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UEMOA / CORAF / Valorisation des tiges de cotonnier pour la fabrication des panneaux à particules (VATICOPP): L’autre manne financière issue de l’or blanc


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Ph: DR-: Des tiges de cotonnier, une manne financière issue de l’or blanc

Implanté à Parakou (au nord du Bénin), Emile Adimou, était tout fier d’exposer ses nouveaux articles issus de son atelier. Il est l’un des premiers artisans menuisiers locaux à utiliser de nouveaux matériaux pour la fabrication de meubles à partir des tiges de cotonnier grâce au Projet VATICOPP du Coraf/Uemoa. «Actuellement, nous avons déjà réalisé des tabourets, des guéridons, des tables de nuits, des portes et nous avons en projet de réaliser des armoires, des bureaux » explique-t-il. Autrefois, brûlées après la récolte du coton, les tiges de cotonniers étaient considérées comme des résidus bons à rien ; mais, cette réalité est en train de changer au Bénin et dans les pays producteurs du coton dans l’espace Uemoa. Une technique innovante crée ainsi la valeur ajoutée à la filière coton et intègre la menuiserie. Sa mise à échelle pourrait contribuer à la réduction de la pauvreté et de la déforestation.

 Le plus souvent brûlées après la récolte, les tiges du cotonnier sont considérées comme des résidus bons à rien. Seule une petite partie est utilisée pour la fertilisation organique, l’alimentation du bétail et comme bois de chauffage pour les ménages ruraux. Aujourd’hui, les pays d’Afrique de l’Ouest qui ont la filière coton comme une culture de rente, trouvent « une technologie très utile destinée à créer de la valeur ajoutée et à transformer près de 1,6 million de tonnes de tiges de cotonnier produites après la récolte ; notamment au Bénin, au Mali et au Togo. Cette nouvelle technique de valorisation des tiges de cotonnier a été testée concluante par des experts de l’Union économique et monétaire ouest-africaine».

Initié et soutenu financièrement par l’Uemoa, dans le cadre de sa politique agricole de l’Union (PAU), le projet Valorisation des tiges de cotonnier pour la fabrication des panneaux à particules (VATICOPP) est mise en œuvre par le Centre Africain pour la Recherche et le Développement Agricoles (CORAF), « dont l’expérience dans ce domaine est d’une très grande notoriété ». Au Bénin, VATICOPP est géré par l’Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB).

Ph: DR-: Un panneau de particules à base de tiges de cotonnier

Des lendemains meilleurs pour la filière cotonnière au Bénin

Les panneaux de particules fabriqués avec des tiges de cotonnier sont en effet, un substitut fiable du contreplaqué. Ils utilisés comme des carreaux de sol, de faux plafonds, des articles de meubles, des panneaux muraux, etc. Ils s’intègrent bien dans les bâtiments scolaires, les hôtels, les maisons commerciales et résidentielles. Selon les experts de l’Uemoa, leur transformation est bénéfique pour l’environnement en ce sens qu’ils réduisent la pollution résultant de l’incinération des tiges et limitent la pression exercée sur la forêt pour la fabrication de meubles.

« Les tiges de cotonnier qui constituent une biomasse importante et disponible après la récolte du coton graine, sont faiblement valorisées et la majeure partie est brûlée lors des travaux champêtres ou encore utilisée comme énergie dans la préparation des repas.  Au Mali par exemple, l’étude de référence du projet a montré que 49% des tiges produites sont brulées » affirme Dr Amadou Ali Yattara, Coordonnateur national du Projet.

Pour les acteurs du projet, le développement de la chaîne de valeur de panneaux de particules à base de tiges de cotonnier est une solution pour améliorer les performances économiques, techniques et environnementales des systèmes de culture à base de cotonnier en Afrique de l’Ouest.  Leur valorisation permet donc de générer des revenus supplémentaires pour les producteurs et de lutter contre la pauvreté. « C’était un grand souci pour les producteurs de ne pas savoir quoi faire des tiges du cotonnier » rappelle M. Tamou Gani Badou, Président de la Fédération nationale des producteurs du coton du Bénin.

Success Storie : Faire de la valorisation des tiges de cotonnier un business rentable

Divers acteurs sont prêts à accompagner la mise à l’échelle, dont le Secrétaire Permanent de l’Association Interprofessionnelle du Coton (AIC) du Bénin, Dr Alexis Hougni : «L’AIC a un double rôle à jouer à savoir, travailler en direction des cotonculteurs pour leur montrer l’opportunité qu’ils ont désormais de transformer leurs tiges du cotonnier et également à montrer aux égreneurs et aux industriels du secteur qu’en dehors de la transformation des fibres, du textile, de la trituration des graines, qu’ils peuvent également travailler dans le secteur de la transformation des tiges pour la fabrication des panneaux de particules.

Trois unités de fabrication de panneaux de particules à base de tiges de cotonnier sont acquises en Inde selon les responsables du projet. «Ces unités seront utilisées pour transformer une partie des tiges de cotonnier en panneaux de particules, offrant ainsi, une source de revenus supplémentaire pour les petits producteurs de la région». « Nous espérons installer, tester et communiquer les avantages de ces unités de transformation à la population du Mali, car elles ont un potentiel immense pour réduire les disparités de revenus », a déclaré le Dr Yattara, un expert du coton au Mali.

Des experts du Bénin, du Mali et du Togo, formés lors de l’installation de l’unité de Parakou, devraient dupliquer l’installation des unités de production similaires dans leurs pays respectifs. L’objectif à long terme est d’améliorer les moyens de subsistance des populations rurales, en augmentant leurs revenus, en créant des emplois et en stimulant une croissance économique durable de la filière coton.

Les centres d’expérimentation de l’unité pilote dans les trois pays ont pu produire différents types de panneaux de 9 mm, de 12 mm et 18 mm de dimension qui ont permis de réaliser des meubles. La technologie de fabrication de panneaux de particules est développée avec 09 combinaisons utilisant soit 100% de tiges de cotonnier, soit 100% de sciure de bois et soit 50% tiges de cotonnier et 50% de sciure de bois.  «À partir des tiges de cotonnier, on peut tout faire : des portes, des chaises, des meubles. Tout ce que nous utilisons dans nos maisons peut être réalisé à partir des panneaux de particules issus des tiges du cotonnier. Donc on peut donner une autre valeur aux tiges de cotonnier » se réjouit Dr Bassarou.

Ph: DR-: M. Emile Adimou, Président des plateformes d’innovation du Bénin

« Je pense que c’est une bonne initiative qui contribuera non seulement à réduire la pauvreté et à augmenter les revenus des populations concernées, mais qui pourra également à s’étendre à tout le Bénin», a expliqué M. Emile ADIMOU, Président des plateformes d’innovation du Bénin. « Il y a sans aucun doute des avantages pour les femmes et les jeunes, mais je crains que certaines machines ne se retrouvent dans des entrepôts ou abandonnées à la rouille » a ajouté M. ADIMOU avant de plaider pour un bon usage de ces équipements.

« On peut encore gagner davantage en vendant des tiges de cotonnier. Il y a donc un revenu supplémentaire qui est tiré de l’activité de production du coton. Les cotonculteurs pourront à la fois maintenant vendre le coton graine et également la tige. En cas de faible rendement, les tiges du cotonnier sont généralement plus grosses et par conséquent ont une valeur marchande plus intéressante pour le producteur» souligne M. Ayeva, Coordonnateur du projet VATICOPP au Togo et Chef du programme Coton de l’Institut Togolais de Recherche Agronomique.

Ces témoignages confirment les possibilités de revenus qu’offre la filière coton et « les options de réduction de la pauvreté sont également énormes pour près de 10 millions de producteurs des communautés rurales impliquées dans cette culture au Mali, en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Togo » indique le rapport du Coraf .

 Certaines communautés ayant des revenus relativement faibles, apprécient certes, la technique de valorisation des tiges de cotonnier, mais affichent aussi une frilosité quant à l’acquisition et l’utilisation de ces machines compte-tenu des difficultés substantielles qu’elles peuvent poser. Selon elles, sans la participation d’entreprises privées ayant de meilleures capacités d’investissement, l’adoption massive de ces unités peut s’avérer difficile. A cette préoccupation, Dr Yattara du Mali estime que les entreprises cotonnières pourront investir aussi dans l’installation des unités de transformation pour augmenter les revenus des producteurs du coton.

Quant à la diffusion massive de cette technologie pour renforcer l’impact de cette innovation, des actions sont déjà engagées à cet effet, en témoigne Dr Emmanuel Sèkloka, Coordonnateur régional du projet VATICOPP et Directeur du Centre de Recherche Agricole Coton-Fibre de l’INRAB : « La prochaine étape est d’œuvrer pour que les porteurs potentiels de cette technologie puissent être touchés. Des journées portes ouvertes ont été organisées pour faire connaitre cette technologie à tous les acteurs. Nous lançons un appel maintenant à tous les bailleurs de fonds qui peuvent nous permettre de passer à l’échelle cette technologie dont la faisabilité technique et la rentabilité économique ont été démontrée ».

Ph: DR-: Des tables, tabourets et portes fabriqués avec les panneaux de particules.

VATICOPP, c’est 2788 bénéficiaires directs dont 17% de femmes

En effet, VATICOPP est l’un des trois projets de l’Union mise en œuvre par CORAF ayant pour objectif d’améliorer les performances et la compétitivité de la filière coton.  Durant les cinq années de mise en œuvre (2014 à 2019) où une convention avec été signé entre l’Uemoa et Coraf en collaboration avec l’ensemble des Systèmes nationaux de Recherches agricoles (SNRA) des Etats membres de l’Union, le projet a généré 2788 bénéficiaires directs dont 17% de femmes avec trois les (03) unités de fabrications fonctionnelles dans les trois pays et 2332 producteurs de coton sont impactés (équipements, artisans, et chercheurs) dont 19% de femmes formés sur des thématiques spécifiques à l’utilisation de la technologie de fabrication des panneaux de particules à base de tiges de cotonnier.

En termes de défis, il convient de faire participer le secteur privé et notamment les sociétés cotonnières pour l’adoption de cette technologie de valorisation des tiges de cotonniers ; inciter les équipementiers africains dans la fabrication locale de la machine de transformation et enfin, impliquer les artisans et menuisiers africains dans l’utilisation des panneaux de particules dans la fabrication de toutes sortes de meubles.

Au total, 08 des 12 principaux pays africains producteurs de coton se trouvent en Afrique de l’Ouest, qui actuellement est le troisième exportateur mondial de coton, représentant un pourcentage considérable du commerce international de cette matière. Avec la transformation des tiges de cotonnier, c’est la création de la richesse et de l’emploi qui trouvent un écho favorable dans cette filière.

 

Aline ASSANKPON

 


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