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Djidja / Séance de Plaidoyer sur la problématique de l’accès des femmes aux terres agricoles : Sa majesté, Aho Glèlè veut mettre fin à la pratique discriminatoire ancestrale


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Ph: DR-: Sa majesté, Ayissoudé Doba Aho Glèlè, roi de Oungbègamey, commune de Djidjaj

«J’étais la petite épouse de mon mari, je pourvoyais à tous ses besoins, je l’aidais dans sa plantation d’ignames et il m’a offert une terre ; je cultivais du maïs, du haricot et du soja. Mais depuis son décès, sa famille m’a arraché la terre qu’il m’a offerte alors que mes sept (7) enfants sont encore jeunes. N’ayant plus de terre à cultiver, je me consacre aujourd’hui à la fabrication de la poterie pour subvenir à nos besoins. Pourquoi la femme ne représente plus rien lorsqu’elle perd son époux?» Ce témoignage poignant de la veuve Pierrette Massénon intervient après la projection du téléfilm. Très touché, sa majesté, Ayissoudé Doba Aho Glèlè, chef canton de Oungbègamey décide de finir avec ces pratiques ancestrales dans sa localité.

C’est la deuxième étape d’une tournée de sensibilisation et de plaidoyer sur l’accès des femmes aux terres agricoles dans les palais royaux du Zou, effectuée par la Konrad Adenauer Stiftung (KAS) en partenariat avec le Centre Afrika Obota (CAO), ce mardi 10 novembre 2020.

Nous sommes dans la commune de Djidja, précisément dans le palais du roi Ayissoudé Doba Aho Glèlè de Oungbègamey. L’activité dominante dans  cette commune est l’agriculture, ce qui lui valut l’appellation  « Grenier du Zou » ; puisque, on y cultive  toutes sortes de céréales (maïs, soja, plusieurs variétés du haricot), de tubercules (igname, manioc, patates, tarots), des fruits (oranges, mangues, bananes, etc) et des produits de rente (acajou et coton).

Dans cette chaîne d’activités, les femmes sont en amont et en aval de toutes les productions agricoles : il y a celles cultivent les champs, celles qui transforment les produits agricoles et celles qui sont dans la commercialisation des produits agricoles bruts ou transformés. L’agriculture est donc la première source de revenus dans cette localité. Si donc, la femme a un accès sécurisé à la terre et l’utilise au profit de son activité génératrice de revenus, elle aura une autonomie financière pour investir beaucoup plus pour son ménage (l’éducation de ses enfants, la santé, etc) afin de contribuer au développement de sa localité.

M. Didier Zinsou, Secrétaire permanent de la CAO et M. Mounirou Tchacondoh, Coordonnateur national de la KAS à l’ouverture de la séance.

Ce sont-là, les aspects qui préoccupent la KAS dans son combat pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle et la pauvreté. Sa nouvelle stratégie de communication qui consiste à associer les têtes couronnées à ce combat est bien payante : «Effectivement le travail que nous faisons depuis bientôt cinq ans, l’année dernière, nous avons choisi de changer de stratégie : aller directement voir les rois, les dignitaires coutumiers, les chefs religieux qui ont une influence importante sur l’accès des femmes aux facteurs de production dont la terre. Cette stratégie est payante : nous l’avons constaté, depuis hier, à travers le contenu des débats et par rapport à la participation des femmes, elles-mêmes qui entre-temps avaient peur d’aborder ces sujets. Aujourd’hui, elles sont libérées de la peur et osent poser les problèmes qu’elles vivent quotidiennement en rapport avec la terre. Je crois qu’ensemble, des apports et des solutions sont avancés pour les aider » apprécie Mounirou Tchacondoh, le Coordonnateur national de la KAS.

Les femmes dignitaires représentantes des veuves et des groupements de femmes de Djidja

De même, la problématique  de l’accès des femmes aux terres agricoles et aux facteurs de production semble évoluer positivement, de sorte que tous ceux qui s’investissent dans ce combat, peuvent se réjouir du niveau de l’état d’esprit des chefs coutumiers qui au départ, étaient réticents au message. «Aujourd’hui, il n’y a plus d’obstruction : la parole est libérée, chacun parle de ça et les appréhensions que nous avions par rapport à ces chefs coutumiers laissent place au dialogue. Nous constatons qu’ils sont disposés à faire des concessions. Nous le remarquons à travers l’engagement du roi de Djidja, Aho Glèlè pour prendre ce problème à bras-le-corps et de le régler dans son palais. C’est un sentiment de satisfaction que j’exprime ici à la fin de cette séance de plaidoyer sur la problématique de l’accès des femmes à la terre » indique M. Tchacondoh.

L’animatrice de la CAO renchérit : «Je suis très satisfaite parce que, à voir notre passage de l’année dernière et notre passage de cette année, je vois qu’il y a beaucoup d’amélioration. Hier, j’ai constaté ça au palais du roi Dègan de Za-kpota à Tindji Likpin et aussi ici à Oungbègamey dans le palais du roi Aho Glèlè. Notre message est en train de porter ses fruits ; c’est la preuve que nous ne prêchons pas dans le désert. Les gens acceptent, respectent l’information que nous leur apportons  et les prennent au sérieux ; » a déclaré Mme Ella Christine Alotchékpa, juriste.

La législation  garantit ainsi un accès non discriminatoire à la propriété foncière pour les femmes à travers les différentes modes d’accès à la terre ; même si persistent encore quelques poches de résistances. « Lorsque nous avons la bénédiction de ces rois, tous les problèmes seront réglés. Maintenant, il reste à la femme elle-même de savoir où aller, sur quelle porte, il faut frapper pour avoir gain de cause. Et là, nous sommes heureux de constater que partout où nous passons, les chefs se sont portés garants pour régler ces problèmes-là » a noté le représentant de la KAS.

Dah Yèdonou Glèlè d’Abomey

L’engagement des têtes couronnées

«La problématique de l’accès des femmes aux terres agricoles est très importante et nous, rois, chefs coutumiers et leaders religieux devront comprendre que le monde évolue et quelle position adoptée  pour être en phase avec cette évolution. Je salue les activités de sensibilisation  de la Konrad Adenauer en partenariat avec le Centre Afrika Obota dans le département du Zou. C’est un travail d’éveil de conscience » a salué sa majesté, Dah Yèdonou Glèlè d’Abomey.

Relayer le message sur le foncier à toute la communauté pour qu’elle soit au même niveau d’information ; comprendre et implémenter la nouvelle donne dans les pratiques quotidiennes, c’est le mot d’ordre de Dah Yèdonou qui rappelle: « Retenez tout simplement que, quel que soit notre rang social, nous sommes tous tenus au respect des textes de lois».

« Le palais royal est ouvert à tout le monde surtout aux femmes  » dixit sa majesté.

Un mot d’ordre repris par sa majesté, Ayissoudé Doba Aho Glèlè, roi de Oungbègamey à ses dignitaires, chefs traditionnels et religieux, représentants de la communauté.  «La sensibilisation qui est faite, ne la gardez pas pour vous, vulgarisez cela. La femme a les mêmes droits que l’homme. Et quand on distribue des terres aux femmes, c’est bien entretenu que chez les hommes. La femme, c’est le pilier de la maison et comme le disait l’autre, c’est le ministre de l’intérieur, de la santé, de l’éducation, de l’environnement, etc, car c’est elle qui veille sur tout. La femme est l’essence de la vie, le sel qui nous alimente ; on ne peut l’exclure d’une activité et la réussir».

Têtes couronnées, dignitaires, chefs traditionnels et religieux invités à relayer l’information à la communauté.

A sa population masculine : « Pensez toujours aux femmes quand il s’agit des legs de terres car après tout, ce sont elles qui sauvegardent le patrimoine culturel » souligne le roi avant de préciser : «Les hommes vendent les terres héritées de leurs parents défunts ; tandis que la femme qui hérite une terre, contribue aux charges du ménage. Raison pour laquelle nous avons décidé que les femmes bénéficient de leur droit d’héritage ; car la finalité des activités agricoles que mènent les femmes contribuent au bien-être de leurs enfants et de leurs époux. Certes, les hommes aussi prennent soins de leurs enfants mais investissent beaucoup plus pour plusieurs épouses ».

Ph: DR- Un écho favorable au cri de cœur  de la veuve Pierrette Massénon

A l’endroit des femmes victimes de la discrimination sociale, le roi déclare que cette pratique n’est pas très courante à Djidja et que des dispositions sont prises depuis la visite de la KAS en 2019, pour faciliter les droits d’accès des femmes à la terre. « La veuve qui se voit arracher tout le bien patrimoine de son mari défunt, peut venir au palais. Nous allons faire appel à la famille de son défunt époux et de commun accord, on va lui trouver la terre nécessaire pour garder les enfants. Quand j’ai entendu cette plainte, ça m’a un peu courroucé ; si ces veuves étaient allées me voir, de pareilles choses ne se passeraient pas. Je pense que c’est la dernière fois que ça va se passer ici. On est ouvert à tout le monde surtout aux femmes » a martelé le roi Aho Glèlè.

Pour conclure la séance, le roi a invité la communauté à enregistrer les terres et à les sécuriser sans tenir compte des coûts de formalisation décriés par certains. « On ne peut faire l’omelette sans casser des œufs » déclare-t-il.


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