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Opinion : « Si Talon ne s’était pas octroyé un mandat unique ; Nous sommes prêts à lui refuser le second mandat pour le punir sévèrement »


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Après cent jours de gouvernance et en attendant le bilan des six premiers mois, Talon s’en tire plutôt bien. Cependant, l’on n’aura pas tardé à lui trouver comme un talon d’Achille : ce sont les dix millions f CFA alloués à chacun des 35 membres de la commission ayant travaillé pendant un peu plus d’un mois à faire des propositions de toilettage de notre Constitution. Comment se peut-il qu’il ait payé à cette hauteur vertigineuse des experts qui ont passé 33 jours à lire et à écrire, assis dans un bureau ? C’est ça, la rupture ?

Ph/DR: Le Professeur Roger Gbégnonvi, Auteur de cette réflexion

Ph/DR: Le Professeur Roger Gbégnonvi, Auteur de cette réflexion

Au début du Renouveau démocratique, l’Etat béninois avait déboursé la même somme pour l’évacuation sanitaire de la première Dame qui risquait la cécité. D’éminents politiciens poussèrent alors des cris d’orfraie aux oreilles du Président Soglo : ‘‘Remboursez ce que vous avez volé !’’ Aujourd’hui, c’est surtout dans les chaumières que ça ronchonne. Et si ce malin de Talon ne s’était pas octroyé dès le départ un mandat unique, nous voilà déjà prêts à lui refuser le second mandat pour le punir sévèrement d’avoir ‘‘donné tous nos sous à des gens assis’’.

De Soglo à Talon, notre pauvreté matérielle et mentale sera-t-elle restée intacte ? Dès que nous entendons parler d’argent en termes de millions possédés par X ou Y, nous avons la tremblote. Le milliard, quant à lui, nous met au bord de la pâmoison. Quoi donc ? Un homme, une femme, détenir l’innommable ? Car pour notre défense, il faut dire qu’aucune de nos langues ne sait nommer le million, a fortiori le milliard. Nos villages comptaient moins de mille âmes, nos champs quelques centaines de palmiers, nos troupeaux quelques dizaines de bêtes. Nous n’avons donc pas de mot pour dire des nombres inconnus. Le million ou le milliard sont des extravagances modernes propres à nous propulser dans le décor. Pour notre défense encore : la pyramide salariale du Bénin est surtout constituée de chômeurs (sans revenu), de smicards (autour de 31.000 f le mois), de faiseurs de petits boulots, de revendeurs d’essence de contrebande (tous sans revenu fixe), de petits fonctionnaires (autour de 100.000 f le mois). Au tout petit sommet de la pyramide se trouvent des gens bizarres qui comptent en millions et milliards. La masse des Béninois a tendance à les regarder comme des extraterrestres qu’on ne sait comment approcher. Fascination et trouble de la fascination. Pour la défense de Talon, il faut dire que l’opérateur économique qu’il fut payait grassement ses employés pour s’assurer de tirer d’eux le meilleur et que, logeant à la même enseigne ‘‘ses experts climatisés’’, il aura oublié le regard courroucé de la masse des Béninois, tirant encore et toujours le diable par la queue.

Mais cette largesse ne suffit pas pour atteindre Achille au talon. Se rappelant le scandale salarial que fit le Seigneur en faveur des ouvriers de la dernière heure, on épargne à Talon la damnation, et on l’attend au tournant des futures commissions qui lui promettent l’enfer : s’il maintient les mêmes honoraires, nous lui reprocherons gravement de n’écouter personne ; s’il les révise à la baisse, les ‘‘mal payés’’ lui reprocheront d’être tout uniment populiste, faible et injuste. Solitude du pouvoir ! Et Talon de s’interroger avec  Lamartine : ‘‘Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges / Jeter l’ancre un seul jour ?’’

Or donc, point de repos pour Talon. La querelle, mesquine, autour des dix millions est le reflet de notre grave problème mental : ce qui est accordé à l’autre, nous le regardons á l’aune de notre pauvreté, et pas à l’aune de l’effort à fournir pour atteindre, nous aussi, à quelque richesse, à quelque sagesse ; nous tirons la vie vers le bas au lieu de la tirer vers le haut. Si Talon peut nous persuader de guérir de ce mal qui nous crucifie, l’épisode des dix millions n’aura pas été son talon d’Achille, car il sera simplement Talon, ‘‘porté en triomphe par les Béninois dans cinq ans’’. Comme il se le souhaite. Comme nous le lui souhaitons.

Roger GBÉGNONVI

 

 


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