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Opinion : CYBER DÉLINQUANCE ET FETICHE KENESSIH


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Ils montrent qu’ils sont bien dans leurs peaux, ces jeunes: voitures 4 x4, portables plaqués argent, chaines or, oreilles poinçonnées d’anneaux, montre à gros cadran à défaut d’être du Rolex. Puis, les fringues : veste alpaga, Jean Wrangler, chaussures croco. Et les lunettes noires  qui leur mangent le visage: adroitement grossières, elles donnent à leurs minois rasés de près le style gangsta.

Ph/DR-: Florent Couao-Zotti, Eminent Ecrivain béninois

Ph/DR-: Florent Couao-Zotti, Eminent Ecrivain béninois

Au Bénin, les jeunes qui veulent être dans le vent, n’ont que ces modèles en vue. Modèles dictés par les stars de musique, de cinéma et du sport et abondamment relayés par les programmes télés, les clips vidéos, les réseaux sociaux et les médias alternatifs, ils  montrent à tous que la vie n’est qu’une succession de fêtes, avec des villas cossues, du champagne qui coule à flots, les cigares fumés en bonne compagnie, des piscines remplies de filles en bikini. Une vie facile, presque hors temps, sans aucun idéal mais financée par une cyber délinquance devenue inquiétante.

Le gangstérisme par internet a gagné une bonne partie de la jeunesse béninoise. Une jeunesse plutôt performante dans le génie et l’art de la filouterie et qui a trouvé sur le net le moyen idéal de s’enrichir facilement.* *Dans leurs échanges avec leurs futures victimes — généralement les occidentaux naïfs et bêtes — ils passent pour être des gays, des homosexuels persécutés par leurs familles qui ne demandent qu’aide ou protection en échange de quelques services à rendre. Comme par exemple leur vendre des biens hérités de leurs pères. Maison. Immeuble. Poudre miraculeuse censée apporter le bonheur. Et autres bizarreries à fourguer au Blanc désespéré ou en quête d’amour. A la longue, le terme est devenu « gayeman ».

Opérant depuis la petite escroquerie jusqu’à la criminalité sanglante avec morts d’hommes,  la cyber délinquance se nourrit aussi des pratiques magico-religieuses. Des apprentis sorciers, démarchés avec force bourse, implantent aux domiciles des requérants le fétiche Kenessih, censé leur assurer l’impunité, la protection et surtout la réussite continue dans leurs  » affaires « . En retour, le fétiche a besoin d’être arrosé de sang. Car, le Kenessih en question est un vampire, buveur invétéré d’hémoglobine dont la puissance croit selon la générosité de son propriétaire.* *Et s’il n’est pas régulièrement alimenté, c’est contre lui, en fin de compte, qu’il s’attaque. Scènes dignes de figurer dans les thrillers américains: quand le gayeman se rend compte que son vampire est en manque, on le voit courir, parcourir les centres de transfusion sanguine à la recherche du liquide précieux. Et si dans ces structures, le sang n’est pas disponible — d’ailleurs il n’est jamais à portée de main du premier quidam venu — alors, il organise et finance des rapts d’enfants. C’est comme ça qu’on découvre quelques fois des cadavres de petits garçons ou filles, égorgés et jetés dans les bas-fonds.

Mais ce scénario ne s’écrit jamais à l’avance. Car, souvent, ce sont les gayemans eux-mêmes qui connaissent des fins atroces, broyés au cours d’accidents horribles ou mortellement atteints par une arme blanche dans des conditions rocambolesques et improbables. Ils meurent ainsi en répandant du sang, abondamment du sang, celui qui, justement, a manqué à leurs fétiches pour être régénérés.*

*On sait qu’en Afrique plus qu’ailleurs, la jeunesse manque cruellement de représentations. A part le sport, la musique et le cinéma, l’image de l’homme qui a bâti fortune à la force de ses deux poings, à la sueur de son front, à son intelligence, n’existe guère. Mais il n’empêche que des gens de ce profil vivent et travaillent sur le continent, hors le bling bling et les artifices en vogue.* *Car, il est possible d’offrir à la jeunesse ces exemples plus terre à terre, plus crédibles, en tout cas à la dimension de nos réalités. Des réalités certes âpres, mais desquelles ont émergé des fils de pauvres parce que tenaces, parce que décidés, parce que mentalement forts.*

Florent Couao Zotti

 

 


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