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Opinion – Burkina Faso /Attaque de Kossyam : L’Exécution de Tuina et les Contrevérités du Parquet


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Dans la nuit du 30 Août de fortes détonations ont été entendues dans la zone du palais présidentiel de Kossyam, précédées et/ou suivies d’une coupure de courant dans une bonne partie de la ville de  Ouagadougou. Au-delà du fait que ces détonations ont amené biens de gens dans la proximité à« zébrer » pour se sécuriser, il faudra attendre le lendemain 31 août pour apprendre par le Parquet, dans un communiqué laconique lu par le Substitut du procureur du Faso, ce qui se serait passé.

 

Le communiqué en question, loin d’apporter un quelconque éclairage, s’est plu à soulever nombre de questions qui ne laissent même pas de place à un doute raisonnable. En effet, le communiqué  dit en substance « qu’un ex-militaire du nom de Tuina Romuald a trouvé la mort au cours d’un échange de tirs entre une patrouille militaire et lui dans la nuit du vendredi 30 août 2013. Le sieur Tuina Romuald, portant irrégulièrement une tenue militaire, avait tenté de tromper la vigilance d’une sentinelle et s’était attaqué à un poste de garde du Camp Naba Koom II du Régiment de sécurité présidentielle. Face à la réaction des éléments de garde, il a pris la fuite. Une course-poursuite s’est alors engagée pour l’interpeller. Il a opposé une résistance si bien que suite aux échanges de coups de feu, les balles l’ont atteint mortellement ».

 

Ecartons vite les thèses libres sur l’attaque de la résidence du Président, la tentative d’assassinat du président etc., pour rester dans ce que le communiqué dit. Et le communiqué dit que Tuina Romuald s’est attaqué à un poste de garde du CampNaba Koom. Ce camp est une caserne du Régiment de la sécurité présidentielle. Régiment dont Tuina a été un des éléments et même un très bon élément. Serait-il fou pour s’attaquer à lui seul à une caserne entière ? Même en se prenant pour « Rambo », il est difficile de l’imaginer. Ensuite,« Face à la réaction des éléments de garde, il a pris la fuite. Une course-poursuite s’est alors engagée pour l’interpeller. Il a opposé une résistance si bien que suite aux échanges de coups de feu, les balles l’ont atteint mortellement ». Tuina a pris la fuite, puis il y a eu une course poursuite pour l’interpeller, puis il a résisté, puis il y a eu des coups de feu, puis il est mort. Même dans un scénario de série B, on ferait certainement mieux en s’arrangeant qu’il soit abattu au moment où il a attaqué le poste de garde. Mais enfin…

 

Le communiqué ne fait pas état d’une quelconque autopsie permettant de définir la cause réelle de la mort. A-t-il été atteint par des balles dans le dos, à la poitrine, à la tête ? Etait-ce des tirs de longue distance ou à bout portant ? Combien de balle a-t-il reçu ?…

Il y a manifestement beaucoup de non-dits, sciemment dits dans ce communiqué.

 

Qui est Tuina ?

 

Dans le communiqué il est dit que « Tuina Romuald est cet ex-militaire radié des Forces armées nationales pour avoir tiré sur le gérant d’un bar dans la nuit du20 au 21 février 2012 à Ouagadougou. Interpellé le 1er mars 2012, il s’était évadé, peu après, de la brigade de gendarmerie où il était détenu.


Le 11 avril 2012, il avait braqué en plein jour, l’agence de la Banque commerciale du Burkina (BCB) de la Patte d’Oie et emporté la somme de sept millions cinq cent quatre mille (7 504 000) francs CFA. Activement recherché après ce forfait, il s’était enfui hors du pays. Le procureur du Faso avait requis l’ouverture d’une information judiciaire et le juge d’instruction en charge du dossier avait décerné un mandat d’arrêt contre lui le 24 mai 2012
».

C’est donc cet homme ardemment recherché qui allégrement a franchi les frontières pour venir s’attaquer à toute une caserne, qui plus est, la caserne de l’élite de l’armée ? C’est fort de café tout de même !

 

Tuina avant ces frasques, on le sait était un bon sportif qui excellait dans plusieurs disciplines militaires. Mais il était aussi une grande gueule, qui n’a pas su la fermer après avoir été avec d’autres de ses camarades guerroyé pour dégommer Laurent Gbagbo contre espèces sonnantes et trébuchantes. De retour d’Eburnie, il n’aurait de cesse de réclamer son dû, d’où l’origine de ses déboires.

Après son coup attaque de l’agence de la Banque commerciale du Burkina (BCB) de la Patte d’Oie qu’il aurait délestée de la somme de sept millions cinq cent quatre mille (7 504 000) francs CFA le 11avril 2012, il se serait réfugié au Mali dans sa famille maternelle.

De source proche de sa famille, il se dit que de là, il revenait de temps en temps rendre visite à sa mère à Houndé. A l’insu des Forces de sécurité ?

 

A-t-il été embastillé dans un autre pays comme le laisse entendre le parquet qui dit dans son communiqué que dans« les documents découverts sur lui, il a été retrouvé un billet de sortie de prison, délivré par l’administration pénitentiaire d’un pays voisin » ?Cela n’est pas exclu. Ce qui est surprenant c’est qu’il n’ait pas été transféré aux juridictions burkinabè, ou tout le moins que le Burkina n’en est pas été informé.

 

Tout aussi surprenant sont ses allées et venues entre Bamako et Houndé sans être inquiété et son séjour depuis quelque mois déjà à Ouagadougou.  En juillet dernier, il aurait même été aperçu un mariage familial.

Il est difficile de croire que tout ceci ait pu se faire sans que les Forces de défense et de sécurité, dont l’exemplarité et l’excellence ont été significatives dans des cas plus compliqués, n’aient eu aucun élément d’information.

Si cela ne se peut, doit-on penser que le « cas » Tuina a été mis au frigo -pour emprunter l’expression journalistique- pour le réchauffer au moment propice ? A quelles fins ?

 

Pourquoi maintenant… ?

 

Cette question est d’autant plus importante lorsque l’on sait que contrairement à l’affirmation du communiqué du parquet, lorsque la famille a été pour enlever le corps de TUINA à la morgue de l’Hopital Yalgado de Ouagadougou, celle-ci dit avoir trouvé Romuald habillé en jean, basket et blouson noir la poitrine criblée de balle. A moins de faire dans le néo-classicisme de la tenue militaire, cet accoutrement n’est pas militaire. Alors pourquoi le parquet-a-t-il avancé une telle fausseté ?

 

Approché, la société de pompes funèbres Burkisep quia été appelée pour enlever le corps affirme clairement : « Nous avons été contacté pour enlever le corps de  Romuald Tuina. Nous avions, dans un premier temps  tous, pensé qu’il fallait se diriger vers Ouaga 2000. On s’est fait dire que le corps en question a été découvert aux environs de la SONABHY à Pissy. Nous nous sommes déportés sur ces lieux et on a fait le travail qu’on nous a confié. A notre arrivée, nous avons découvert  la dépouille que l’on devait enlever. Il  ne portait pas une tenue militaire ». Entre quelqu’un qui a attaqué un poste de garde à Ouaga 2000 et s’ensuit une course poursuite, et le corps retrouvé derrière la Sonabhy, soit 3 à 4 kilomètres, ça fait quand même désordre, sinon bizarre. Pourquoi le parquet n’a-t-il pas osé dire là où le corps a été retrouvé laissant penser que c’est à quelques encablures de Kossyam ? Pourquoi tient-on à habiller Tuina d’une tenue qu’il ne portait pas ? Pourquoi le parquet masque-t-il cette vérité ?

 

Nous disions plus haut qu’il était possible que le « cas » Tuina ait été gardé au frigo pour le réchauffer au moment propice. Il est vraisemblable que sa présence à Ouagadougou était bien connue et que son exécution était préméditée. Il fallait juste contextualiser. Et le contexte s’est bien campé avec une volonté populaire et démocratique pour le rejet du Sénat, une fracture politique béante entre gouvernants et gouvernés. En somme, une véritable crise nationale qui s’aggrave d’avantage avec la crise du système éducatif qui s’y  est greffée.

 

On peut raisonnablement imaginer que l’exécution de Tuina puisse trouver sa raison dans cette crise. Il peut servir de moyen de communication à divers niveaux.

D’abord pour le régime qui présente cela comme une volonté d’attenter à la vie du Chef, toute chose qui nécessite de la compassion, de la solidarité et dégage l’espace public de débats et de luttes sur les questions brûlantes de l’heure.

 

Ensuite, cela pourrait s’interpréter comme un message fort à l’endroit d’éventuels velléitaires troublions qui pourraient penser que la solution de la crise serait au bout des baïonnettes.

Enfin cela pourrait être juste un petit rappel à ceux qui ont brillamment damé le macadam en juin et en juillet, à ceux qui ont manifesté violement leur réprobation à la fermeture des cités universitaires, à ceux qui s’apprêtent à reprendre la route des manifestations citoyennes pour leur dire, « attention nous sommes là. Nous sommes arrivés depuis plus de deux décennies par la force des armes, nous vous avons accordé un espace d’expression mais il y a une ligne rouge. Si vous ne voulez pas finir comme Tuina, laissez tranquille nos réseaux claniques, nos cercles oligarchiques et leurs intérêts et les privilèges accumulés. Sinon… ».

Comme le dit si bien le Président Compaoré interpellé par des confrères  sur les détonations entendues dans la nuit du30 Août : « Je suis là et j’aide mandé aux militaires de faire un communiqué pour expliquer ce qui s’est passé ».Un communiqué que les militaires n’ont pas fait.

9 septembre 2013, 01:37

Cheriff  Sy


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