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Econmie : Obiageli Ezekwesili : «Oui, la Chine doit dédommager l’Afrique !»


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Ph: DR-: Obiageli Ezekwesili, ancienne vice-présidente de la division Afrique à la Banque mondiale

Pékin devrait faire ce qu’il faut et accepter la dette due à l’Afrique, après ses échecs face à l’épidémie de la Covid-19. Il est aussi de son intérêt d’adopter une attitude plus transparente, en tant que grande puissance économique. Dans sa réaction acide à mon article « La Chine doit payer des réparations à l’Afrique pour ses échecs du coronavirus », le gouvernement chinois, par le biais de son ambassade au Nigeria, a raté l’occasion d’aborder de manière responsable les graves problèmes soulevés.

Je dois répéter, après cet article paru dans le Washington Post, le 16 avril : oui, l’Afrique mérite d’être indemnisée pour les dommages que la pandémie de la Covid-19 inflige à des vies et à des moyens de subsistance.

Malheureusement et injustement, mon pays, le Nigeria, est l’un des 54 pays africains qui luttent pour répondre aux effets néfastes engendrés par de l’échec de la Chine. Celle-ci doit assumer la responsabilité d’une pandémie qui aurait pu être facilement contenue et localisée pour éviter la ruine qu’elle a causée à notre continent et au monde.

Pékin n’a pas brillé par sa transparence en matière scientifique et de recherche de base, dans les premiers jours critiques de l’épidémie à Wuhan ; la Chine doit accepter ses responsabilités avec humilité.

Une demande légitime de responsabilité et de paiement de sanctions par des pays riches et puissants pour les dommages que leurs comportements font aux personnes vulnérables ne devrait pas attirer le genre de réponse aigre que la Chine a publiée.

Le monde doit connaître la vérité

Je distinguerai six points que les autorités de Pékin devraient humblement considérer. Premièrement, il est maintenant clair pour le monde que la gestion opaque de la Chine par la pandémie coûte trop cher à notre continent et à la population, en vies perdues et en moyens de subsistance.

Les souffrances injustifiées aux pauvres et aux vulnérables provoquées par les actions d’un pays relativement riche et puissant exigent un nouveau système pour lutter contre les inégalités mondiales. Je maintiens que les informations diffusées dans le public témoignent que la Chine a supprimé des éléments vitaux pour le reste du monde sur la Covid-19. La charge de convaincre sur la véracité des informations incombe à la Chine et, jusqu’à présent, elle ne l’a pas assumée.

Deuxièmement, j’affirme une fois de plus que la Chine doit à l’Afrique une compensation, encore à estimer. Ses actes de négligence en décembre et début janvier ont provoqué une pandémie mondiale à propagation rapide, qui a fait chuter la croissance économique du continent de 2,9% en 2019 à -5,1% en 2020.

Plus important encore, la Chine devrait, dans l’intervalle, prendre ses responsabilités et assouplir la pression financière sévère sur nos pays. Elle devrait décider une annulation de plus de 140 milliards de dollars de prêts que son gouvernement, ses contractants et ses banques ont avancés à l’Afrique au cours des deux dernières décennies.

À la suite de cette annulation de la dette, un consortium composé du G20, de la Chine, de la Commission de l’Union africaine et d’institutions mondiales telles que les Nations unies, la Banque mondiale et le FMI, devrait être constitué. Il serait chargé d’évaluer l’étendue des dommages et la compensation due.

Troisièmement, les autorités chinoises doivent savoir que nous autres, Africains, ne manquons pas de pouvoir. Porter une accusation sans fondement de « danser au rythme des autres » à un Africain révèle un état d’esprit épouvantable envers notre continent. Est-ce ce même esprit qui motive l’attitude extrêmement offensante envers les Africains qui résident en Chine ?

Nous ne dansons sur le rythme d’un pays ou d’un continent, notre seule mélodie est le rythme africain !

Quatrièmement, l’esprit de transparence est dans l’intérêt de la Chine. Il est curieux que Pékin n’ait, jusqu’à présent, pas accepté ma suggestion de permettre à un groupe international d’experts indépendant d’évaluer la manière dont elle a géré l’épidémie de la Covid-19. Pourquoi ? La Chine a-t-elle peur d’une information complète, qui puisse aider le monde à tirer des leçons essentielles sur la meilleure façon de gérer les menaces et les risques mondiaux ?

Pour de nouveau mécanismes mondiaux

Cinquièmement, cette nouvelle norme mondiale nécessite une prévention plus rapide des risques et menaces transfrontaliers. Les meilleurs antidotes pour minimiser les externalités négatives, qui nuisent aux faibles et aux vulnérables, sont la transparence absolue et la fin des asymétries d’information par les pays.

Dans le cadre de cette nouvelle normalité, la communauté mondiale a le devoir d’apprendre et de corriger les échecs passés pour sanctionner les mauvais comportements. Mon article « La Chine doit payer » est donc un appel à créer des mécanismes mondiaux qui engagent les pays, dès maintenant, à adopter les bonnes pratiques chaque fois que des risques et des menaces émergent.

La Chine est passée à une autre stature économique. Qu’y a-t-il alors de mal à demander une partie légitime de cette nouvelle norme mondiale ?

Sixièmement, il devrait être dans l’intérêt national, historique et consciencieux, de la Chine, d’empêcher l’exploitation future des pays vulnérables par les superpuissances économiques. J’ai dénoncé les risques mondiaux antérieurs qui émanaient également d’autres pays riches et puissants et qui ont nui à la croissance et au développement de l’Afrique. J’ai du mal à croire que la Chine, compte tenu de son histoire et de son expérience des mauvais traitements coloniaux, souhaite que ce modèle se poursuive. Les autorités de Pékin veulent-elles vraiment que les Africains acceptent sans rien dire les actions néfastes des pays riches et puissants ?

Dans son rapport d’avril 2020 sur la pandémie de coronavirus, la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique a déclaré que « plus de 300 000 Africains pourraient perdre la vie à cause de la Covid-19 ». Selon la Commission de l’Union africaine, le coronavirus effondre déjà de nombreuses économies en Afrique et aggrave la pauvreté. Déjà, les moyens de subsistance de centaines de millions de personnes sur le continent, en particulier les enfants, les jeunes et les femmes, sont perdus à cause des pertes économiques causées par la maladie.

Les devoirs d’une nation responsable

Les Perspectives économiques régionales du FMI, publiées en avril 2020, qualifient l’impact de la pandémie sur l’Afrique de « pire lecture jamais enregistrée ». La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, est allée plus loin, déclarant le 17 avril que « la marge fiscale de l’Afrique est limitée et le financement budgétaire nécessaire pour faire face à la crise est important ». Elle serait d’au moins 114 milliards de dollars pour cette année. Les agences de notation financière ont considérablement abaissé les notes de crédit des pays africains, ce qui rend les investisseurs plus nerveux.

J’ai proposé un système de sanctions, sous la forme d’une taxe mondiale sur la charge du risque. Elle serait désormais payable aux pays les plus faibles et les plus vulnérables et à leur population chaque fois qu’ils seront obligés de supporter une charge disproportionnée de risques mondiaux évitables, émanant de pays riches et puissants. Une telle taxe aurait un effet dissuasif pour empêcher le genre d’actions et de décisions inappropriées qui ont intensifié la propagation du virus mortel hors de Wuhan.

La Chine doit savoir qu’en ce qui concerne nos vies et nos moyens de subsistance, aucun pays, quelle que soit sa puissance, ne peut plus nous intimider, nous Africains.

Pékin devrait faire ce qu’il faut maintenant et accepter la dette qu’il doit à l’Afrique à la suite de ses échecs sur la Covid-19. C’est ainsi que les puissances mondiales responsables devraient se comporter au XXIe siècle si elles veulent être prises au sérieux.

Par Obiageli Ezekwesili,

https://magazinedelafrique.com/african-business/analyse-african-business/covid-19-oui-la-chine-doit-dedommager-lafrique/?mc_cid=fffdad89e1&mc_eid=1581a7b77e


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