- « Nous devons réfléchir de manière critique à l’impact de la crise de la dette sur le continent ; non seulement sur notre capacité à développer et à faire croître nos économies, mais aussi sur la création d’une structure d’incitations adéquate pour que les entreprises et industries locales émergent et stimulent la croissance, le développement, la création d’emplois et la richesse pour nous en tant que continent et en tant que peuple »
- « Réfléchir à la manière d’aborder ces défis et comment catalyser les opportunités de l’Agenda 2063 »
- Comment obtenir un résultat significatif lors de la quatrième Conférence sur le financement du développement»

Ph:DR: Jason R. BRAGANZA, Directeur exécutif AFRODAD,
En marge de la 11ème Session du Forum régional africain sur le Développement durable (FRADD-11) tenue du 9 au 11 avril à Kampala en Ouganda, le Directeur exécutif AFRODAD, Jason R. BRAGANZA a organisé le 10 avril, une conférence de presse. L’objectif de cette rencontre (en ligne) avec les médias est de mettre en exergue la question de la dette africaine et les solutions proposées au FRADD-11 pour l’atteinte du développement durable.
Aline ASSANKPON
Dans sa présentation liminaire, le Directeur Exécutif AFRODAD (Forum africain et du Réseau sur la Dette et le Développement) déclare qu’à l’heure actuelle, quatre pays poursuivent le cadre commun du G20. « En outre, plus de 25 pays africains sont en détresse financière ou à haut risque de l’être. Au total, cela représente plus de la moitié du continent confronté à une crise de la dette redoutable. Tout cela s’inscrit dans une architecture internationale très polarisée, tant sur le plan politique qu’économique et sécuritaire ».
Dans ce contexte multipolaire et multi-crise, trois dimensions clés peuvent être explorées pour générer des opportunités sur le continent. Il s’agit de : la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), la lutte contre les flux financiers illicites et à la création d’une dynamique et d’une cohérence autour d’un ensemble complet de réformes de la dette à travers la refonte de l’architecture financière globale de la dette africaine a indiqué M. Jason Rosario BRANGAZA
La ZLECAf à laquelle tous les États membres de l’Union africaine ont adhéré, est mise en œuvre progressivement dans différents États membres pour faciliter le commerce à travers le continent. « Il y a des problèmes initiaux, mais il y a encore des opportunités pour que la Zone de libre-échange continentale africaine agisse comme un catalyseur de développement et d’augmentation du commerce et du mouvement de biens et de services à travers le continent » indique M. Braganza.
« Le montant d’argent perdu à cause des flux financiers illicites est estimé entre 80 et 90 milliards de dollars américains par an. Cela se produit à la fois par des moyens licites et illégaux de faire des affaires sur le continent. C’est un énorme problème car cela contribue à créer des déficits sur le continent, ce qui force ensuite les gouvernements à emprunter ».
La gestion des flux financiers illicites devient un enjeu significatif quant à l’émergence et à la profondeur de la crise de la dette. M. Braganza explique la pertinence de cette question : « Si nous perdons près de 80 milliards de dollars chaque année, c’est de l’argent que les gouvernements africains doivent trouver par le biais de la fiscalité, principalement à travers des taxes régressives. Les opportunités qui en découlent doivent être très spécifiques en termes d’interventions au niveau national, mais aussi cohérentes en termes d’un ensemble d’interventions coordonnées à l’échelle continentale ».
Concernant la réforme de l’architecture de la dette mondiale, le Directeur exécutif AFRODAD fait un constat malheureux : le manque de plateforme unique des dirigeants africains pour parler d’une seule et même voix. «Nous constatons actuellement que les gouvernements africains n’ont pas de plateforme où ils peuvent se rassembler collectivement pour négocier et élaborer des stratégies sur la façon dont ils peuvent restructurer ou renégocier leur répartition de la dette avec leurs créanciers ».
D’autant plus que l’architecture de la dette a changé de manière assez significative au cours des 20 à 25 dernières années. «Alors que nous avions auparavant une situation où nos créanciers étaient principalement bilatéraux (c’est-à-dire de pays à pays) ou multilatéraux (c’est-à-dire des institutions financières internationales comme la Banque mondiale, le FMI et la Banque africaine de développement). Aujourd’hui, nous constatons l’émergence de nouveaux prêteurs bilatéraux qui opèrent très différemment de ce à quoi nous étions habitués. Nous assistons également à une augmentation des prêteurs privés et commerciaux qui agissent de manière très différente, mais dont les intérêts tendent à être plus à court terme qu’à moyen ou long terme » justifie M. Braganza.
Il s’agit-là d’une combinaison de plusieurs facteurs qui maintiennent les Etats africains dans une sorte de dépendance. L’architecture de la dette existante reste relativement constante et ne s’ajuste pas à ce nouveau paysage créancier. «Tant que les prêteurs et les emprunteurs, ne sont pas en mesure de s’adapter dans des situations où des crises de la dette ou des défauts émergent, où une restructuration de la dette est nécessaire ; cela a pour conséquence que de nombreux pays ont refusé ou ont été réticents à envisager comment ils peuvent restructurer leur dette par crainte de perdre leur accès aux marchés de capitaux privés internationaux ».
Se basant sur ces types d’interventions et de dimensions sur lesquelles le Forum de Kampala s’est concentré en essayant d’avancer vers une position cohérente pour les gouvernements africains qui eux, envisagent de négocier un nouvel accord international lors de la quatrième Conférence sur le financement du développement aux Nations Unies, prévue à Séville en Espagne en juin 2025.
Les questions clés à Kampala sont entre autres : Comment sortir du paradoxe de la dette dans ce monde très multipolaire ? Comment faire face à la menace continue des flux financiers illicites quittant le continent ? Comment catalyser des initiatives comme la Zone de libre-échange continentale africaine pour stimuler le développement et la croissance de nos propres industries et le mouvement de biens et de services à travers le continent, ce qui peut alors générer une mobilisation des ressources domestiques et aider à réduire le fardeau de la dette auquel nos pays et nos citoyens sont confrontés actuellement ?
Un autre aspect majeur qui est également ressorti des discussions du Forum de Kampala, est le détournement de ressources des investissements publics, qu’il s’agisse de services publics, de services sociaux ou de la création d’incitations pour que les entreprises locales prospèrent, vers le service de la dette. « Nous devons réfléchir de manière critique à l’impact de la crise de la dette sur le continent ; non seulement sur notre capacité à développer et à faire croître nos économies, mais aussi sur la création d’une structure d’incitations adéquate pour que les entreprises et industries locales émergent et stimulent la croissance, le développement, la création d’emplois et la richesse pour nous en tant que continent et en tant que peuple ».
Par ailleurs, la question de la dette est en lien avec le détournement de ressources de secteurs critiques comme la santé, l’éducation, l’agriculture, l’eau et l’assainissement, qui constituent le socle de nombreuses de nos économies à travers le continent.
« Il faut réfléchir à la manière dont nous allons aborder ces défis et comment nous catalysons les opportunités qui nous sont présentées à travers l’Agenda 2063, est extrêmement important si nous espérons obtenir un résultat significatif lors de la quatrième Conférence sur le financement du développement qui se déroulera en Espagne plus tard cette année » recommande M. Braganza.