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Projet EWOH2, « Un seul monde sans faim » de la Konrad Adenauer Stiftung au Bénin / Interview du Coordonnateur national, Monsieur Mounirou Tchacondoh : « Avoir un Bénin sans faim, c’est une bonne chose pour nous… »


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PH/dr-: M. le Coordonnateur national, Monsieur Mounirou Tchacondoh

PH/dr-: M. le Coordonnateur national, Monsieur Mounirou Tchacondoh

« Un seul monde sans faim », c’est un projet du ministère fédéral allemand qui a pour ambition de résoudre l’équation de la sécurité alimentaire et nutritionnelle voire de la pauvreté à travers l’octroi des droits d’accès des femmes à la terre en milieu rural. Piloté dans trois pays de la région Ouest-africaine (Bénin, Burkina Faso et Togo), le Coordonnateur du Projet EWOH2, M. Mounirou Tchacondoh, sillonne depuis 2016 les communes des départements du Zou, de l’Atlantique et du Littoral pour sensibiliser, discuter avec les acteurs du secteur agricole afin de trouver la solution la mieux adaptée à la question foncière au Bénin. De Djidja, commune surnommée « Grenier du Zou  » à Ouinhi, en passant par Zangnanado et Covè, du 11 au 14 septembre 2018, une activité de briefing avec les élus locaux sur la sécurisation foncière et l’accès des femmes à la terre au Bénin en collaboration avec la Synergie paysanne était au menu. En réponse à nos questions, il revient ici sur les objectifs de son projet.

(Aline ASSANKPON)

L’Autre Quotidien : Monsieur le Coordonnateur, que sous-entend le projet Ewoh2 et quels sont ces objectifs au niveau national et sous régional ?

M. Mounirou Tchacondoh : Le projet « Un seul monde sans faim » entendez EWOH2 en allemand, est un projet du ministère fédéral allemand, de la coopération et du développement économique qui veut faire en sorte que les femmes puissent avoir un accès aux terres mais également aux ressources. Ce programme vise en effet des acteurs identifiés (les parlementaires qui prennent des lois, les décideurs à divers niveaux)  pour  faire en sorte des initiatives allant dans la prise en compte des intérêts des femmes soient intégrées dans leur décision. Au niveau local, nous avons identifié les élus locaux pour que les besoins et les intérêts des femmes soient pris en compte dans la définition du régime foncier.

En milieu rural, le régime foncier est basé sur la succession. A ce niveau, se posent d’énormes problèmes. Il s’agit alors de faire en sorte que le statut de la femme change au niveau de la société ; qu’elle puisse être considérée et placée dans son contexte économique pour faire émerger les communes.

Certainement, ce qui justifie l’activité de briefing des Elus locaux sur la sécurisation foncière et l’accès des femmes à la terre au Bénin ?

La Fondation Konrad Adenauer a pensé qu’au Bénin, ce sont les élus locaux qui ont la charge de l’opérationnalisation de la loi foncière. Et donc, le processus de délivrance des actes relatifs à la sécurisation foncière incombe aux élus locaux (chefs de village et Maires). Nous avons jugé qu’il est utile de faire un briefing avec ces décideurs au niveau local pour discuter sur comment on pourrait faciliter l’accès des femmes à la terre tout en sécurisant les terres en milieu rural. L’objectif, c’est d’échanger et de voir ensemble ce qui peut être fait dans ce domaine-là précis, pour faciliter l’accès des femmes à la terre et attirer l’attention sur la sécurisation foncière qui ne doit pas être perçue comme une affaire qui concerne uniquement les hommes. Il y va de l’intérêt des communes en ce qui concerne la sécurité alimentaire. Donc, il faut donner les moyens nécessaires à la femme, et le seul existant en milieu rural est la ressource, terre qui lui permettra d’atteindre son autonomie afin de contribuer au développement de sa commune, voire du pays.

En quoi se résument vos attentes après le tour des quatre communes ciblées dans le Zou ?

Nous espérons que les élus locaux et les agents des mairies qui ont été briefés sur la thématique nous soutiennent pour que ce combat pour atteindre un monde sans faim qui est un rêve du ministère fédéral allemand puisse être une réalité au Bénin. Avoir un Bénin sans faim, c’est une bonne chose pour nous. Voilà pourquoi nous avons décidé de discuter avec eux pour qu’ensemble nous trouvions des solutions qui soient adaptables.

Nonobstant les pesanteurs socio-culturelles suspendues sur la tête des femmes de ces localités comme une épée de Damocles ; comment comptez-vous-y prendre pour que ce projet puisse passer facilement ?

Nous avons une démarche un peu particulière, c’est de créer des discussions. Pour résoudre un problème, il faut commencer d’abord par discuter avec les acteurs ; le rendre public.  C’est ce que nous avons commencé depuis 2016, nous avons rencontré un certain nombre d’acteurs, que ce soit, le politique, les décideurs au niveau national, les parlementaires, l’exécutif, les élus locaux et même les chefs traditionnels. Nous travaillons avec tout le monde pour qu’ils soient engagés dans cette vision d’un monde sans faim.

Nous pensons qu’avec cette démarche de plaidoyer, nous allons quand-même parvenir à avoir un consensus sur cette vision. Les pesanteurs qui existent, nous en sommes bien conscients, mais il faut travailler pour les faire disparaitre progressivement afin de permettre à la femme d’avoir accès à la terre.

Parlant de femmes, elles sont rares au niveau communal ; alors comment comptez-vous atteindre cette cible qui est plus concernées par la thématique?

Par nos précédentes activités, nous avons déjà organisé des sessions avec les femmes. Elles sont nombreuses, nous avons regroupé 200 femmes par commune et à Djidja, nous avons regroupé près de 100 femmes. Donc le problème ne se pose pas à ce niveau. Les femmes sont déjà informées, sensibilisées sur le contenu des lois (le Code foncier et domanial et le Code des personnes et de la famille). En dehors de ces sessions, nous avons des émissions préenregistrées qui passent sur les radios rurales et communautaires, toujours pour sensibiliser tous les acteurs.

Les femmes, elles-mêmes si elles ne connaissent pas leur droit, elles ne peuvent pas oser revendiquer, ni voir dans quelle possibilité elles  pourront profiter des lois pour avoir accès à la seule ressource disponible qu’est la terre.

Nous connaissons également le rôle que jouent les chefs traditionnels et les notables ; ils sont également associés à notre cause. A force de discuter avec eux, ils commencent par réaliser combien il est important – par rapport aux dispositions prises au niveau national – que les femmes aient de plus en plus accès à la terre, soit par la donation, l’héritage (succession), le bail, l’emprunt ou l’achat qui constituent les différents modes d’accès à la terre.

Certes, c’est la première fois que nous réunissons les élus locaux (chefs d’Arrondissement, Conseillers municipaux, chefs de village et agents des mairies) pour échanger et partager les points de vue sur la question. Ça ne sera pas la seule activité avec eux, nous allons revenir pour sensibiliser car le changement de mentalité prend souvent du temps, donc il faut aller progressivement et adopter des méthodes vraiment méticuleuses qui permettent de changer la donne.

M. le Coordonnateur, malgré les actions de sensibilisation, certains conservateurs, menacent les femmes qui oseraient revendiquer leur droit d’héritage ; ce qui émousse l’ardeur de ces dernières. Que dites-vous par rapport à cette situation ?

Nous sommes conscients que c’est dans une démarche de plaidoyer, d’échanges que nous allons résoudre ce problème de menace. C’est pourquoi, nous pensons – dans un futur proche- réunir les leaders au niveau des hommes qui ont une certaine capacité d’influence au niveau communautaire pour soutenir nos actions pour que tout le monde soit vraiment moulé dans cette vision. Nous pensons également étendre nos émissions au niveau des chaînes télévisuelles et radios pour que la sensibilisation puisse atteindre toute la population sur toute l’étendue du territoire national. Car il est important que chaque citoyen où qu’il se trouve, comprenne qu’il y a des textes et lois qui encadrent la sécurisation foncière et l’accès des femmes à la terre.

Convenez-vous qu’en dehors des leaders, il est également opportun d’associer les responsables de l’Agence nationale du domaine et du Foncier (ANDF) pour que la sensibilisation ne soit pas uniquement l’affaire des Ong mais aussi celle des autorités étatiques.

Oui, nous l’avons commencé la dernière fois (les 2 et 3 Août dernier), nous avons associé les acteurs étatiques. Et dès l’année prochaine, nous envisageons de descendre dans les départements pour discuter avec les chefs de programmes et d’encadrement de groupements. Car eux aussi, ils ne sont pas imprégnés des lois qui se prennent au niveau national. Parce qu’il y a des lois qui ne sont pas nécessairement prises dans le domaine de l’agriculture mais qui ont des effets sur l’agriculture. Je veux parler du Code des personnes et de la famille qui est en lien avec le foncier. Voilà pourquoi il faut porter l’information à ces acteurs qui jouent le rôle d’encadrement au niveau des groupements pour qu’à leur tour, ils puissent les intégrer dans leurs actions.

Et on ne peut pas parler de la sécurisation foncière sans associer les acteurs du domaine, c’est pourquoi, nous avons invité le responsable en charge de la formation au niveau de l’ANDF (ndlr : Agence nationale du Domaine et Foncier) pour qu’il puisse donner les vraies informations sur les nouvelles dispositions sur la sécurisation foncière.  Ce faisant, les choses pourront se faire dans les normes. Le partenariat avec l’ANDF est déjà tissé, nous allons les intégrer dans notre programme de travail pour que les gens puissent avoir confiance que nous travaillons avec les vrais acteurs et que notre projet vise réellement le développement du pays.


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