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Droit de la famille, Droit de la Succession en relation avec le Droit foncier en milieu rural : Des témoignages et cas d’expropriation de terres très poignants


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Ph/ DR-: Mme Houédan Marie, transformatrice de produits agricoles et Responsable de groupements

Ph/ DR-: Mme Houédan Marie, transformatrice de produits agricoles et Responsable de groupements

Mme Houédan Marie, transformatrice de produits agricoles : « Cette séance me donne la force d’aller de l’avant… » A la tête de deux groupements de femmes, « Mahutin » et « Judesa »  à Tori-Cada, elles ont pour activités principales la transformation  et la vente des produits agricoles : « Dans nos groupements, nous sommes transformatrices des produits agricoles ; notamment du Gari, de l’huile rouge, du savon et autres ».

« A Tori en général, les femmes n’ont pas droit à l’héritage des terres ; à moins qu’elles travaillent durement pour se la procurer. Ce n’est qu’à cette étape qu’elles peuvent prétendre être propriétaires. J’ai tellement apprécié cette séance de sensibilisation qui a rassemblé plus d’une centaine de femmes ; car nous sommes nombreuses à s’approprier des questions foncières. Cela me donne la force d’aller de l’avant.

En effet, c’est la peur, les menaces autour des terres qui font que nous les femmes, sommes reléguées en dernière position. La vérité, la femme qui intervient dans les problèmes fonciers ou réclame quoi que ce soit de la terre, meurt aussitôt à Tori en général. Plusieurs fois déjà que j’ai reçu cette information, mais je n’avais pas la force nécessaire pour informer ou pour changer quelque chose en tant que responsable de l’organisation des femmes. Désormais, elles vont passer le message aux autres femmes. Et je suis convaincue que je ne mènerai plus seule ce combat, j’aurai le soutien d’autres sœurs.

Au retour dans nos villages et localités, nous allons-nous retrouver, rassembler les autres femmes, réfléchir ensemble et voir dans quelles conditions soulever la question foncière afin de trouver des solutions à nos sœurs qui sont confrontées aux problèmes fonciers, de succession,  de dépossession, d’expropriation ». (Propos recueillis : A.A.)

Rosalie Hounhui, cultivatrice et transformatrice des produits agricoles et Responsable de WP_20170927_13_53_53_Pro

Ph: DR: Rosalie Hounhui, cultivatrice et transformatrice des produits agricoles et Responsable de groupement des femmes à Tori-Bossito

Ph: DR: Rosalie Hounhui, cultivatrice et transformatrice des produits agricoles et Responsable de groupement des femmes à Tori-Bossito

groupement des femmes à Tori-Bossito : Je fais des jus d’ananas, du gari et autres produits agricoles. C’est une grande joie qui m’anime en ce moment précis ; car c’est une chance pour nous de vous avoir dans la commune de Tori-Bossito. Responsable en charge de l’organisation des femmes, je ne cesse de sensibiliser les femmes sur ces nouvelles dispositions dans nos localités ; les femmes de Tori souffrent énormément de problèmes fonciers.

Moi-même j’en ai souffert entre-temps, mais comme je suis plus éclairée, j’ai pu résoudre ces problèmes domaniaux avec succès. Je détiens aujourd’hui une homologation des biens de mon feu père en tant que deuxième administrateur. Nos pères n’ont pas pu envoyer beaucoup de filles à l’école mais ils disposent beaucoup de biens qui sont accaparés par les hommes ; je n’apprécie pas souvent cela. Compte-tenu de la pauvreté des femmes, j’explique à mes sœurs, la démarche à mener pour pouvoir jouir de leur droit car elles souffrent trop. Mais aujourd’hui, celles qui sont là comprendront le bien-fondé de ce que je leur prodigue comme conseil.

Enfin, j’invite Wildaf-Bénin à continuer ces séances de sensibilisation dans toutes les localités du Bénin pour que les femmes puissent connaitre et comprendre les nouvelles dispositions relatives à la propriété foncière. Car, elles ont peur de réclamer leur héritage.

 

 

Ph: DR-: Hounsa Joséphine, transformatrice des produits agricoles (Gari et huile rouge) à Gbégoudo (Tori-Cada)

Ph: DR-: Hounsa Joséphine, transformatrice des produits agricoles (Gari et huile rouge) à Gbégoudo (Tori-Cada)

Hounsa Joséphine, transformatrice des produits agricoles (Gari et huile rouge) à Gbégoudo (Tori-Cada) : Nous sommes 18 enfants pour mon père (filles et garçons) ; pour lui les filles n’ont droit à aucun  héritage mais considérant que nous sommes nombreux, il déjà vendu toutes ses terres en prenant chaque fois les garçons à témoins. Face à cette situation, je me demande au vu des informations que vous venez nous donner, moi je n’ai plus de possibilité à hériter les terres de mon père. Cependant, nos jeunes frères menacent de remettre en cause ces ventes après sa mort.

Réponse : Ces jeunes frères n’ont aucun droit de revendiquer quoi que ce soit là. Car votre père a vendu ses terres de son vivant et là il n’y a aucun problème. Les enfants ne peuvent plus rien espérer comme héritage sauf la seule maison qui lui maintenant de son vivant ». (Mme Assankpon)

 

Julienne Gnonlonfin, vendeuse de bouillie à Tori

Julienne Gnonlonfin, vendeuse de bouillie à Tori

Julienne Gnonlonfin, vendeuse de bouillie : Comment l’homme qui n’est pas un fonctionnaire, peut-il se marier devant le maire ? Par ailleurs, nous sommes 10 enfants (3 filles et 7 garçons) pour mon père qui est décédé, il y a 15 ans. Il y a quelques années, mes frères ont commencé par vendre les terres de notre père sans rien dire à nous les filles. Nous avons voulu savoir pourquoi ils nous ont exclues du partage des biens. Ils ont dit que la famille a voulu accaparer ces terres ; c’est pourquoi, ils ont décidé de les vendre pour acheter d’autres ailleurs et là, quand ça sera fait, ils nous donneront notre part. Or c’était juste pour nous calmer. Ils ont tout vendu et ont partagé l’argent sans rien nous donner.

« Réponse : Le mariage est accessible à tous les êtres humains qu’ils soient fonctionnaires, particuliers ou cultivateurs. Par rapport à la deuxième préoccupation, il fallait tenir un conseil de famille juste après le décès de votre père. Et cela est encore bien possible et si vous arrivez à le faire, le procès verbal pourra être déposé pour homologation. Tous ceux qui ont acheté ces terres risquent de perdre leur argent. Car devant le juge vos frères n’ont pas le droit de vous exclure du partage et de la vente de ces terres. (Mme Agbaholou)

 

Hélène Kofatin cultivatrice à Tori-Cada

Hélène Kofatin cultivatrice à Tori-Cada

Hélène Kofatin cultivatrice à Tori-Cada : Mon père est polygame ; il a trois femmes. Ma mère a trois filles, la seconde épouse a deux filles et un garçon et la troisième a fait 5 garçons. A sa mort, les 6 garçons ont promis vendre les terres pour partager l’argent entre les épouses de notre père ; ainsi chaque enfant pourra bénéficier de la part attribuée à sa mère. Nous avons accepté cette forme de partage. Mais à notre grande surprise, ils ont vendu les terres et ont donné 5.000F aux filles. Moi, j’ai refusé cet argent et suis rentrée chez mon époux.

« Réponse : Si vous aviez tenu un conseil de famille, vous pouvez avec cette situation ester en justice pour obtenir gain de cause car la loi dit : « Nul n’est censé rester dans l’indivision ». Si l’une d’entre vous se lève, elle mettra toutes ces ventes en cause. Car ceux qui ont acheté des biens qui appartenaient à un défunt sans un procès verbal du conseil de famille, ont tort ». (Mme Agbaholou)

 

Djisso Elisabeth, couturière à Tori-Bossito

Djisso Elisabeth, couturière à Tori-Bossito

Djisso Elisabeth, couturière à Tori-Bossito : Le nouveau Code de la famille exige le régime monogamique ; l’homme qui a trois femmes et s’est marié avec l’une d’entre elles. Je voudrais savoir si à sa mort les enfants des autres femmes peuvent hériter au même titre que les enfants de la femme mariée ?

« Réponse : Tout à fait ! Tous les enfants de l’époux défunts vont hériter des biens de leur père à égal qu’ils soient filles ou garçons, plus âgés ou moins. De même que les enfants incestueux hériteront mais plutôt de l’un de ses parents. De toute façon la loi protège les enfants en général. Les autres femmes, du vivant de leurs époux, peuvent déjà exiger un don de sa part, qui portera leur nom. Sinon, elles n’auront rien ; seule, la femme mariée à l’état civil pourra hériter les biens de son époux ». (Mme Agbaholou)

 

 

Blanche Awonongah

Blanche Awonongah

Blanche Awonongah : Mon papa a pu réaliser des biens grâce à la contribution de ma mère, sa première épouse. Au fil des temps, il est devenu polygame et s’est marié avec sa plus jeune épouse. Maintenant qu’il est mort comment va-t-on procéder au partage de ses biens et faire hériter sa première épouse ?

« Réponse : Si les pièces justificatives des biens réalisés par votre père en commun avec votre maman portent les noms des deux, la justice pourra faire la part des choses et donner la jouissance d’une part de ces biens à votre maman. C’est pourquoi il faut toujours faire les papiers nécessaires à chaque fois vous achetez une parcelle et il faut être vigilant pour ces conventions portent le nom de l’acheteur.» (Mme Agbaholou)

 

 

 

Vikponhoundé Alice, cultivatrice à Tori

Vikponhoundé Alice, cultivatrice à Tori

Vikponhoundé Alice, cultivatrice à Tori : Dans mon champ, je fais du maïs, du manioc et des tomates. Mon mari défunt a posé un acte que je n’ai pas aimé. Quand il a voulu vendre notre champ, il ne m’a rien dit ; il a pris comme témoin mon fils aîné âgé de 10 ans. Alors qu’il sait pertinemment que j’exploite le champ. Maintenant qu’il n’est plus de ce monde, j’ai cultivé le champ et l’acheteur est allé voir mon fils pour lui dire comment se fait-il qu’il laisse encore sa maman cultiver la terre que son papa a vendu alors qu’il était témoin ? Ce dernier m’a interdit de mettre pied dans le champ et a pris la moitié de toutes mes récoltes. Depuis ce temps, je n’ai plus de champ. Difficilement j’ai pu encore emprunter un peu de terre pour cultiver puisque je suis veuve avec des enfants à charge.

 

 

Aho Marie, cultivatrice à Kpomassè

Aho Marie, cultivatrice à Kpomassè

Aho Marie, cultivatrice à Kpomassè : Tout ce que je viens d’apprendre me faire rire. Quand on dit qu’à la mort de l’époux, ses biens et terres seront divisés en quatre parties et une partie reviendra à sa femme. C’est impossible à Kpomassè ! Permettre à une femme (enfant d’autrui) d’hériter la terre de son époux défunt, ils ne vont jamais nous l’accepter. Aussi, quand on dit que l’enfant-fille doit hériter à part égale avec l’enfant-garçon, cela n’est possible à Kpomassè.

 

Ahossi Pauline, vendeuse de pain à Kpomassè

Ahossi Pauline, vendeuse de pain à Kpomassè

Ahossi Pauline, vendeuse de pain à Kpomassè : Mon père ne s’est pas marié à aucune de ses quatre épouses. Il a beaucoup de terre chez nous à Savi et le fils de sa troisième épouse a vendu toutes les terres de notre père après sa mort sans consulter personne. Les enfants de mon père ne sont pas instruits mais nos enfants le sont. Ce que je voudrais savoir, est-ce que les acheteurs ont vraiment acheté ainsi nos terres ou est-il encore possible de les récupérer ? Et puisque la nouvelle loi dispose que les enfants-filles doivent hériter comme les enfants-garçons, c’est également l’occasion pour les filles si nombreuses que les garçons d’hériter les terres de notre père.

« Réponse : Puisque les quatre épouses ont été mariées avant l’avènement du Code de la Famille et des personnes, elles vont hériter de leur époux. Il faut forcément un conseil de famille, répertorier tous ses biens sur l’imprimé que vous allez retirer au Tribunal de Ouidah. Ainsi, ces biens seront divisés en quatre parties, une part reviendra aux quatre épouses et les trois-quart seront divisées entre toutes les enfants filles comme garçons. »

 

Kiossi Justine, cultivatrice et vendeuse de nourriture à Kpomassè

Kiossi Justine, cultivatrice et vendeuse de nourriture à Kpomassè

Kiossi Justine, cultivatrice et vendeuse de nourriture à Kpomassè : J’ai comme impression que cette séance de sensibilisation réveille les femmes de kpomassè de leur sommeil. Ici, les femmes ne représentent rien, nous n’existons que lorsqu’il faut cotiser pour les cérémonies. Le plus souvent, les hommes s’accaparent des terres de nos parents et nous laissent dans la misère et la  pauvreté. Maintenant que nous sommes sensibilisées sur ce que nous devons faire désormais, pouvons-nous compter sur vous quand nous serons confrontées à des problèmes fonciers ? Allez-vous nous soutenir dans notre révolte pour résoudre ces problèmes ? Si oui, laissez-nous alors vos contacts.

Réponse : C’est vrai le siège de Wildaf-Bénin est à Cotonou mais nous travaillons avec les Centres de Promotion sociales (CPS). Alors dès que vous êtes confrontées à des problèmes fonciers, allez vers les CPS, posez leurs vos problèmes et ils vous aideront à les résoudre en vous indiquant les démarches à suivre et si possible à nous contacter.

 

Atindéhou Jeanne, éducatrice à l’école maternelle à Kpomassè

Atindéhou Jeanne, éducatrice à l’école maternelle à Kpomassè

Atindéhou Jeanne, éducatrice à l’école maternelle à Kpomassè : Ma préoccupation est celle-ci : nous avons un grand domaine appartenant à notre collectivité ici à Kpomassè. Il a été déclaré domaine public et quand la mairie a voulu nous dédommager, on nous a donné juste quelques terres alors qu’elle nous reste devoir plus de 85 carrés. Toute tentative pour être dédommagé est vaine. Qu’allons-nous faire maintenant ?

 

 

Véronique Fagla, vendeuse au marché Kpassè

Véronique Fagla, vendeuse au marché Kpassè

Véronique Fagla, vendeuse au marché Kpassè : Il y a 6 mois, ma fille a perdu son époux. Après ses obsèques, elle a refusé de faire les cérémonies de veuvage exigées par la famille de l’homme. Pour ce faire, jusque-là, le conseil de famille n’a pas été tenu, rien n’est fait et elle est privée de tous les biens de son époux alors qu’elle a ses enfants à charge. Je voudrais savoir ce que disent les nouvelles dispositions légales.

« Réponse : La loi n’a pas prévu les cérémonies de veuvage. Elle est restée silencieuse car nous sommes dans un pays laïcs et il y a la liberté de religion ; ce qui veut dire que chacun est libre de pratiquer la religion de son choix. Si votre fille refuse de faire les cérémonies de veuvage, cela ne peut suspendre la tenue du Conseil de famille. En principe, cela doit être déjà pour qu’un administrateur des biens soit désigné afin de permettre à la veuve de bénéficier des avantages liés à sa situation pour faire face aux besoins de ses enfants. Si le silence de la famille continue, elle peut se référer aux autorités judiciaires qui vont l’aider en tenant un conseil de famille judiciaire surtout qu’elle est une femme mariée à l’état civil ».

 

 

Jocelyne Houngbédji

Jocelyne Houngbédji

Jocelyne Houngbédji : Il y a déjà vingt que mon père est décédé, il était gendarme et disposait des terres. Un conseil de famille a été fait et un administrateur des biens a été désigné. Mais tout récemment, il a été procédé à la répartition des terres et on m’a donné une terre mais qui n’a pas de convention. Que vais-je faire alors pour sécuriser cette terre ?

Réponse : Il faut obtenir d’abord la copie du Procès-verbal du conseil de famille et les papiers de répartition signés par les bénéficiaires et homologués par le tribunal. Il faut également avec les services d’un géomètre, faire les levées topographiques pour connaître les limites de ta parcelle. Ce n’est qu’après l’obtention de ces papiers que tu vas procéder à la mutation du terrain que tu viens d’obtenir en ton nom.

 

Mme Adélawa Jeanne, cultivatrice à Ouidah

Mme Adélawa Jeanne, cultivatrice à Ouidah

Mme Adélawa Jeanne, cultivatrice à Ouidah : Mon gendre, l’époux de ma fille était un particulier et a pu construire sa maison. Il est décédé il y a quelques mois et juste une semaine après son décès, son frère a demandé à la veuve et aux orphelins de le rejoindre chez lui. Et qu’il souhaiterait mettre en location la maison de son frère défunt. Mais rassurez-vous, les enfants orphelins déjà adultes ont refusé de quitter la maison de leur père.

 

Mignonhounzé Justine, couturière à Tori-Avamè : J’ai déjà fait le mariage religieux et je pensais que c’est fini mais après cette séance, j’ai compris que je dois entreprendre d’autres démarches : celles qui consistent à tout mettre en œuvre pour célébrer le mariage civil avec mon époux.

Ensuite, nous sommes 10 enfants pour notre père soit 3 filles et 7 garçons. Ma maman à elle seule, a fait 9 enfants et ils sont mariés à l’état civil. Mon père dispose de plusieurs terrains, des domaines ; des années durant, il a loué une partie de ces terres à un Monsieur qui est en difficulté, à la recherche de terre cultivable.  Aujourd’hui après le décès de mon père et  de ce dernier, ses enfants ne veulent pas nous laisser la terre estimant que ces terres appartenaient à leur père. Je retiens alors que si au départ, il y avait des papiers qui attestaient ces terres ont été gracieusement mis à la disposition de ce Monsieur, nous ne seront pas confrontés à ces problèmes aujourd’hui.

Propos recueillis par: Aline A. ASSANKPON H.


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