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Bénin / Gouvernance : Patrice Talon (re) fait main basse sur l’économie (Lettre du Continent N° 732 – Paris, le 22 juin 2016)


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La main sur le cœur, Patrice Talon avait exclu, durant sa campagne électorale, tout mélange des genres s’il venait à être élu à la tête du Bénin. Un Vœu pieu. Désormais locataire de la Marina, l’homme d’affaires s’emploie à replacer l’ensemble de ses entreprises dans les secteurs stratégiques dont son prédécesseur, Thomas Boni Yayi l’avait écarté. Au risque d’alimenter de sérieux conflits d’intérêt. Analyse.

Ph/DR: Patrice Talon, président de la République

Ph/DR: Patrice Talon, président de la République

« Or blanc ». Pressé par le calendrier de la campagne cotonnière, le nouveau président béninois s’est rapidement réapproprié son statut de magnat de « l’or blanc » pour la récolte 2016/2017. Les huit conseils des ministres tenus depuis son investiture, le 6 Avril, lui ont permis de recontrôler cette filière de bout en bout sans que le coordonnatteur du gouvernement  Pascal Koupaki ou ses ministres n’aient eu leur mot à dire. Dès sa prise de fonction, l’homme d’affaires a levé les réquisitions, opérées par l’Etat depuis janvier 2014, sur six des dix usines de la Sodeco dont il est l’actionnaire majoritaire (51%). La société publique, Sonapra a été sommée de régler 12 milliard de Fcfa (18,2 millions Euros) d’indemnités liées à ces réquisitions.

Parallèlement, l’Association interprofessionnelle du coton (AIC) a été relancée. Cette structure longtemps dirigée par Mathieu Adjovi , l’un des bras-droit de Talon, gérait l’ensemble de la filière (relations avec les cotonculteurs, distribution d’intrants…), avant d’être dissoute par le précédent régime. Peu avant le début de campagne en main, Patrice Talon s’est par ailleurs fourni en engrais (50 000 t) auprès de la société singapourienne Mekatrade.

Le Port en ligne de mire. Au monopole retrouvé dans le coton, s’ajoute la volonté du chef de l’Etat de se relancer au Port Autonome de Cotonou (PAC), poumon économique du pays et rente financière pour de nombreux opérateurs. Talon entend notamment remettre en selle société Bénin Control. En 2011, cette dernière avait remporté le marché de vérification des importations et des exportations dans l’enceinte portuaire avant qu’il ne lui soit retiré unilatéralement par Thomas Bonqi Yayi (LC n° 634). Le président béninois , qui s’estime toujours détenteur de ce marché, a commencé à inquiéter les structures actuellement impliquées dans ce secteur lucratif. C’est le cas de Solutions technologies des transports du Bénin (STTB), spécialisée dans la gestion informatisée des mouvements de poids-lourd dans le port. Elle a reçu ces derniers jours plusieurs courriers comminatoires du nouveau ministre des transports, Hervé Hèhomey, la mettant opportunément en garde pour le non-respect de son cahier des charges. D’autres entreprises comme la Sobemap, le Conseil National des Chargeurs du Bénin (CNCB)  ou la Société de transport maritime  Cobenam viennent de changer de direction. Des nominations directement pilotées depuis le Palais de la Marina. Pour parachever  cette stratégie, un nouveau DG doit être nommé dans les prochaines semaines à la tête du PAC pour succéder à l’actuelle directrice intérimaire, Huguette Amélie Amoussou.

Presse sous contrôle. Richissime, Patrice Talon influe sur de nombreux médias déjà prêts à légitimer ses actions, voir à fermer l’œil sur la frontière particulièrement poreuse qu’il place entre sphère privée et publique. En 2014, il est entré au capital du Canal 3 Bénin de l’homme d’affaires Issa Salifou. Proche de nombreux autres médias (Le Matin, Le Potentiel, Nouvelle Expression…) et de patrons de presse  dont Charles Toko, propriétaire du groupe Le Matinal, le président travaille par ailleurs à la mise en place d’une imposante direction de la communication. Outre promouvoir sa politique, cette structure logée à la présidence serait chargée de gérer la communication de tous les ministères. Une première dans le pays.


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