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L’intelligence artificielle est un avantage pour l’Afrique!  


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PH:DR: Lacina Koné- Directeur général de Smart Africa

Quelle est la place de l’Afrique dans ce nouvel enjeu majeur qu’est l’Intelligence artificielle ?Lacina Koné, directeur général de Smart Africa, décrypte le besoin d’harmonisation des pratiques, au-delà des priorités de chaque pays.

Comment Smart Africa aborde-t-elle les enjeux du numérique ?

Aujourd’hui, Smart Africa représente une quarantaine de pays pour faire face à la quatrième révolution industrielle. Smart Africa est une organisation panafricaine créée en 2013 par sept chefs d’État.

Au tout début, nous avions cinq manifestes : mettre la technologie de l’information et de la communication au sein du développement socio-économique du continent, promouvoir et bâtir des infrastructures de la grande bande passante, s’appuyer sur celle-ci pour la transparence de nos administrations, privilégier le secteur privé africain pour redynamiser les activités et, enfin, promouvoir l’innovation à travers nos start-up et la jeunesse pour capitaliser sur les dividendes démographiques du continent.

Comment accélérer les travaux et rattraper le retard pris par l’Afrique ?

L’Afrique, historiquement, n’a connu que l’économie basée sur l’agriculture. Or, aujourd’hui le moteur des grandes économies mondiales, c’est la transformation numérique.

À Wall Street, les grandes entreprises mondiales ne relèvent pas de l’économie agricole ! Elles relèvent plutôt du domaine de la transformation. Les données sont le nouveau pétrole.

Quand on parle de données, il s’agit d’économie numérique, de transformation numérique. La vision du Smart Africa, c’est de créer un marché numérique unique pour les pays africains. Un marché sans frontières où chacun pourra surfer comme il l’entend.

Avec 54 pays, comment agir collectivement de façon efficiente ?

Les facteurs de création du succès, c’est l’harmonisation des politiques entre les pays. Et cela est possible. Le cadre réglementaire peut faire ou défaire un pays dans l’écosystème de l’économie numérique. C’est ce qui fait la différence entre les pays comme Singapour et les pays africains. Elle tient dans la manière dont le cadre réglementaire est harmonisé en matière de connectivité, de la gouvernance et de protection des données.

Il faut que l’Afrique soit vue comme un bloc économique, pas un pays qui est connu juste par la population du Kenya ou l’Afrique du Sud. Il faut voir l’Afrique comme un vaste marché. Aujourd’hui, avec 41 pays, Smart Africa couvre 1,2 milliard de personnes.

Certes, nous avons des défis ; mais, en Afrique, il faut transformer les défis en opportunités. Certains vous diront que l’Afrique est en retard ici et là. Or, tout compte fait, c’est un avantage. C’est l’opportunité pour l’Afrique à travers le leadership de Smart Africa de faire un saut de guépard. L’Afrique ne doit pas traverser toutes les étapes de la transformation numérique que les autres pays ont franchies. Nous, nous allons directement à l’intelligence artificielle !

Ce qui suppose quelle élaboration programmatique pour les années à venir ?

Tout part du fait que chaque pays membre du Smart Africa choisit un schéma directeur. Celui du Rwanda est par exemple les villes intelligentes. Celui du Bénin, c’est l’identité numérique, pour le Ghana le paiement électronique panafricain, la Côte d’Ivoire, la cybersécurité. Actuellement, nous suivons quelque 18 schémas directeurs au plan continental sur le déploiement, la planification des programmes des technologies émergentes… Notre approche est beaucoup plus pragmatique que la relation bilatérale entre les pays donateurs et les partenaires au développement.

De par votre position, vous avez l’avantage de la transversalité. Or, des éléments essentiels structurent cet enjeu, comme l’éducation, la bataille des cerveaux, la quête des compétences. Comment en discutez-vous avec vos partenaires ?

Les thématiques de Smart Africa tournent autour de quatre éléments : la connectivité, l’innovation, la transformation et l’accélération. Nous avons des projets structurants autour de ces axes.

Dans le domaine de la connectivité, par exemple, nous menons un projet avec la Guinée équatoriale, recommandant à ce pays de se connecter avec deux de ses voisins. En Côte d’Ivoire, nous suivons le schéma directeur continental sur la cybersécurité. C’est ce qui a conduit à la création du réseau africain des autorités des cybersécurités en suivant la réglementation et l’harmonisation en lien avec l’intelligence artificielle.

Et autour de toutes ces thématiques, nous n’oublions pas le volet formation. Smart Africa Digital Academy (SADA), qui est l’académie numérique de Smart Africa, travaille avec nos partenaires comme la Banque mondiale pour la formation des décideurs politiques, les fonctionnaires et les start-up. Nous avons aussi le programme STEM, la nouvelle méthode d’apprentissage des Sciences, technologies, ingénierie et mathématiques.

 

L’intelligence artificielle risque de faire disparaître des milliers de métiers. Comment intégrez-vous cette dimension dans vos évaluations ?

C’est une question fondamentale. L’intelligence artificielle sera un avantage pour l’Afrique. Dans les règles de l’art, nous voyons tous les Objectifs du développement durable d’ici à 2030. L’IA permet à toutes les nations d’accélérer la transformation. L’IA quand elle est déployée avec l’inclusion, permettra aux gens ne parlant pas le français l’anglais, le portugais, l’arabe ou l’espagnol, de participer au développement.

La particularité de l’IA est de pouvoir entraîner les populations à parler d’autres langues en dehors des langues officielles, comme le français ou l’anglais. Même si quelqu’un qui est profondément illettré, avec l’IA, peut interagir avec les services du gouvernement et les autres services privés.

Pourtant, les chiffres sur les taux de pénétration sont très faibles : ces outils ne sont-ils pas une sorte de gadget ou un alibi ? Quid de l’appropriation ?

Tous les aspects de l’intelligence artificielle reposent sur quatre éléments : l’infrastructure numérique avec la connectivité des zones urbaines et rurales, les centres de données.

Quand on observe l’Afrique à travers tout cela, à l’aune de la connectivité, seulement 46% de la population utilise l’Internet. Or, cela ne veut pas dire que seule 46 % de la population est couverte. Le taux de couverture, c’est une chose et le taux d’usage, en est une autre !

À propos du taux de couverture, nous sommes aux alentours de 85%. L’usage est à 50%. Mais cela n’est pas dû à l’Intelligence artificielle, mais plutôt à l’abordabilité de l’internet qui coûte encore trop cher pour les populations africaines.

Nous avons mené des études avec la Banque mondiale ; elles indiquent quatre raisons : le taux bas de pénétration, les appareils intelligents, le contenu et la cybersécurité. Autre élément, la question de l’harmonisation des politiques. Et, enfin, l’innovation.

Il faut légiférer pour nos start-up pour clarifier la marche à suivre vis-à-vis des États, les accompagner et les encourager. Sans oublier la formation, comme celle dispensée par l’Académie Smart Africa.

La question de la sanctuarisation des données est importante. L’Afrique est-elle en possession de ses données ?

Non mais cela ne concerne pas que l’Afrique ! En matière de souveraineté numérique, ni l’Afrique ni l’Europe ne sont à l’abri. Les données, c’est le nouveau pétrole. L’approche de Smart Africa, par rapport à la vision africaine, est de dire que les données doivent rester en Afrique.

Nous sommes dans une période de guerre des données. Le combat pour l’avenir, c’est celui des données. L’évolution ou la révolution de l’IA dépend de la quantité ou de la massification des données numériques. L’Afrique doit harmoniser les politiques d’accès à la souveraineté en ayant ses propres Data center car l’avenir du monde se basera sur la capitalisation des données.

Par exemple, sur 8 000 Data center dans le monde, seuls 152 représentent l’Afrique. Avec l’avènement de l’IA, nous voyons là un réel danger. Il faut changer la manière de voir et de réfléchir. Si l’Afrique veut aller de l’avant avec l’accès à la souveraineté numérique, il faudra que celle-ci nous entraîne vers des modèles numériques qui tiennent compte de nos valeurs, de nos cultures, de nos situations et de nos réalités intra-africaines.

Smart Africa prépare un grand événement sur l’intelligence artificielle et le numérique, à Kigali. En quoi consistera-t-il ?

En effet, les 3 et 4 avril, Kigali accueillera le sommet mondial de l’IA et du numérique en Afrique. Au cours de cet événement, nous mènerons des réflexions et développerons des sujets sur la création du Conseil africain sur l’IA. Nous allons nous concerter et réfléchir sur la conception, le fonctionnement, les objectifs et le but de ce Conseil.

Nous préparons une déclaration commune du Conseil africain sur l’intelligence artificielle. Nous aurons trois mois – avant juillet  pour mettre en pratique le plan stratégique d’un an. Car avec l’IA, il ne faut pas perdre de vue la notion du temps, l’instantanéité, la rapidité, l’agilité et l’efficacité !

 

Comment vos partenaires font-ils appel à votre expertise pour accélérer la mise en œuvre des politiques et stratégies que vous préconisez ?

Nous avons trois catégories de partenaires. Ceux qui sont les pays membres, un conseil de ministres de Smart Africa ou conseil de régulation qui appelle à se réunir, à discuter sur des sujets appropriés à l’Afrique par rapport à la souveraineté numérique. Et ceux qui sont les partenaires au développement, lesquels considèrent Smart Africa comme un catalyseur pour accélérer la transformation sur le continent, avec notre approche collaborative public-privé, société civile, universités.

Nous travaillons en équipe, nous élaborons un projet et schéma directeur, nous mettons au point des pilotes et les candidats se manifestent pour les distribuer. C’est cette relation multifacettes, multidimensions et multipartenariats qui explique l’agilité de Smart Africa pour se faufiler et naviguer dans ce monde complexe.

Quels sont les chantiers qui comptent pour vous ?

Avec l’avènement de l’IA, sonne un réveil de conscience pour toute l’Afrique. Les chantiers et les batailles qui sont là, c’est l’Intelligence artificielle. Comment l’IA doit-elle contribuer à l’avancement et au progrès de l’Afrique ? C’est notre principal but. Il s’agit potentiellement d’un marché de 2 900 milliards de dollars !

Une opportunité à saisir d’ici à 2030. Alors l’IA peut nous permettre d’arriver beaucoup plus vite à nos objectifs. La création du Conseil africain est très importante. Pour nous, l’IA n’est pas seulement une révolution, c’est une évolution dans l’écosystème que nous pratiquons déjà. Puisqu’elle est posée sur des piliers dont nous avons enregistré beaucoup d’avancements. Nous voulons mettre en œuvre tous ces projets – connectivité, innovation, harmonisation ou formation. Voilà notre champ de bataille dans les deux prochaines années.

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