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OMC/Point saillant des Négociations à l’OMC : Angela ELLARD appelle à soutenir le système commercial multilatéral face aux défis géopolitiques


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 (L’intégralité de son intervention…)

PH:DR: Angela Ellard, Directrice générale adjointe de l’OMC

S’exprimant à la cinquante-quatrième session de la Commission du commerce international du Parlement européen à Bruxelles, le 20 février dernier, la Directrice générale adjointe de l’OMC, Angela Ellard a exhorté les parlementaires à faire bloc derrière le système commercial multilatéral face aux défis géopolitiques croissants. Dans son allocution, elle a exposé les priorités de l’Organisation en matière de négociation en vue de la quatorzième Conférence ministérielle de l’OMC prévue en mars 2026, et a insisté sur la nécessité de renforcer la coopération mondiale pour gérer les tensions géopolitiques actuelles.

S’adressant aux membres du Parlement européen et membres du Comité directeur de l’Union interparlementaire, la Directrice générale adjointe Angela Ellard déclare que c’est un privilège pour elle, d’être ici avec eux ce jour-là. « J’apprécie profondément la complexité de votre travail et la position centrale que vous occupez pour réunir les institutions internationales et le public que vous représentez. En tant que parlementaires, votre engagement sur les questions relatives à l’OMC est essentiel, non seulement pour façonner la politique commerciale, mais aussi pour garantir que notre travail apporte des avantages réels et significatifs au public ». « Les parlements sont la voix des citoyens dans les discussions commerciales mondiales, et votre leadership est essentiel pour rendre le multilatéralisme à la fois efficace et réactif aux besoins de vos citoyens » a-t-elle ajouté.

Alors que l’OMC célèbre son 30e anniversaire et ses 80 ans sous le nom de GATT, la DGA s’est concentrée sur deux sujets urgents : Les priorités de négociation définies par les membres de l’OMC en préparation pour la 14e Conférence ministérielle, prévue en mars prochain au Cameroun et le contexte géopolitique plus large, actuellement un sujet au cœur des préoccupations.

Les subventions à la pêche : Poisson

En effet, c’est un sujet particulièrement important pour montrer le succès du système commercial multilatéral en matière de durabilité économique et environnementale : les subventions à la pêche. « L’une des priorités les plus urgentes de nos Membres est de garantir l’entrée en vigueur de l’Accord sur les subventions à la pêche, tout en faisant avancer et en achevant les négociations sur la deuxième phase, afin de parvenir à des disciplines encore plus strictes. Ces efforts sont essentiels pour protéger nos océans et promouvoir des pratiques de pêche durables dans le monde entier » a-t-elle convenu.

L’Accord historique de l’OMC sur les subventions à la pêche, conclu à la CM12 en 2022, a permis aux Membres de l’OMC de faire un grand pas en avant vers l’accomplissement du mandat de l’ODD 14.6 en interdisant les subventions aux activités de pêche considérées comme parmi les plus néfastes pour la durabilité de nos océans. On estime que 22 milliards USD de subventions à la pêche préjudiciables sont accordées chaque année. Grâce à cet accord, les Membres de l’OMC ont interdit ces subventions accordées aux navires impliqués dans la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), la pêche de stocks surexploités et la pêche en haute mer non réglementée.

La pêche INN représente environ 20 % des prises mondiales, ce qui épuise les stocks mondiaux de poissons. En outre, la FAO estime que près de 38 % des stocks mondiaux de poissons sont surexploités et, selon certaines mesures, la dévastation est encore plus élevée. L’AFS peut contribuer à inverser cette perte importante et croissante de ressources naturelles.

Cependant, le plein potentiel de l’Accord ne sera réalisé qu’une fois qu’il entrera en vigueur, ce qui nécessite l’acceptation des deux tiers (soit 111) des Membres de l’OMC. « À ce jour, 90 Membres ont déposé leurs instruments d’acceptation, ce qui nous rapproche de notre objectif – il nous en manque seulement 21 de plus » a-t-elle précisé.

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« Je voudrais sincèrement remercier l’Union européenne d’avoir été parmi les premières à accepter l’Accord. En outre, les généreuses contributions de l’UE et de ses États membres au Fonds pour la pêche aideront les Membres en développement et les moins avancés à mettre en œuvre l’Accord s’ils ont déposé leurs instruments d’acceptation. Nous sommes si proches de l’entrée en vigueur, mais nous n’y sommes pas encore tout à fait. Je vous exhorte vivement à continuer de jouer un rôle moteur en encourageant et en aidant ceux qui n’ont pas encore formellement accepté l’Accord à le faire dès que possible. Et pour ceux qui sont ici aujourd’hui du Comité directeur de l’UIP et qui n’ont pas encore déposé leur adhésion, veuillez compter sur le Secrétariat de l’OMC pour vous aider de toutes les manières possibles. Nous souhaitons que l’Accord entre en vigueur avant la troisième Conférence des Nations Unies sur les océans (UNOC3), qui se tiendra en juin à Nice, co-organisée par la France et le Costa Rica. Il est urgent d’y parvenir et nous comptons sur tout le monde pour œuvrer à la réalisation de cet objectif ».

La deuxième priorité liée aux subventions à la pêche est de conclure la deuxième vague de négociations sur des disciplines supplémentaires.

Lors de la réunion du Conseil général de l’OMC en décembre dernier, il est apparu clairement que presque tous les Membres, à l’exception de quelques-uns seulement, étaient prêts à conclure les négociations sur la base du dernier projet de texte diffusé en novembre dernier (TN/RL/W/285). « Si certains Membres ont noté que les disciplines n’étaient pas parfaites, ils reconnaissent néanmoins la valeur substantielle du paquet actuel pour réduire les subventions qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche. Toutefois, les Membres qui ne soutiennent pas le texte ont exprimé des divergences fondamentales » a-t-elle rappelé.

« Si aucun accord n’est parfait et que chaque Membre peut avoir des aspects qu’il souhaite modifier, il est dans l’intérêt de tous de parvenir à un résultat. Si les Membres n’y parviennent pas, l’absence de disciplines sur la surcapacité et la surpêche entraînera une détérioration continue des stocks de poissons pour tous. Nous sommes à un point de bascule » a souligné la DGA/OMC.

« Nous restons déterminés à mener à bien cette deuxième vague de négociations et nous continuerons de compter sur l’engagement constructif de ceux qui sont présents aujourd’hui pour faire de cette nouvelle étape une réussite ».

Règlement des différends

La deuxième priorité est de réformer le système de règlement des différends de l’OMC afin de garantir que les règles de l’OMC restent pertinentes au profit de tous les Membres.

« Lors de la CM12 en 2022, les Membres de l’OMC se sont engagés à disposer d’un « système de règlement des différends pleinement opérationnel et accessible à tous les Membres d’ici 2024 » et ont réitéré cet objectif lors de la CM13 l’année dernière. Cette échéance est passée et les Membres s’emploient actuellement à établir une voie à suivre. Je tiens à remercier l’Union européenne et les autres personnes présentes dans cette salle pour leur position constructive et leur engagement continu dans le processus de réforme » a-t-elle rappelé.

 

Après la CM13, la réforme du système de règlement des différends a été officiellement avancée sous la direction du Représentant permanent de Maurice, qui, avec six co-organisateurs au niveau des experts, s’est efforcé de résoudre les questions en suspens. « Il s’agissait notamment des sujets de l’appel/révision, de l’accessibilité et des « travaux réalisés jusqu’à présent ». Depuis le départ de l’ambassadeur de Maurice en novembre dernier, le président du Conseil général (CG) a continué de superviser directement le processus de réforme, en s’engageant auprès des Membres pour recueillir des points de vue sur la manière de tirer parti des progrès et de faire progresser la réforme » précise-t-elle.

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« Le processus de réforme a déjà donné lieu à plusieurs projets de textes dans différents domaines. Les Membres ont notamment élaboré un projet de fond avancé sur le « renforcement des capacités » et l’« assistance technique ». Cela est essentiel pour améliorer le soutien technique que nous fournissons aux Membres en développement. Bien que les Membres aient progressé dans les discussions sur les recours/révisions, cela reste l’un des aspects les plus difficiles de la réforme, et des efforts supplémentaires sont nécessaires pour résoudre les questions en suspens ».

« Je sais que nos Membres attendent des nouvelles des États-Unis quant à leur position. Je garde espoir que nous continuerons à progresser dans ce travail crucial ».

En attendant, l’OMC continue de servir de forum principal pour résoudre les différends commerciaux internationaux. Huit différends sont actuellement en cours, ainsi que onze consultations actives. « Nous avons également observé une augmentation des solutions négociées entre les Membres, le processus de groupe spécial servant souvent de catalyseur pour ces accords. Le travail de règlement des différends à l’OMC reste solide ».

Agriculture

Troisièmement, il est essentiel que les Membres de l’OMC progressent dans le domaine de l’agriculture.

« L’agriculture devrait être un élément central de l’ordre du jour de la CM14, notamment en raison de son rôle fondamental dans le soutien de la sécurité alimentaire et la promotion du développement socio-économique, en particulier sur le continent africain. Le consensus n’a pas encore été atteint quant au processus et au calendrier de ces négociations. Comme l’a souligné le Président sortant des négociations dans son récent rapport (JOB/AG/265), il est essentiel de rétablir la confiance et de fixer des objectifs crédibles pour rétablir progressivement un processus de négociation efficace et parvenir à un résultat sur l’agriculture en mars 2025 à Yaoundé ».

Initiatives plurilatérales

La quatrième priorité est que les Membres trouvent un moyen d’intégrer les résultats des initiatives conjointes plurilatérales – l’Accord sur la facilitation des investissements pour le développement (IFD) et l’Accord sur le commerce électronique – dans le règlement de l’OMC.

Ces initiatives plurilatérales représentent l’occasion pour les Membres partageant les mêmes idées d’établir entre eux de nouvelles règles ambitieuses et d’innover dans le cadre de l’OMC. Ils coexistent avec le concept de multilatéralisme et ne réduisent aucun droit à l’OMC pour les non-participants.

 

L’Accord sur le commerce électronique compte actuellement 126 membres de l’OMC, dont 90 pays en développement et 27 pays les moins avancés, ainsi que l’UE. Il vise à favoriser le développement durable en améliorant le climat d’investissement grâce à une plus grande transparence et une plus grande prévisibilité et à faciliter les flux d’investissement, en particulier vers les pays en développement et les pays les moins avancés. Les promoteurs de l’Accord cherchent à l’intégrer à l’Annexe IV de l’Accord sur l’OMC en tant qu’accord plurilatéral, dont les avantages seraient appliqués sur une base NPF à tous les membres de l’OMC. Pour ce faire, il faut un consensus entre nos membres. Cependant, quelques membres ont exprimé leur opposition à son intégration, invoquant des préoccupations systémiques et l’impact sur le multilatéralisme. Les promoteurs continuent de travailler pour tracer la voie à suivre pour intégrer ces disciplines importantes dans le règlement de l’OMC.

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« Quatre-vingt-onze membres de l’OMC, dont l’UE, ont conclu les négociations sur le texte de l’Accord sur le commerce électronique et l’ont présenté au Conseil général avant-hier pour incorporation dans le règlement de l’OMC. L’accord vise à permettre les transactions électroniques et à promouvoir la facilitation du commerce numérique, à garantir un environnement ouvert pour le commerce numérique et à promouvoir la confiance dans le commerce électronique. Il contient également des dispositions sur la coopération et le développement. Comme pour l’IFD, quelques Membres s’y opposent pour des raisons systémiques ».

Travaux multilatéraux sur le commerce électronique

En ce qui concerne les travaux multilatéraux sur le commerce électronique, l’engagement se poursuit dans le cadre du programme de travail multilatéral sur le commerce électronique, comme indiqué dans la décision de la MC13, qui doit être achevé d’ici la MC14. En janvier, nous avons tenu une discussion spécifique sur la réduction de la fracture numérique, axée sur les infrastructures, la connectivité et l’accès à Internet. Une autre session en février explorera les cadres juridiques et réglementaires, notamment la protection des consommateurs, la confidentialité et la cybersécurité. « Ces sessions visent à partager les expériences nationales, à approfondir les thèmes clés et à réfléchir à des idées concrètes. L’objectif est d’identifier des mesures concrètes et des recommandations à soumettre aux ministres lors de la MC14 ».

« Un autre point de décision crucial est de savoir s’il faut prolonger le moratoire sur la perception des droits sur les transmissions numériques, qui doit expirer le 31 mars 2026 ou à la MC14, selon la première de ces éventualités. En décembre, nous avons organisé une séance d’information dédiée avec la participation du Secrétariat de l’OMC, du FMI, de la CNUCED, de l’OCDE et du Centre Sud. Cette séance visait à examiner les études existantes sur l’impact du moratoire, à encourager les discussions sur sa portée et sa définition, et à explorer d’autres approches fiscales. Je vous encourage à engager un dialogue ouvert et à explorer les éléments qui pourraient aider à établir un terrain d’entente pour avancer sur cette question importante ».

Développement

« Chacun de ces axes de travail comporte une forte dimension développement, qui reste une priorité absolue pour nombre de nos Membres, car les pays en développement représentent les deux tiers de nos Membres. Il y a quelques semaines à peine, les Membres de l’OMC ont organisé une retraite tournée vers l’avenir axée sur l’exploitation du commerce comme outil de développement et sur la définition d’une voie à suivre. Nous nous appuierons sur cet engagement fructueux dans la perspective de la CM14 ».

Contexte géopolitique

« Chers parlementaires, je m’en voudrais de ne rien dire de la situation géopolitique actuelle et de son impact sur le commerce. Nous vivons une époque tumultueuse – une époque où les mesures commerciales et les contre-mesures sont annoncées et mises en œuvre en quelques jours, parfois quelques heures. Le climat d’incertitude affecte les entreprises qui opèrent à l’échelle internationale et dépendent de chaînes d’approvisionnement réparties dans différentes régions du monde. Une telle volatilité peut perturber la stabilité économique, affecter les plans d’investissement et perturber les chaînes d’approvisionnement non seulement en Europe mais dans le monde entier ».

« C’est dans des moments comme ceux-ci qu’un environnement commercial stable et prévisible, ancré dans le système commercial multilatéral et l’Organisation mondiale du commerce, est essentiel ».


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