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Bénin / Politique / Exclusif du président Patrice Talon sur France24 et RFI.


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Ph/DR- Le Chef de l’Etat, le Président de la République du Bénin, Patrice Guillaume Athanase TALON.

«L’impunité, je n’envisage pas à nouveau, de fermer les yeux sur ce qui s’est passé, de gracier ou d’amnistier ; parce que ça devient récurent ! »

Le Chef de l’Etat du Bénin, le président Patrice Talon était face à la presse étrangère ce vendredi 30 avril. A travers un entretien de 17 mn, réalisé par deux journalistes (Marc Perelman de France 24 et Christophe Boisbouvier de RFI), un tour d’horizon sur l’actualité politique s’est imposé : Processus électoral de la présidentielle du 11 avril marqué par des manifestations violentes, réélection du président de la République, vague d’arrestation des opposants politiques et la limitation du mandat présidentiel, sont entre autres sujets abordés dans cet entretien qui fixe désormais les Béninois sur l’avenir.

(Transcription : Aline ASSANKPON)

Marc Perelman et Christophe Boisbouvier : Monsieur le Président, le 11 avril vous avez été réélu pour un second mandat de cinq (5) ans avec un score de plus de 86% dès le 1er tour ; vous avez, face à vous, deux candidats peu connus, au point où on a évoqué une élection courue d’avance.

Patrice Talon : En effet, les résultats de cette élection donnent bien l’impression que, en face, les candidats n’étaient pas à la hauteur. C’est une mauvaise lecture ! Et vous savez, le Bénin vient de loin. Et quand un pays en si peu de temps, s’est étonné lui-même et a pu étonner le monde par ses prouesses, cela peut donner aux uns et autres, notamment dans le pays, le sentiment que ça y est, quelque chose se fasse et que ça continue.

Vous savez, souvent quand un régime, un président est décrié, comme on l’entend un peu partout, les électeurs peuvent voter contre quel que soit celui qui est en face. Donc, ce n’est pas toujours en fonction de celui qui est en face que les électeurs expriment leur choix. Ça peut être un vote sanction.

Là, c’est un vote d’adhésion pour vous ?

Pour moi, c’est un vote d’adhésion.

Alors que même, il y  a un chiffre qui est frappant, il n’y a que 50% de participation ; donc il y a un électeur sur deux qui n’est pas allé voter. Alors que lors de votre première élection, il y a cinq ans, le taux de participation avait approché 65%. C’est un net recul, ça veut dire qu’il n’y a pas eu le même engouement tout de même !

Nous avons- il faut l’avouer – (les trois candidats en lice, les trois duo) participé à cette élection dans un environnement assez mauvais, de menaces, de violences, d’intoxications. C’est l’une des premières élections depuis le Renouveau démocratique où l’argent n’a pas été le principal élément pour les électeurs.

Quand on met tout ça bout à bout, on comprend que, environ 10% des électeurs n’aient pas participé au vote par rapport à nos habitudes. Alors même, quand on a plus de 50 %, parce que 51 % sont déplacés ; alors même que pour certains, la dynamique est si belle : ce qui se passe est si bien qu’il faut impérativement que ça continue. Et que pour certains, il n’y a pas de raison que les électeurs n’apportent pas leur soutien au candidat Patrice Talon.

Tout cela mis ensemble, a pu contribuer à dégrader le taux de participation. 50 % pour moi, c’est satisfaisant dans ces conditions !

Alors, il y a quand-même quelque chose qui pose problème, c’est à l’exception de l’ancien président Thomas Boni Yayi, tous vos principaux opposants sont soit en exil pour échapper à la prison, soit derrière les barreaux ici. Au Bénin, on a l’impression que vous avez cherché à faire le vide autour de vous. Et que répondez-vous à ceux qui disent : «A cause de vous, la démocratie est un recul au Bénin !».

Qui sont les principaux adversaires candidats qui sont derrière les barreaux à la veille des élections ? Vous en connaissez derrière les barreaux ? Moi je n’en connais pas. Il y a des gens qui sont appelés à rendre compte de leur gestion. Nous sommes dans un pays d’impunité total depuis si longtemps et que quand on décide que les choses changent, les gens ne veulent pas répondre de ce qu’ils ont fait, ils sont partis par eux-mêmes en exil, parce qu’ils ont refusé de répondre à la justice ; sinon, je ne connais pas un acteur majeur de la politique derrière les barreaux avant les élections.

Vous n’avez cherché à éliminer tous vos adversaires pour gagner avec 86% ? Je vais vous poser la question de façon un peu plus claire.

Je vais vous dire ce qui se passe au Bénin, c’est dû à nos gouvernants qui sont devenus au fil du temps des prédateurs de leur pays, malheureusement à l’instar de la plupart de beaucoup de pays africains. Mon pays, le Bénin, était devenu l’otage de la classe politique, fait de toutes sortes d’individus, y compris des trafiquants de drogue.

Alors, vous nous demandez qui était derrière les barreaux au moment de la présidentielle du 11 avril ; lui il n’a été que quelques jours plus tard, le 15 avril : c’est l’Universitaire, Joël Aïvo. Il est accusé d’atteinte à la sûreté et au blanchiment de capitaux, il a été candidat, il n’a pas pu. Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui disent : « Le président est en train de régler son compte avec quelqu’un qui a dit, la présidentielle, c’est Talon contre Talon, et que les résultats proclamés étaient truqués? »

Ah bon !? Pour vous, ce n’était que ça ? Vous n’avez pas entendu que ces gens ont dit que les élections n’auront jamais lieu ? Vous n’avez jamais entendu cela ? Pourquoi en répétant les propos de ceux qui paraissent être victimes des réformes au Bénin, vous faites sélection de leurs propos ? Tout le monde a entendu sur les ondes partout, leurs propos : « l’élection n’aura jamais lieu…dans ces conditions, si nous ne sommes pas candidats, il n’y aura pas élection».

C’est un opposant politique.

Alors, est-ce que dire que les élections n’auront jamais lieu et agir pour que cela n’ait lieu, pour vous est convenable ? C’est-à-dire au point de recruter des mercenaires, des chasseurs dit-on, les armer et amener ceux-ci à tirer sur les forces de l’ordre ?

  1. Aïvo dont vous parlez, parlons-en ! Et même plus que ça, Reckya Madougou (je sais que vous allez en venir). Ils ne sont dans aucun parti politique, n’ont aucun parti politique. Une dame débarque- elle n’a pas de parti politique – avec des valises d’argent, avec des sponsors des chefs d’Etat des pays voisins, avec des opérateurs économiques et consort.

Je veux  préciser pour les auditeurs qui nous écoutent, il s’agit du Candidat Reckya Madougou qui a été rétorqué, elle n’a pas pu se présenter, elle a été arrêtée le 03 mars et poursuivie pour financement du terrorisme. Donc, ce n’est pas un terme grave. Est-ce que ça veut dire qu’elle a fomenté des attentats au Bénin ? C’est une accusation extrêmement grave, extrêmement rare. Les mots comptent…

Elle n’a pas été rétorquée, l’information n’est pas juste.

On y vient ! Cette personne débarque et voulait être candidate au titre des Démocrates. Ces gens-là, ont dit – après que leurs dossiers aient été constatés non conformes – que l’élection n’aura pas lieu sans eux. Qu’ils empêcheront par tous les moyens, ils l’ont dit publiquement dans les conférences de presse… Qu’ils l’aient dit, il n’y a pas de problème, mais qu’ils aient agi pour…ça devient sérieux !

Alors, quand des manifestations avec violences ont lieu et quand on demande à des gens de procéder à des assassinats aveugles pour que le pays s’enflamme pour qu’on observe ce qui s’est passé au Burkina Faso, au Mali, un peu partout, parce que combien d’insurrections qui ont eu lieu en Afrique et que ces insurrections ont parfois amené des régimes à être balayés, c’est le cas du Mali et du Burkina Faso (cités). Il faut que le Bénin s’enflamme, il faut qu’il y ait de l’insurrection  et s’il y a des morts un peu partout, des violences partout, le pays va s’enflammer, il y aura une insurrection et le président et le régime en place va devoir tomber, il y aura une assise nationale, il y aura une réconciliation, il y aura tout ce qu’on veut à leurs fins politiques. Ils ont planifié, recruté des gens, mandaté des jeunes, des badauds pour brûler le pays et surtout pour des assassinats aveugles.

Vous avez des preuves, Monsieur le président ?

S’ils ont été interpellés, il y a des preuves.

Vous avez tout à l’heure, au détour d’une phrase, dit quelque chose que votre ministre de la justice avait aussi affirmé à la suite de déclaration de ce juge que, il y avait de l’argent qui venait de pays voisins ; vous l’avez déclaré à propos de Reckya  Madougou. On va appeler un chat, un chat : elle est connue comme Conseillère du Président du Togo ; est-ce que vous voulez dire par-là, que son action, violence telle que vous l’avez décrivez a été financée par des Chefs d’Etats voisins et par exemple, par le Chef d’Etat du Togo ?

Vous vous convenez bien avec moi, qu’il ne serait pas bien que je cite des noms. Mais vous avez parlé de chefs d’Etats tout à l’heure, cela suffit : des hommes d’affaires, des autorités, des Chefs d’Etats de pays voisins et je sais de quoi je parle, mais il n’est pas de mon rôle de les citer.

Vous dites que des chefs d’Etat de pays voisins ont participé à des opérations de déstabilisation du Bénin.

Ça, c’est vous qui le dites. Moi, je n’ai pas dit ça ! Est-ce que quand des autorités étrangères, même des chefs d’Etat appuient un candidat, financent même un candidat, est-ce que leur implication va jusqu’aux actes criminels que ceux-ci pourraient commettre ? C’est deux choses différentes !

Elle était financée par des Chefs d’Etat…

Si vous soutenez un candidat politique, qui pour vous peut-être faire l’affaire, une affaire quelque part, et que cette personne dérape et va commettre des crimes, toujours au titre de sa candidature, qui est-ce qui est responsable ? Moi je n’ai pas de preuve que ceux qui ont soutenu Reckya Madougou l’ont mandaté à ce point ?

Qui l’a soutenu ?

Est-ce que c’est de mon rôle, de ma fonction, de vous donner des noms ?

Mais des Chefs d’Etat, on est bien d’accord !

Je l’ai dit, il n’est pas nécessaire de le répéter. Vous comprenez ce que vous voulez bien. Mais ce n’est pas un secret.

Vous dénoncez Monsieur le président, les violences qui ont éclaté dans votre pays entre le 6 et le 9 avril, notamment dans le Centre-nord du pays, le fait est que de nombreux Béninois ont eu l’impression de ne pas pouvoir s’exprimer dans les urnes, fautes de candidats importants représentant l’opposition ; ce qui fait qu’ils sont descendus dans la rue pour manifester et pour protester. Vous avez regretté vivement qu’il eut des blessés parmi les forces de l’ordre, mais vous n’avez pas du tout parlé des morts dans la population civile. Est-ce que vous pouvez nous dire aujourd’hui, combien de personnes sont décédées ?

Laquelle population, civile ? De quoi vous parlez ? Parmi ceux qui ont tiré sur les policiers ?

Parmi les populations civiles il y a eu des morts à Savè comme  à Tchaorou.

Comme vous êtes des journalistes et France Inter est représentée au Bénin par des reporters, avez-vous vu des familles qui ont présenté la dépouille mortelle des personnes que vous citez ? Donnez  leur identité et consort.

Moi en tant que autorité en charge de la sécurité et de tout ce qui relève de notre bien-être ensemble, nous avons cherché à savoir qui serait éventuellement victime des coups de feu de défense des Forces de l’ordre. C’est important de le savoir même pour les enquêtes, c’est nécessaire. On n’a pas vu, on n’a même pas vu de déclaration de décès.

Monsieur le président, je reviens aux réactions à votre réélection, notamment une réaction que tout le monde a remarqué, celle du Gouvernement américain, le Département d’Etat américain a publié un communiqué en date du 23 avril, de sources précises : «…il affirme que les Etats-Unis, note avec inquiétude, les nombreuses arrestations de dirigeants politiques de l’opposition. Il rappelle l’importance de la présomption d’innocence d’une justice transparente et apolitique… et ils ajoutent qu’ils suivent de près les actions du Gouvernement du Bénin ». Vous semblez donc être dans le viseur de l’administration Biden.

Pas du tout !

Toutes les fois donc qu’il y a les gens qui portent la casquette politique, qui sont interpellés, ça soulève des inquiétudes légitimes, des interrogations, surtout quand c’est deux, trois, quatre ou cinq personnes, c’est étonnant, c’est inquiétant !

On a l’impression que c’est une dérive autoritaire disent les Etats-Unis.

Ils n’ont jamais dit ça.

Mais c’est l’impression que ça donne.

Ils disent qu’ils suivent de près et tout le monde est préoccupé y compris eux et moi-même par une issue transparente qui ne soit à la solde d’une manifestation politique et c’est légitime,  et c’est normal !

Vous aussi, n’importe qui, que ce soit les Japonais, les Chinois ou les Européens, tout le monde dit toujours : « Attention, il ne faut pas qu’on utilise la justice pour régler des comptes politiques ». Et cette interrogation, cette préoccupation, elle est légitime. Maintenant, à la suite qu’on verra si ceux qui ont été interpellés, ceux qui vont être condamnés le sont, parce que, effectivement, il y a eu des preuves ou non, il y a en a qui sont peut-être libérés.

Vous avez dit lors que de votre victoire, je m’emploierai à améliorer la façon donc de diriger. Est-ce que vous êtes ouvert au dialogue avec l’opposition comme celle-ci vous y invite, est-ce que vous envisagez à un geste d’apaisement à l’égard de ces figures de l’opposition.

Je n’envisage point ! L’impunité, je n’envisage pas à nouveau, de fermer les yeux sur ce qui s’est passé, de gracier ou d’amnistier parce que ça devient récurent ! Donc, il n’est pas envisageable qu’une fois encore que les gens soient graciés de quelque chose qui devient récurent. On a arrêté des gens qui ont été auteurs des actes en 2019, qui ont récidivé. Vous voulez qu’on les gracie à nouveau ? Ce serait une faute !

Monsieur le président, l’article 42 de la Constitution stipule que : « Nul ne peut exercer plus de deux mandats…

C’est à mon initiative.

A votre initiative, les réformes qui ont été adoptées en 2019. Vous contrôlez le Parlement et certains vous soupçonnent de vouloir changer cette Constitution pour pouvoir comme un certain nombre de Chef d’Etat de la région ou un petit peu plus loin, l’ont déjà fait. En disant finalement que : « La Constitution, c’est un bout de papier, le peuple me réclame, donc je reste ». Est-ce que vous pouvez nous dire Oui ? Est-ce que  vous allez changer cet article ?

Est-ce que le Bénin ne fait pas la différence depuis un moment ? Quand vous observez le Bénin, vous ne voyez pas que ça se passe autrement ? Est-ce que cette phrase-là, quelqu’un l’a jamais mis dans une Constitution ? Quand vous ne reconnaissez pas déjà l’importance d’une telle phrase qui règle déjà le problème des constitutions  nouvelles : compteur à zéro, troisième, quatrième, cinquième mandat.

Ce sera ainsi, personne ne changera en tout cas, pas moi, ni à mon initiative. Et je ne pense pas que les Béninois le changeraient. Les Béninois tiennent beaucoup à la limitation des mandats. C’est pourquoi nous avons fait ça pour éviter toute tentation de nouvelle constitution devant entrainer une remise à zéro des compteurs. Parce que ne pas le faire, ça nous a empêché de faire même des retouches techniques à la Constitution par peur que ça ne soit évoqué par quelqu’un pour s’éterniser au pouvoir.

Donc, c’est le dernier mandat ?

Bien sûr !

Promis juré ?

Tout à fait !

En 2026, Patrice Talon ne sera pas candidat.

Monsieur Boisbouvier, Dieu nous prête vie et bonne santé pour que nous puissions ensemble constater cela. (Rires)

Merci, Monsieur le président de nous avoir accordé cet entretien…

Merci à vous aussi.


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