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Fespaco 2015: Des films africains, la diaspora, mais pas de révolution


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Après la révolution en octobre au Burkina Faso, la 24e édition du Fespaco se déroulera comme prévu entre le 28 février et le 7 mars à Ouagadougou. Pour la première fois, le plus grand festival panafricain du cinéma et de la télévision ouvre sa compétition pour l’Étalon d’or à la diaspora africaine et aux films tournés en numérique. L’ambition du premier Festival post-révolutionnaire et la liste des 20 longs métrages en lice ont été dévoilées le 15 janvier lors d’une conférence de presse à Paris.

Ni la révolution, ni Ebola, ni l’instabilité politique ne leur avaient fait changer d’avis. Après l’annulation du Tour cycliste du Faso et du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (Sias) en automne dernier, les responsables du Fespaco ont décidé de maintenir à la date prévue le plus grand festival panafricain du cinéma et de la télévision, la fierté de tout un continent. Les festivaliers pourront se sentir en sécurité, ont martelé Éric Tiaré, l’ambassadeur du Burkina Faso en France et Jean-Claude Dioma, le ministre burkinabè de la Culture : « il n’y a aucun cas d’Ebola signalé au Burkina Faso et le service de sécurité a été renforcé ».

Le reflet d’une Afrique dynamique

Quant à l’engouement pour le cinéma en Afrique, il est resté intact. 720 films ont été envoyés et 134 sélectionnés pour les cinq sections. 20 films se trouvent en lice pour le prestigieux trophée de l’Étalon d’or de Yennenga. « Tous ces films sont le reflet d’une Afrique dynamique, explique Ardiouma Soma, le délégué général du Fespaco au micro de RFI. Ce sont des films qui montrent l’Afrique dans son évolution et sa progression. Cette sélection montre aussi l’importance et le rôle des artistes d’une façon générale et des cinéastes en particulier. Ils ont décidé de s’impliquer dans la vie de leur nation, dans l’évolution de leurs différents pays et de se mettre au côté de leurs compatriotes pour raconter l’Afrique actuelle et témoigner à toutes les générations qui viendront demain. »

Le jury de la catégorie phare des longs métrages sera présidé par le réalisateur ghanéen Kwaw Ansah qui avait obtenu le Grand prix du Fespaco pour Heritage Africa (1989). En 2015, parmi les grands favoris se trouvent des films comme Timbuktu, l’œuvre du Mauritanien Abderrahmane Sissako sur les jihadistes à Tombouctou, qui est également nommé pour l’Oscar du Meilleur film étranger. Philippe Lacôte présentera Run, sa vision de la crise ivoirienne. Dans C’est eux les chiens, Hicham Lasri s’attaque au Maroc d’aujourd’hui à partir des « émeutes du pain » dans les années 1980. Il y aura le Printemps tunisien réalisé par Raja Amari, mais aussi Fièvres, l’histoire mise en scène par Hicham Ayouch entre un père et un fils déracinés habitant la banlieue parisienne.

Ph:DR- Ardiouma Soma, Délégué général du Fespaco

Ph:DR- Ardiouma Soma, Délégué général du Fespaco

L’intégration de la diaspora et du numérique

À côté de ces films déjà acclamés et primés lors d’autres festivals, le délégué général Ardiouma Soma promet de vraies découvertes labellisées « Fespaco » pour les sept salles de cinéma réactivées pour le festival : « Il y aura beaucoup de films que le public du Fespaco va découvrir pour la première fois et au moins sept films feront leur grande première comme Morbayassa du Guinéen Cheik Camara, L’œil du cyclone du Burkinabè Salif Traoré ou Cellule 512 de Missa Hebié, également du Burkina Faso. »

Pour la première fois, des films de la diaspora africaine ont été intégrés dans la compétition. Et pour la première fois depuis la création du festival en 1969, les réalisateurs ne seront plus obligés de réaliser ou convertir leur film en 35 millimètres, un format coûteux et devenu anachronique. Les défis de ce nouveau départ en diapason avec la technologie seront longuement discutés lors d’un colloque consacré au « Cinéma africain : production et diffusion à l’ère du numérique ».

Qui parle de censure ?

Ainsi la modernité fera perpétuer la tradition cinématographique du Festival. Reste à savoir à quel degré l’esprit de la révolution d’octobre aura un impact sur le déroulement du festival. Car depuis la destitution du président Blaise Compaoré des langues se libèrent. À l’instar du réalisateur tunisien Mohamed Challouf, plusieurs voix dénoncent aujourd’hui d’avoir été, dans le passé, censurées au Fespaco. Des accusations récusées par le nouveau délégué général Ardiouma Soma qui étaient longtemps le directeur artistique du Festival : « Je peux vous dire que le Fespaco n’a jamais fait de censure. Et concernant cette année, le ministre de la Culture a reçu la sélection du festival juste le matin de la conférence de presse. Tous les gouvernements du Burkina ont laissé la main libre à la direction du festival. »

Pour Jean-Claude Dioma, le nouveau ministre de la Culture et du Tourisme, il faut regarder le passé en face et en tirer les leçons : « Maintenant, l’esprit change. À l’intérieur et à l’extérieur, il y avait peut-être une tendance à censurer un certain type de films. Et c’est là que toutes les choses changent. Les nouvelles autorités entendent laisser véritablement la libre expression à tous les cinéastes et artistes qui veulent s’exprimer. Depuis les événements d’octobre, les gens sont libérés. Des grands dossiers qui étaient tabous vont être mis sur la table. Et ce Fespaco va être le lieu pour cela. »

La force du Fespaco

« La force du festival, bien que ce soit en Afrique, où, généralement, on pense que la censure règne en maitresse, il se trouve que le Fespaco a démontré tout le contraire depuis des années », souligne le cinéaste burkinabè Gaston Kaboré. L’Étalon d’or de Yennenga en 1997 pour Buud Yam est convaincu que le Fespaco devait rester ce qu’il a toujours été : « Sincèrement, je pense que le Festival est une manifestation très mature, non pas qu’elle soit parfaite, mais depuis très longtemps, le Fespaco a sa personnalité, son identité. Bien sûr, elle n’échappe pas aux aléas et aux événements historiques et politiques de notre pays, mais c’est ça le Fespaco. Quel qu’a été le moment dans la vie de notre pays, la force du festival a toujours été de rester sur sa route, d’être à la disposition du cinéma africain. C’est aussi un lieu de rencontres, d’échanges, de confrontations des idées et cela doit le rester quoi qu’il arrive. »

D’autres artistes, comme le chorégraphe burkinabè Serge Aimé Coulibaly, ont peur que la première édition du Fespaco après la révolution s’annonce trop timide compte tenu du nouvel élan qui règne dans le Burkina Faso de l’après-Compaoré. « Cela aurait été intéressant de donner complètement une autre dynamique à ce festival qui est l’un des plus grands et l’un des premiers en AfriqueAvec l’espoir qu’on avait donné avec notre révolution à cette Afrique, on pourrait le transformer en quelque chose de magique avec le Fespaco, parce que cela fait des décennies qu’on organise cette manifestation, mais on a toujours l’impression qu’on vient de commencer il n’y a pas longtemps. Là, il y a une nouvelle énergie dans le pays, il y a la jeunesse qui est là, il y a plein de places dans la société qui ont changé. » (RFI)


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