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Interview : Le Groupe Total a repris le réseau de Touba Oil au Sénégal


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Dans cette interview exclusive accordée à Financial Afrik, Ameth Guissé, directeur général  de Maak petroleum Company, ex analyste financier du réseau ouest-africain de Shell,  annonce la reprise du réseau de distribution de Touba Oil Sénégal par le groupe international Total. Il parle ainsi d’un  grave recul du patriotisme économique et d’un quasi monopole du groupe français sur le secteur sénégalais des hydrocarbures.

 

Ameth Guissé, directeur général  de Maak petroleum Company, ex analyste financier du réseau ouest-africain de Shell,

Ameth Guissé, directeur général de Maak petroleum Company, ex analyste financier du réseau ouest-africain de Shell,

Confirmez-vous le rachat de Touba Oil par Total ?

 

Ameth Guissé : Comme vous pouvez le constater, je parle de reprise du réseau de distribution de Touba Oil par le groupe international TOTAL.  Est- ce que cela résulte d’une cession ? Je ne saurais le dire. Tout ce que je sais c’est qu’il y a effectivement reprise parce que les stations Touba Oil arborent maintenant les couleurs de TOTAL. Toutefois et quels que soient les termes de la «transaction», il demeure que le seul fait du changement des couleurs et des identités visuelles induit  indéniablement un transfert de la propriété. Sous quelle forme cela s’est opéré ? Plusieurs options sont possibles : cession, mandat de gestion, bail de longue durée…etc. La forme de la transaction nous intéresse moins que l’impact que produit le changement d’enseigne des stations qui, sur le plan symbolique, marque un réel recul, un aveu d’échec dans un secteur où l’empreinte des Nationaux est réelle comme le montre ces tableaux (cliquer ici ) Ces chiffres illustrent à merveille l’envolée des Nationaux et leur prise en main du segment Réseau, la vitrine de l’activité de distribution des hydrocarbures.  Voilà pourquoi la reprise du réseau de Touba Oil par TOTAL risque de marquer un véritable coup d’arrêt au contrôle de la distribution par les Nationaux.

En quoi le rachat est-il considéré comme un recul du patriotisme économique au Sénégal et en Afrique de l’Ouest ?

 

Depuis l’avènement de la nouvelle alternance, à savoir le magistère de l’actuel Président Macky Sall, il est souvent fait référence au patriotisme économique qui est un point important des conclusions des Assises Nationales et ceci, à juste raison car on ne peut se développer si à compétence égale, on ne donne pas la chance aux entreprises nationales. Aussi et dans le domaine nous concernant qu’est le secteur de l’énergie,  n’est-il pas important  de signaler que le problème de la souveraineté est un point nodal de notre politique de développement?  L’Etat, de par son rôle de régulateur, a le devoir  d’organiser le secteur à partir du moment où il existe des entreprises d’une expertise certaine et à fort potentiel. Autoriser la reprise du réseau de Touba Oil par TOTAL ne participe pas à une bonne réglementation  et favoriserait une situation de quasi monopole de la multinationale française sur le secteur des hydrocarbures. Cette situation ne saurait être autorisée en France comme ce fut le cas lors de la fusion Totalfina / Elf pour éviter l’abus de position dominante.

 

En réalité, qu’est ce qui explique cette « incapacité » des Africains à gérer de grands groupes des secteurs économiques de pointe ?

 

Je ne pense pas qu’il existe une « incapacité » des africains à gérer de grands groupes quoique des expériences récentes et même lointaines, semblent confirmer cette idée. Notre problème résulte de deux facteurs : l’absence de réels capitaines d’industrie ayant une vision sur le long terme avec l’objectif de bâtir quelque chose  qui leur survive en grandissant. Un deuxième facteur qui plombe souvent les entreprises est l’actionnariat unique qui donne souvent aux entreprises une dimension familiale avec tout ce que cela comporte comme mode de gestion, c’est-à-dire une « patrimonialisation » de l’entreprise. Ces entreprises-là, survivent peu de temps à leur fondateur.

 

Y a-t-il finalement une lueur d’espoir pour voir l’émergence véritable d’un capitalisme sénégalais et ouest africain fort ?

 

Effectivement, et le cas de Elton Oil Company est là pour l’illustrer ; elle constitue une réelle lueur d’espoir. Chef de file des entreprises de distribution pétrolière sénégalaises avec un capital à 100% sénégalais qui a su s’imposer dans un secteur qui était resté longtemps très fermé. Elle a l’avantage d’avoir dépassé les facteurs qui plombent une association de ressources (l’ego dans l’actionnariat) et d’avoir une vision sur le long terme ici et ailleurs. Ecobank est aussi une belle réussite africaine. Voilà des exemples qui donnent des raisons d’espérer.

 

Votre dernier mot sur le secteur ouest africain des hydrocarbures ?

 

Après quelques périodes d’incertitudes dues aux dysfonctionnements intervenus dans l’activité de raffinage avec la SAR notamment, des lueurs d’espoirs se dessinent parce que l’avenir se jouera ici et pour se le convaincre, il suffit de voir le niveau d’investissements continus des multinationales. Nous avons notre rôle à jouer et ce rôle, il n’est de notre responsabilité de le sous-traiter. (Financialafrik)


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