférence de presse conjointe avec son homologue français, qu’il a appelé au secours, le Chef d’Etat béninois a déclaré en substance que le Bénin était un désert de compétence. Grise mine dans le Landerneau, non sans raison, puisque François Hollande venait juste de faire un clin d’œil à Patrice Talon en évoquant les Béninois qui contribuent à l’essor de la France. Malgré les apparences, il n’y a pas la moindre contradiction entre les deux dirigeants. On sait en effet que, hors de chez lui, le Béninois est gros travailleur pour se faire de l’argent. Le président Houphouët Boigny rêvait de n’avoir que des cadres béninois, toujours brillants, au service de sa Côte d’Ivoire. Mais chez lui, le cadre béninois, brillant pour Houphouët Boigny, est gros fainéant pour se faire de l’argent, et devient, pour le président Kérékou, un ‘‘intellectuel taré’’. Voilà la distance (cadre brillant ailleurs, intellectuel taré chez lui) interrogée par Patrice Talon.

Nous sommes en 2016, dans un bureau de l’administration béninoise. Cela fait bien 10 mn que M. attend que Mme ait fini de papoter et de rigoler, avant qu’il ne lui demande des nouvelles de son dossier. Devenu comme impatient, il tente d’interrompre la jeune dame, dont le sang, alors, ne fait qu’un tour : ‘‘Quoi donc Monsieur ! Vous ne voyez pas que je suis au téléphone ?’’ Arrogance crasse. Voilà, aujourd’hui, la ‘‘compétence’’ au Bénin.

Nous sommes en 2010-2011. En 4ème année de Linguistique à l’Université d’Abomey-Calavi, l’étudiant reprend, à l’oral, une matière littéraire. Le professeur qui l’interroge a soudain l’impression que son étudiant ignore tout du plus illustre des Senghor du Sénégal. Intrigué, il lui demande de bien vouloir lui écrire ce nom sur un bout de papier. Effaré, il lit : ‘‘singor’’. Sans majuscule. Ignorance crasse. Voilà, pour demain, la ‘‘compétence’’ au Bénin.

Tout Béninois, d’un certain âge, a rencontré, sur son chemin, en des dizaines d’exemplaires, quelque dame téléphoniste et quelque étudiant non senghoriste. Dame et étudiant sont peut-être adeptes fervents, chantants et dansants, de quelque Eglise établie, ou d’Eveil ou du Réveil, où l’on prêche, sur fond strident, l’amour du prochain et l’amour du travail bien fait, le tout pour l’amour de Dieu. Le cas échéant, que font-ils de ce triple amour qu’ils se font hurler en payant en quêtes généreuses ? Ou n’est-ce que récréation dans un pays où les occasions de se distraire ne sont pas légion ? L’étudiant en 4ème année, pour justifier son insoutenable abîme, renverra peut-être à son cours primaire, quand ses maîtres lui enseignaient qu’il y a du bon à écrire les mots comme on les entend, et il ajoutera sans doute que les multiples tares de l’Ecole Nouvelle et des Nouveaux Programmes l’ont essoré et fait de lui le vide que le professeur a sous les yeux : futur cadre béninois sans contenu.

Mais la dame téléphoniste et l’étudiant non senghoriste (il est singoriste) ne peuvent plus s’en prendre à qu’à eux-mêmes car, à partir de 18 ans, chacun devient responsable de son propre visage et doit, en son âme et conscience, s’il a ces attributs essentiels à l’humain, entreprendre de combler les vides et de réparer les ratés de son éducation-formation.

Compte tenu de ce que chacun sait des milliards évanouis à Maria-Gléta à cause de l’incurie des cadres béninois, Patrice Talon a-t-il ‘‘mal parlé’’ le 26 avril 2016 à Paris ? Pour les uns, oui, parce que ‘‘le linge sale se lave en famille’’. Pour les autres, non, parce que l’heure a sonné de dire ‘‘la vérité, toute la vérité, rien que la vérité’’. Partout où besoin sera. La vérité dite, et si le nouveau départ post rupture trace avec courage les bonnes pistes pour la refonte du Béninois, l’heure aura sonné alors pour chacun d’éjecter de son âme et de sa conscience la dame téléphoniste et l’étudiant non senhgoriste qui y sommeillent. Cette auto-purification fera renaître le Bénin pour un bel avenir devant soi. ‘‘Oui, nous le pouvons’’ ».


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