Flash Infos:

Entreprenariat des jeunes / Entretien : Les confidences de Mabel Adékambi, promotrice des liqueurs King of Soto : « King of Soto, c’est la fierté du Bénin… »


3 156 Vues

Jeune entrepreneure et mère au foyer, Mabel Adékambi a reçu une formation solide en Tourisme et en Entreprenariat en France. Rentrée au pays depuis cinq ans pour se prendre en charge, elle a voulu initier quelque chose de typiquement béninois. Un rêve qui, du moins a pris corps avec les liqueurs King of Soto. D’où son sacre, Meilleur starts-up du Get in the ring du Bénin, il y a quelques semaines. Désormais, elle est l’ambassadrice des jeunes entrepreneurs béninois au Get in the ring mondial qui se déroulera à Singapour en Mai 2017. Ici, à travers un entretien à bâton rompu, elle se confie à votre journal.

Ph/DR-: Mme Mabel ADEKAMBI, promotrice des Liqueurs King of Soto

Ph/DR-: Mme Mabel ADEKAMBI, promotrice des Liqueurs King of Soto

Mabel Adékambi, vous avez été sacrée Meilleur starts-up des Plans d’affaires du Get in the ring du Bénin, le vendredi 31 Mars dernier ; quelles sont vos impressions ?

Mabel Adékambi : Je suis vraiment émue. Vous savez, mon associé s’appelle Carole, c’est avec elle que je travaille. Donc le jour-là, toutes les deux, nous avons pleuré ; elle était là, à l’entrée de la salle et elle me regardait. Nous revenons de très loin. On a vraiment galéré.

Il y avait 23 entreprises inscrites pour ce concours : 14 ont été sélectionnées et 08 sont retenues pour la finale (4 hommes et 4 femmes).

Ça c’était la belle surprise, les projets étaient magnifiques, tous les projets étaient bons. Je ne savais pas qu’il y avait des choses comme ça qui se faisaient au Bénin. Je suis contente de gagner le prix.

D’où est partie l’idée de la fabrication des liqueurs King of Soto ?

Je répète souvent que mes parents sont patriotes, ils m’ont inculqué l’art de faire quelque chose soi-même, d’entreprendre. J’avais décidé de me lancer dans l’entreprenariat quoi qu’il en arrive.

Au départ, j’ai lancé les liqueurs Soto sur un concours de circonstance, ce n’était pas pour la commercialisation. C’était quelques fruits macérés dans notre alcool Sodabi que j’ai servi aux amis qui ont apprécié et m’ont demandé de le commercialiser.

En effet, c’était le 24 Décembre 2012 où j’ai organisé une fête avec des amis et  je me suis demandé, qu’est-ce que je vais faire de typique ? Donc j’ai acheté des bocaux en verre de trois litres, j’ai mis dans chaque bocal, une catégorie de fruits bien coupés en morceaux : pastèques, mangues, ananas, oranges, bananes et puis j’ai versé du Sodabi sur ces fruits et laisser macérer. Quand mes amis ont dégusté cette mixture, ils ont dit que c’est formidable.

Ce qui est génial dans l’histoire, c’est qu’un an plus tard, quand j’ai servi les restes – de cette préparation qui étaient rangés dans l’armoire – aux amis, ils ont adoré. Ils m’ont dit : « Mabel, ce que tu as là, c’est formidable. Il faut nous préparer ça, nous allons l’acheter ». Puisque ces mixtures avaient un goût particulier avec l’arôme des fruits, c’était le top.

Je suis allée solliciter l’appui financier de mon père pour me lancer dans la fabrication de ces liqueurs ; mais il m’a dit : « Ecoute ma fille, va voir la banque ». Je ne suis pas allée voir la banque qui m’aurait demandé trois ans de bilan, des garanties, etc.

Dans le temps, j’avais une petite agence de communication et j’ai commencé avec une petite quantité, 10 litres et avec mon associé dans le temps, nous avons conçu des étiquettes intitulées « Soto by Fram » collées sur les bouteilles ; (Ndlr : Fram c’est-à-dire les initiales de Mabel Adékambi). Et de bouche à oreille, on a commencé par commercialiser cela. Progressivement, de 10 litres, on est passé à 15, 20 litres ainsi de suite et aujourd’hui, nous sommes à 100 litres par mois.

Mais, un an après, j’ai fermé l’agence de communication qui ne tournait plus bien. Mon associé dans le temps, n’était pas d’accord et m’a interdit avec menaces d’utiliser les étiquettes conçues ensemble. Quand j’ai dit que j’ai pleuré le jour-là, c’est parce que cela a été conçu sur beaucoup de peines. C’était vraiment pénible, ce que j’ai enduré. J’ai voulu même arrêté et Carole (ndlr : l’actuelle associée) m’a dit : « On continue ». On a commencé par courir à gauche, à droite pour concevoir une nouvelle étiquette ; d’où King of Soto (le Roi du Sodabi).

PH/DR-: Ci-dessus, l'une de liqueurs King of Soto (arôme Ananas)

PH/DR-: Ci-dessus, l’une de liqueurs King of Soto (arôme Ananas)

Présentez-nous un peu le processus de fabrication de vos liqueurs ?

Notre production est tout à fait basique. On a achète le Sodabi, des fruits, des épices (gingembre et piment vert). Au fait, on se fait plaisir, c’est comme si vous allez dans votre cuisine et vous avez envie de faire du riz au gras, vous y mettez tout ce que vous voulez.

Eh bien, c’est la même chose. Chaque parfum a sa recette. Quand on choisi par exemple l’ananas, il y a ce que nous devons utiliser pour le mélange. Nous utilisons aussi la pomme à étoile appelée chez nous « Azon-bébé ». Le Soto ananas est jaune, le Soto gingembre est un pâle, le Soto Mange est un peu orange, ainsi de suite. Nous utilisons les fruits selon les saisons.

Vous ambitionnez de faire connaître vos liqueurs à travers le monde, envisagez-vous de produire le Sodabi dans vos structures afin d’assurer la qualité et la traçabilité de vos produits ?

Nous voulons mettre en place un système un peu plus avancé que ça ; parce que le but, c’est de créer la richesse. Il n’est pas question de priver certains producteurs de leur moyen de subsistance. La fabrication du Sodabi, ce n’est pas seulement à but lucratif, mais il y a un côté social derrière. Les paysans quand ils mettent en terre les semences, ils ne font plus rien, c’est la pluie qui fait le reste. Donc la fabrication du Sodabi est une activité qui leur permet de gagner du temps et de l’argent.

Donc notre projet, ce n’est pas de leur arracher ce gagne-pain, mais plutôt de renforcer leurs capacités à travers des formations, de les outiller des matériels de dernière génération et de mettre en place un mécanisme de contrôle afin d’assurer la traçabilité et de répondre aux questions de normes internationales.

Certes, nous envisageons d’installer le matériel nécessaire pour distiller une petite quantité du Sodabi mais le reste sera toujours approvisionné chez les producteurs.

Les emballages (la bouteille et le couvercle) vous les approvisionnez sur place? Sinon, cela n’a-t-il pas un impact sur le prix de revient? Sont-elles à la portée de tous les Béninois ?

La condition numéro 1 pour laquelle je continue cette activité à ce jour, il faut que tout le monde achète mon produit. C’est une bouteille de 50 cl vendue à 3700 à 4000 Fcfa dans la plupart de nos supermarchés. Nos prix ne sont pas exorbitants, c’est un peu plus cher que les liqueurs de mauvaise qualité sur le marché. C’est un produit de très bonne qualité qui répond au rapport qualité-prix. Pour gagner suffisamment, nous devons augmenter notre production afin de répondre aux charges afférentes.

Quant aux bouteilles, elles sont approvisionnées sur place et les capsules et bouchons sont importés de l’Europe. Mais nous sommes en train de travailler avec la structure qui nous fournit les bouteilles pour disposer aussi ces capsules, bouchons et emballages sur place.

En tant que jeune entrepreneur, combien de personnes employez-vous dans votre unité de production ?

Non, je ne peux pas dire que j’emploie. J’ai des associés, c’est des gens qui se tuent à la tâche. Il y a cinq  personnes et la majorité font du saisonnier, nous ne travaillons pas en plein temps. La production dure environ huit jours.

Vos difficultés tant au niveau du processus de production que de distribution.

Notre première difficulté est financière, ensuite il y a l’information et la règlementation. Pour bénéficier d’appui bancaire, il faut déposer trois ans du bilan, alors que nous venons d’avoir deux ans. Mais depuis que nous avons reçu ce prix, des banques nous appellent pour nous soutenir.

Par rapport à la règlementation, il faut une centrale d’information. Il n’existe pas seul un pôle pour toutes les informations; ni un plan d’orientation ; il faut les chercher soi-même.

Par ailleurs, nous avons fidélisé nos fournisseurs qui savent que chaque mois, nous prenons telle quantité et nous avons nos techniques pour détecter la qualité. Quand ce n’est pas bon, on arrête de travailler avec eux. C’est simple. Eux-mêmes, savent que c’est la qualité des produits livrés qui maintient la relation de travail.

Pour ce qui concerne la distribution, nous travaillons avec une société qui se charge de la distribution pour nous.

Ph/DR-: 'Il faut que les gens découvrent King of Soto, qu’il soit sur toutes les tables...'

Ph/DR-: ‘Il faut que les gens découvrent King of Soto, qu’il soit sur toutes les tables…’

Mabel Adékambi, à travers votre activité, vous rassurez ainsi la jeunesse béninoise à aller vers l’entreprenariat, vecteur de création d’emploi et de richesse ?

Oui, il y a plein de petites choses qui sont en train d’être créées. J’ai découvert tout récemment de magnifiques choses chez nos fournisseurs d’emballages. Et quand je vois les échantillons, je comprends qu’il y a de belles choses qui se font dans le pays.

Savez-vous pourquoi votre plan d’affaires a été retenu à cette soirée-là ?

Tous les plans d’affaires étaient bons. Je ne suis pas la plus expansive du groupe. Franchement, je suis un peu timide. Mais je crois que dans mon plan d’affaires, il y avait un produit que je mettais en avant : le Sodabi et les fruits locaux. Il faut que les gens découvrent King of Soto, qu’il soit sur toutes les tables. C’est important, c’est la fierté du Bénin.

En Mai prochain, vous allez défendre les couleurs béninoises à travers l’entreprenariat des jeunes à Singapour pour le Get in the ring mondial. Etes-vous prête pour ce challenge ?

Depuis que j’ai gagné le concours, on court partout parce que tout ce qu’on avait demandé et qu’on n’avait pas eu ; on a commencé par l’avoir. Les institutions financières ont commencé par s’intéresser à nous ; on nous prend un peu plus au sérieux. On regarde notre produit de plus près. Il faut savoir qu’on a beaucoup travaillé sur le design aussi. Et depuis, on gère plusieurs choses en même temps. On doit travailler sur la production et l’augmenter et ensuite aller au différents rendez-vous et enfin préparer Singapour. Donc, s’il y a un stress à gérer, c’est uniquement la nuit quand je ne dors pas que je pense à Singapour. Mais en pleine journée, il y a tellement de choses à faire.  Mais on se prépare car je suis coachée par quelqu’un en anglais.

Vous avez certainement des attentes et des appels ?

Demander, c’est difficile ; c’est espérer qu’il y ait une réponse positive. Or la réalité c’est tout autre chez nous. J’aurais aimé que l’Etat, à travers le Ministère du Tourisme, nous reçoive pour échanger sur les possibilités d’accompagnement.

Ce que je demanderais à la population béninoise, c’est de continuer à consommer nos produits locaux ; surtout les liqueurs King of Soto pour les dots, mariages, baptêmes, cérémonies et moments de réjouissance. Des bouteilles, parfums et arômes personnalisés peuvent être faits sur commande. Il suffit de nous contacter.

Propos recueillis : par Aline ASSANKPON


Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'une étoile *

*

Revenir en haut de la page