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L’appréciation des Partenaires techniques et financiers (PTF) au Bénin sur l’Efficacité du Développement : « Le contrôle de la performance, de la prévention des risques de fraudes et de la corruption doit s’accompagner d’une lutte sans concession contre l’impunité »


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Au terme de l’élan international pour le développement, le Bénin a fait des avancées notables, dans les domaines essentiels comme l’accès à l’eau, l’éducation ou la lutte contre les pandémies de VIH/SIDA, du paludisme ou de la tuberculose. C’est du moins ce que relate le document de synthèse résumant les observations des Partenaires techniques et Financiers (PTF) au Bénin. C’était  au cours de la dernière revue conjointe 2015, au titre de 2014, de la Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté (SCRP) tenue ce 17 septembre 2015. Au-delà des questions préoccupantes soulevées par les PTF, des recommandations, détaillées sont formulées à l’endroit du gouvernement.

Ph/DR-: Mme Rosine Sori Coulibaly, Représentant résident du Système des Nations Unies, Chef de file des Partenaires techniques et financiers au Bénin.

Ph/DR-: Mme Rosine Sori Coulibaly, Représentant résident du Système des Nations Unies, Chef de file des Partenaires techniques et financiers au Bénin.

Dans l’agenda du développement, l’année 2015 est une année particulière, parce qu’elle marque non seulement, la fin des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), mais également le début d’un autre engagement porté par les Objectifs du développement durable (ODD) qui seront validés à l’issue de la présente Assemblée générale des Nations Unies.

A cet effet, la revue conjointe  sur l’efficacité du développement  donne lieu à un moment d’échanges entre le gouvernement et les Partenaires techniques et financiers (PTF) et l’ensemble des parties prenantes au développement du pays.  Un exercice qui a permis au Chef de file des PTF, Mme Rosine Sory Coulibaly de concentrer son message autour des thèmes clés, des cinq axes de la Stratégie de Croissance pour la réduction de la pauvreté (SCRP).

Selon le chef de file des partenaires, le Bénin, à l’image du continent africain, a connu des progrès dans la réduction de la pauvreté, la scolarisation des filles et des garçons, la baisse des infections au VIH/SIDA, l’augmentation de l’accès à l’eau ou la réduction de la mortalité infantile. « Cependant, des défis importants restent à relever comme l’éradication de l’extrême pauvreté, l’amélioration de la santé maternelle, infantile et reproductive, ou encore l’égalité de genre et l’assainissement » a-t-elle indiqué.

 

Aussi, l’adoption du nouvel agenda du développement accompagné des objectifs de développement durable constitue un moment crucial que le Bénin devrait saisir pour approfondir ses choix de développement en cohérence avec la Position commune de l’Union Africaine. Il s’agira pour nos gouvernants de mener une réflexion approfondie sur la trajectoire de développement du pays en tenant compte des acquis et des enseignement tirés de la mise en œuvre de la SCRP sur la période 2011-2015, des évaluations des OMD, des orientations des ODD, des engagements de la COP21 ainsi que de l’analyse d’enjeux essentiels pour le pays comme les infrastructures, l’énergie, l’agriculture, l’emploi des jeunes, etc.  « Cette réflexion doit préparer le terrain aux choix des priorités pour le gouvernement qui sera issu de la consultation électorale de 2016 » souligna Mme Coulibaly.

Des améliorations dans la gestion budgétaire et macroéconomique

 

Les partenaires s’accordent pour reconnaître qu’en 2014, le Bénin a poursuivi ses efforts dans l’amélioration de sa gestion budgétaire et macroéconomique en respectant les critères de stabilité macroéconomique. Les performances enregistrées dans les deux principaux secteurs de l’économie nationale, le Port et le Coton, ont contribué à l’atteinte d’un taux de croissance de l’économie estimé à 5,7%.

Cependant, la réduction de la pauvreté reste un défi important, compte tenu du taux de croissance démographique de 3,5%, d’après les résultats du Recensement général de la population et de l’habitat publiés cette année, mais aussi de la persistance des inefficiences dans la mise en œuvre des réformes structurelles de l’économie et de la faiblesse du contenu en emploi de la croissance économique.

 

Le rôle du secteur privé est primordial pour permettre au pays d’atteindre les niveaux de croissance lui permettant de relever son défi démographique et de converger vers sa vision Alafia 2025. Aussi, l’adoption de la loi sur les partenariats public-privé, la relance du dialogue public-privé, l’amélioration du cadre des affaires en général, sont autant d’enjeux qui méritent une attention soutenue de la part du gouvernement.

Les résultats provisoires de l’enquête sur les conditions de vie des ménages, montrent que malgré une augmentation constante de la croissance économique depuis 2011, la pauvreté reste endémique.

 

Des systèmes de contrôle pour une lutte sans concessions contre l’impunité

 

Bien qu’ils notent quelques  progrès dans la gestion des finances publiques, ils soulignent cependant l’exécution des ressources mises à disposition par les bailleurs de fonds (environ 20% du budget), connait encore trop souvent des retards et sous-performances importants mettant en évidence des lourdeurs administratives et des goulots d’étranglement au niveau de la chaîne de dépenses.

Ils proposent à cet égard, une meilleure concertation sur la disponibilité des ressources domestiques et extérieures, leur mobilisation au sein d’un processus de gestion budgétaire et financière efficace et la mise en œuvre d’actions concrètes permettraient de lever les goulots d’étranglements qui entravent leur utilisation.

Aussi, le renforcement du système de contrôle interne et externe du budget est devenu une préoccupation majeure pour les partenaires. Ils exigent à cet effet, un système de contrôle budgétaire efficace ; un renforcement rapide en ressources humaines des institutions chargées du contrôle tout au long de la chaîne de la dépense ; une dotation de ressources de fonctionnement et de prérogatives effectives aux organes de contrôle mis en place. « Un audit institutionnel devrait être réalisé pour clarifier les rôles et fonctions de chacune de ces institutions et définir une réorganisation efficace des tâches fondée sur une matrice cohérente des risques fiduciaires. Le contrôle de la performance, de la prévention des risques de fraudes et de la corruption doit s’accompagner d’une lutte sans concession contre l’impunité ». Les partenaires suggèrent l’élaboration d’une nouvelle stratégie de réforme de finances publiques comportant une priorisation dans les objectifs et les actions proposées par année d’ici 2020, avec des indicateurs et cibles pour chaque groupe de priorités.

 

Accès aux marchés de la production agricole

 

La question de l’accès aux marchés de la production agricole a été soulevée avec pour recommandation, la mise en place d’infrastructures adéquates et le renforcement du dispositif de contrôle de qualité notamment par un fonctionnement effectif de l’Agence Béninoise de Sécurité Sanitaire des Aliments (ABSSA) afin de réduire significativement la pauvreté dans les zones rurales.

 

Le renforcement du capital humain, un des axes majeurs de la SCRP

 

Toutefois, ils recommandent que les efforts fournis depuis 2012, relatifs aux réformes de la fonction publique et de l’administration, méritent d’être poursuivis et renforcés par des mesures complémentaires attendues concernant l’élaboration d’une loi-cadre sur la rémunération des fonctionnaires au Bénin et la mise en œuvre dans tous les ministères du répertoire des hauts emplois techniques. « La perspective de départs massifs de cadres de l’administration constitue une opportunité pour la mise en place d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de nature à renforcer la capacité du secteur public tout en rapprochant le ratio masse salariale sur recettes fiscales de la norme UEMOA de 35%, aujourd’hui dépassée de plus de 10 points » ont-ils indiqué.

 

Dans les secteurs sociaux notamment, une telle gestion devra contribuer à résoudre le problème posé par le sous-effectif de personnels qualifiés dans le secteur public et la forte concentration du personnel disponible dans les départements de l’Atlantique/Littoral et de l’Ouémé/Plateau où les conditions socio-économiques sont plus attractives.

 

Dans le secteur de la justice, la pénurie de fonctionnaires est une préoccupation centrale pour réformer le secteur en profondeur. « Une vision prospective de l’évolution de l’Etat permettrait d’anticiper les départs à la retraite à travers un plan de recrutement et une stratégie de renforcement des capacités articulant la formation initiale et continue des agents de l’Etat ».

Par ailleurs, les PTF trouvent primordial de rendre disponible l’information sur la fiscalité des agents de l’Etat étant donné la disparité entre les salaires indiciaires et les rémunérations perçues par les agents. Aussi, la question de l’utilisation des per diem et frais de mission pour compenser les rémunérations, qui font accroitre l’idée de stratégies de détournement des ressources publiques, est de plus en plus préoccupante.

 

Aussi, les partenaires s’inquiètent du risque de diminution de la part du Gouvernement dans le Fonds d’Appui au Développement des Communes (FADeC). Actuellement, à peine 3,8% du total des dépenses du Budget Général de l’Etat est transféré aux collectivités territoriales et seul 2% du budget des ministères sectoriels est délégué aux services déconcentrés de l’Etat relevant de leur compétence.

 

Protection des Droits de l’Homme

« Les actions entreprises en matière pénitentiaire sont à saluer avec l’ouverture de la prison d’Abomey-Calavi et l’opérationnalisation progressive du nouveau Code de procédure pénale. Les conditions de détention ont également été améliorées grâce à la rénovation et à l’équipement des prisons existantes. Il est important que cet effort soit poursuivi afin de soulager la pression carcérale »

En matière de protection de l’enfance, l’adoption d’une politique nationale de protection de l’enfance, le vote du code de l’enfant, la ratification de la Convention de la Haye, la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants sont des étapes très positives vers une protection effective de cette catégorie sensible de la population. Cependant, des défis majeurs demeurent, notamment la mobilisation des moyens financiers à hauteur des besoins.

De manière générale, il est recommandé de prendre les décrets d’application des lois et de veiller à leur application par tous les acteurs du secteur de la justice, afin de mettre fin à l’impunité.  Les partenaires recommandent de garantir la pérennité des organes de contrôle dans le secteur, notamment en octroyant davantage de ressources humaines et matérielles.

La question récurrente de l’énergie

 

La signature du deuxième programme du Bénin pour le Millenium Challenge Account est saluée. L’entrée en vigueur en 2016 de ce programme d’un montant de 411 millions de dollars, axé essentiellement sur le développement de l’énergie électrique permettra sans nul doute d’améliorer l’accès énergétique au Bénin. « Cependant, ses efforts doivent être articulés aux réformes indispensables du cadre législatif et réglementaire du secteur de l’énergie. (…) Le Code bénino-togolais de l’électricité et le Code de l’électricité du Bénin doivent donc être révisés à travers un processus consultatif crédible, en suivant une feuille de route claire et cohérente ». Aussi, faut-il un régulateur performant, indépendant et efficace pour  mobiliser les investissements privés nécessaires au développement du secteur.

 

L’éducation, un axe important

 

Par rapport au secteur de l’éducation, les partenaires souhaiteraient partager avec le gouvernement deux enjeux majeurs afin de contribuer à la performance du secteur. Au prime abord, il s’agit d’une meilleure régulation du système éducatif, à travers la gestion des flux et l’allocation du personnel enseignant, permettrait d’apporter quelques solutions à ces problèmes et des mesures techniques et politiques adaptées afin d’assurer une régulation effective du système éducatif, gage d’une offre éducative de qualité. Ensuite, la mise en place d’un système d’Information et de Gestion de l’Education (SIGE) pour un renforcement de la gouvernance du secteur dans le but d’améliorer la qualité des enseignements dispensés et de permettre aux adultes de demain de répondre aux exigences des acteurs économiques qui feront du Bénin un pays émergent.

Les  problématiques liées à l’équité de genre et à la protection sociale ; le renforcement de l’institutionnalisation du genre à tous les niveaux, y compris la budgétisation sensible au genre, ainsi que l’application effective des conventions et textes nationaux et internationaux favorables à l’égalité et l’équité entre hommes et femmes, demeurent une priorité au Bénin.

L’opérationnalisation de la politique holistique de protection sociale, du plan stratégique 2013-2017 du Ministère en charge de la famille et de la solidarité nationale dont les ressources budgétaires restent en deçà de 0,46%,  et du RAMU n’ont pas été occulté.

 

En conséquence, les partenaires réitèrent leur disponibilité à explorer avec le gouvernement béninois de nouvelles formes de concertation afin d’optimiser l’efficacité de l’aide en conformité avec le nouveau partenariat de Busan.

Aline ASSANKPON


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