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Bénin / Interview exclusive de Romuald Wadagni, Ministre de l’Economie et des Finances du Bénin, Ministre d’État


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Ph/DR: Romuald WADAGNI, ministre de l’Economie et des Finances du Bénin

Au lendemain du vote de la Loi de Finances 2023 en décembre dernier, Financial Afrik est allé à la rencontre de Romuald Wadagni, ministre d’Etat en charge de l’Economie et des Finances du Bénin. Entretien exclusif réalisé par financialafrik.com

Monsieur le Ministre, comment se porte l’économie béninoise aujourd’hui ?

L’économie béninoise se porte mieux et je ne suis pas le seul à le dire. Le Fonds Monétaire International a effectué une visite au Bénin en Novembre pour prendre le « pouls » de l’économie dans le cadre du Programme Économique et Financier avec notre pays. L’institution a conclu que l’économie béninoise se porte bien et se solidifie. La dynamique va se poursuivre afin que chaque béninois puisse voir son quotidien continuellement et concrètement s’améliorer. Cela ne relève plus aujourd’hui d’une promesse ; ce sont désormais des résultats tangibles comme vous le savez.

Quelles sont les nouvelles initiatives sociales que porte le budget de l’État pour la gestion 2023 ?

Le budget général de l’Etat, gestion 2023, garde une cohérence globale dont le cap a été fixé par le Chef de l’État depuis 2016 à travers le Programme d’Actions du Gouvernement (PAG). Le PAG II (2021-2026)  vise à consolider les acquis du premier et à relever les chaînes de valeurs ajoutées pour le développement du secteur de la transformation. Il ne vous a pas également échappé que le Chef de l’État a voulu mettre l’emphase, dans ce deuxième quinquennat, sur ce qu’il est convenu d’appeler le « hautement social », c’est-à-dire plus d’investissement dans le social afin que les Béninois ressentent davantage dans leur quotidien les effets des performances macroéconomiques que nous avons réalisées, en particulier nos concitoyens les plus vulnérables.

C’est dans cet élan du « hautement social » qu’en plus des infrastructures de base que nous développons sur toute l’étendue du territoire pour faire reculer la pauvreté, le Gouvernement a récemment décidé d’augmenter le SMIG de 30% pour que les salariés à revenus plus faibles améliorent leur niveau de vie. En plus de cela, nous avons décidé d’une augmentation des salaires dans la fonction publique allant de 3% à près de 70% ; les taux d’augmentation les plus élevés étant pour les salaires les plus faibles afin de réduire les inégalités et donner davantage du pouvoir d’achat à celles et ceux qui en ont le plus besoin. Ces mesures, qui sont entrées en vigueur depuis le mois de décembre 2022, représenteront dès la première année d’application un effort financier de près de 60 milliards de FCFA sur la masse salariale.

Bien entendu, cette revalorisation salariale conçue pour réduire les inégalités n’est pas la seule mesure sociale du Budget 2023. Je ne vais pas toutes les égrener ici mais je pourrais vous citer entre autres :

– l’assurance maladie universelle qui vise à faciliter l’accès aux soins de santé aux populations pauvres et défavorisées. Dans 57 communes sur 77, les personnes économiquement  plus vulnérables, commencent à bénéficier de soins gratuits. D’ailleurs nous avons aussi  rendu la prise en charge des frais de santé obligatoires par tous les employeurs pour leurs salariés pour compter de cette année.

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– la consolidation et la montée en puissance du Programme National d’Alimentation Scolaire Intégré (PNASI) pour lequel le Gouvernement envisage de réaliser une couverture universelle de « repas chaud » aux écoliers des écoles primaires publiques. À fin 2022, plus d’un million d’enfants  sont déjà impactés ;

– les différents projets dans le domaine de la fourniture de l’eau potable en vue d’un accès universel à l’eau potable dans notre pays  d’ici 2024 ;

– l’extension de l’exonération des frais de contribution scolaire des élèves filles au second cycle de l’enseignement secondaire mais surtout 30 000 filles  qui bénéficient de kits scolaires et transfert monétaire allant jusqu’à 600 francs par jour ; etc.

Toutes ces actions sociales sont rendues possibles grâce aux performances réalisées par l’économie au cours des dernières années et auxquelles tous les Béninois ont contribué. Ces performances ont permis à l’économie de générer des ressources que l’État utilise pour soutenir les plus vulnérables.

Monsieur le ministre, comment expliquez-vous la part importante du social dans le budget 2023 du Bénin ?

Vous faites bien de souligner l’importance accordée au social dans le budget 2023 du Benin. Pour rappel, ce budget dont le montant s’élève à 3 033 milliards de francs CFA consacre son tiers (1/3) aux actions sociales, soit plus de 1 000 milliards de nos francs.

Pourquoi autant d’efforts en faveur du social m’avez-vous demandé ? Pour deux raisons fondamentales, l’une conjoncturelle et l’autre structurelle.

Sur le plan conjoncturel, les différentes crises que nous avons traversées et qui se poursuivent ont affecté nos populations et requièrent des États des mesures de soutien afin d’éviter la bascule dans la pauvreté ou l’extrême pauvreté d’une partie des populations. Il est donc important de réagir afin que nos efforts collectifs et productifs pour faire reculer la pauvreté depuis 7 ans ne soient pas annihilés Sur le plan structurel, il nous faut renforcer nos filets sociaux. Notre objectif à terme est que toutes les personnes vulnérables de notre pays soient clairement identifiées et reçoivent le soutien approprié de la part du Gouvernement. C’est à cela que nous travaillons et c’est la raison pour laquelle je vous disais tantôt que la tendance que vous observez dans ce budget  se poursuivra les années prochaines.

Doit-on voir dans ces 1000 milliards de FCFA dédiés au social, la conciliation entre le libéralisme que le président Talon et vous-même incarnez et la nécessité du développement durable ?

Le Président Patrice Talon et moi-même, comme l’ensemble du Gouvernement, sommes guidés par un seul impératif ; celui d’accélérer le développement économique et social du Bénin. C’est l’objectif du Programme d’Actions du Gouvernement, aussi bien dans son premier acte que dans le deuxième qui suit son cours.

Vous devez donc simplement voir dans cette attention accrue pour le social la continuité d’une action cohérente. Avant que l’Etat n’incarne une politique redistributive, il est important qu’il incarne d’abord une politique productive notamment dans le contexte de nos économies où nous avons tout à construire et où on a trop souvent pris l’habitude de dépendre des autres.

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Cependant, vous avez raison sur le fait que notre politique est résolument tournée vers le développement durable. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons été les premiers en Afrique à réussir l’émission d’obligations ODD pour un montant de 500 millions d’euros en juillet 2021. Ces ressources sont essentiellement destinées au financement d’un portefeuille de projets devant permettre à notre pays de faire des progrès importants dans l’atteinte de ses cibles prioritaires pour les objectifs de développement durable.

Quid de l’impact de ces orientations sociales sur la compétitivité du Bénin ?

Il n’y a pas d’inquiétude à avoir sur la compétitivité de notre économie. Il est vrai que concilier efficacité productive et justice sociale est un défi permanent pour les pouvoirs publics. En ce qui nous concerne, nous réalisons des investissements structurants massifs pour accroître la compétitivité de notre économie et nous allons continuer de le faire. Nous ne faisons donc pas du social au détriment de la compétitivité. Avec la première phase de notre programme d’actions, nous avons initié des investissements signicatif dans les domaines où nous avons un avantage comparatif pour l’amplifier. C’est le cas, entre autres, de l’agriculture, du tourisme, de l’économie numérique et de l’économie du savoir. Et l’un des deux axes du PAG en cours vise justement à consolider ces acquis. Cela veut dire que nous souhaitons continuer d’améliorer la compétitivité de notre économie, tout en renforçant l’emphase sur le social.

Qu’en est-il des équilibres macro-économiques du Bénin en 2023 et, particulièrement, de l’évolution du service de la dette ?

A l’entame de cet entretien, j’indiquais que le FMI a récemment évalué l’état de santé de notre économie et scruté nos perspectives macroéconomiques à court terme. Il en ressortait que notre économie se porte bien et se solidifie. Notre croissance économique pour 2023 est projetée à 6,5% dans un contexte marqué par une incertitude mondiale accrue et un risque de récession globale. Ceci symbolise bien combien nos fondamentaux macroéconomiques sont de plus en plus solides.

Sur la dette, je sais que c’est un sujet qui cristallise beaucoup l’attention. Je vais donc vous donner quelques éléments d’appréciation qui montrent que la gestion de la dette au Bénin est saine et efficace et que nous ne courrons aucun risque sur le service de la dette. Il faut noter que nous avons adopté une approche proactive de la dette avec un accent mis sur la transparence en publiant régulièrement les informations de son évolution sur nos canaux réservés.

Il  me plait de relever quelques traits caractéristiques de notre mode de gestion de la dette :

D’abord, vous devez savoir qu’au niveau de l’UEMOA nous avons un seuil communautaire d’endettement de 70% du PIB qui fait référence. Pour 2022, notre taux d’endettement s’affiche dans un voisinage de 50%, pour une moyenne de l’UEMOA autour de 60% du PIB. En d’autres termes, nous avons une marge d’endettement permettant à notre pays d’assurer un bon monitoring de l’évolution de la dette publique et de disposer d’un espace d’endettement pour le financement des projets structurants de développement.

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L’examen régulier de la soutenabilité de la dette du Bénin est partie intégrante du Programme signé par le Bénin avec le FMI. Je vous disais tantôt que la dernière mission du FMI date juste de quelques semaines et les analyses de cette institution, qui confirment celles de nos services, montrent que la dette du Bénin est viable et que les finances publiques sont soutenables.

Sur la dette elle-même, il n’y a pas de fétichisme. La dette n’est pas un tabou ni une panacée. Tous les pays s’endettent y compris les plus développés qui ont déjà tout construit. Vous savez, lorsque la dette est contractée dans les meilleures conditions de taux et de maturité et qu’elle crée de la croissance robuste, elle remplit largement les conditions de sa soutenabilité. C’est le cas pour le Bénin, il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir.

Le Bénin respecte l’intégralité de ses échéances de remboursements de la dette vis-à-vis de l’ensemble de ses créanciers nationaux et internationaux dont les échéances sur la dette commerciale internationale et les Eurobonds. Il convient de rappeler que cette exigence fait partie des critères phares que les agences de notations financières suivent ainsi que le FMI à travers le critère « pas d’arriéré de dette ». Un point d’honneur au respect des échéances a permis au Bénin de bénéficier d’une amélioration continue de sa notation financière.

Le Bénin présente une inflation faible (moins de 2%) contre une moyenne de plus de 8% dans la zone UEMOA. Comment expliquer ce hiatus ?

Vous avez raison de préciser que le Bénin a su contenir son inflation dans un contexte de flambée mondiale des prix. D’abord comme vous le savez, les unions monétaires offrent le cadre d’une inflation contrôlée par la politique monétaire. C’est le cas pour l’ensemble des pays de l’UEMOA. Si vous regardez bien, vous verrez que les taux d’inflation sont en moyenne beaucoup plus faibles dans l’UEMOA que dans les autres pays d’Afrique ne faisant pas partie d’une union monétaire.

Abordant le cas du Bénin, il faut souligner qu’une bonne campagne agricole se traduit généralement dans notre pays par un taux d’inflation faible. C’est justement ce qui s’est passé au cours de l’année écoulée. Dans sa logique habituelle d’anticipation, le gouvernement a assuré une bonne couverture en intrants agricoles pour les producteurs, et ce, même avant l’éclatement de la guerre en Ukraine. Ces intrants ont même été subventionnés, afin de permettre leur accessibilité aux producteurs. La disponibilité des intrants, combinée aux efforts de mécanisation de l’agriculture entamés depuis quelques années et au renforcement de l’encadrement des producteurs, donnent les résultats que vous constatez.

Ces mesures ont été ensuite renforcées par celles que nous avons prises pour atténuer les effets de la guerre en Ukraine et de la Covid19 sur les prix qui ont également montré leur efficacité. Ces éléments justifient le niveau modéré de l’inflation au Bénin.

Le ministre Romuald Wadagni se prononce également, dans une seconde partie de cette interview, sur les grands défis que continent africain est appelé à relever en 2023. Au rang des enjeux, la crise ukrainienne, les défis sécuritaires et les questions climatiques. A suivre…

https://www.financialafrik.com/2023/01/10/interview-exclusive-financial-afrik-de-romuald-wadagni-ministre-de-leconomie-et-des-finances-du-benin-ministre-detat/


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