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Interview : « Aujourd’hui, vous ne pouvez pas former de bons ingénieurs sans l’apport des sciences mathématiques»


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M. Thierry Zomahoun, président du Next Einstein Forum (NEF) apporte ici quelques réponses sur les objectifs et les défis de cette plateforme mise sur pied pour les jeunes scientifiques africains. Interview réalisée par Sci Dev Net Afrique et postée sur youtube.com.

Ph/DR-: M. Thierry Zomahoun, PDG de l’Institut africain des Sciences mathématiques (African Institute for Mathematical Sciencs - AIMS) et Président du Next Einstein Forum (NEF)

Ph/DR-: M. Thierry Zomahoun, PDG de l’Institut africain des Sciences mathématiques (African Institute for Mathematical Sciencs – AIMS) et Président du Next Einstein Forum (NEF)

M. le président, à quand remonte cette initiative sur les STIM ?

M. Thierry Zomahoun : Il y a exactement trois ans, nous avons organisé en Afrique du Sud, une grande rencontre de nos anciens Etudiants, ceux qui ont fait nos instituts et ont eu leurs diplômes et sont en train de travailler à travers le monde entier. On s’est aperçue qu’il fallait une plateforme mondiale pour permettre à nos jeunes talents scientifiques (femmes et hommes) de s’exprimer  sur l’échelle internationale. Ça, c’est un premier constat.

Le deuxième constat, constituait à faire une petite enquête à l’échelle mondiale, de voir exactement où se déroulent les grands projets scientifiques ou fora-scientifiques au monde ? Nous sommes aperçus que vous aviez de grands sommets ou conférences scientifiques en Amérique du Nord, en Europe, en Asie, mais quant au continent africain, c’est très rare de voir un forum scientifique d’envergure de ceux que vous voyez en Occident.

Nous avons donc décidé il y a trois ans de mettre sur pied le Next Einstein Forum et de l’organiser dans un pays africain. C’est une plateforme mondiale qui permet à la jeunesse scientifique africaine, de s’exprimer, d’exprimer ses talents technologiques et scientifiques et de montrer à la face du monde les projets scientifiques sur lesquels ils sont en train de travailler, de partager leur découverte et leurs innovations scientifiques.

Quelles actions entreprenez-vous au niveau du Next Einstein Forum pour que la donne change au niveau de nos Etats en termes de programme d’enseignement?

Les sciences mathématiques sont marginalisées. Pourquoi elles sont marginalisées ? Parce qu’elles sont mal enseignées parfois ; à cause aussi de certain héritage colonial à une époque où beaucoup d’Africains n’avaient pas accès aux études scientifiques. Elles sont marginalisées aussi parce que, nos compatriotes dans beaucoup de pays, ne mesurent pas l’importance des sciences mathématiques, ce que ça peut amener à changer. Aujourd’hui, vous ne pouvez pas former de bons ingénieurs sans l’apport des sciences mathématiques.

Et donc, quand vous regardez ça, et vous mettez en perspectives les projections que l’Afrique a besoin d’un million et demi d’ingénieurs pour maintenir et propulser sa transformation, ça vous dit tout. Vous ne pouvez pas former d’un million et demi d’ingénieurs, si vous n’avez pas un socle des sciences mathématiques robuste. Aujourd’hui, vous avez plus d’ingénieurs africains aux Etats Unis que sur le continent africain. Donc nous avons toutes les statistiques à notre niveau ; nous avons toutes les données pour changer les choses.

Pour changer les choses, on ne va pas simplement s’appuyer sur les scientifiques, ni les universitaires ; il faut impliquer les décideurs politiques, le secteur privé, la société civile et nos communautés.

PhDR-: "...Nous avons beaucoup de diplômés. Mais à quoi servent-ils ?"

PhDR-: « …Nous avons beaucoup de diplômés. Mais à quoi servent-ils ? »

Les un million et demi de scientifiques formés pour le continent, est-ce qu’ils ne vont pas partir comme ceux qui les ont précédé ?

Ce qui est un problème, ce n’est pas les former. Et le peu qu’on forme, on continue de les voir partir. Mais si on les forme, de jeunes ingénieurs, de jeunes scientifiques et qu’on leur offre le cadre adéquat pour travailler et pour y vivre avec leur famille. Ceux qui sont même déjà aux Etats-Unis peuvent rentrer.

Deuxième chose : si on donne à nos scientifiques la plateforme que nous sommes en train de leur offrir aujourd’hui, à travers le forum Next Einstein et on leur permet de faire de la recherche, de parler de leur projet scientifique, de façon à ce que le monde entier voit ce qu’ils sont en train de faire ; comment ils sont en train de contribuer à l’avancement de ce continent et puis au reste du monde entier, je crois qu’ils ne partiront pas. Parce qu’ils ont l’environnement qu’il faut ici et cet environnement est tout à fait adéquat.

On n’a constaté que dans les perspectives, vous avez des ambassadeurs dans tous les pays du continent. Quel est le rôle précisément ?

Chacun de tous ces ambassadeurs que nous avons à ce Forum Next Einstein joue le rôle traditionnel d’un ambassadeur. Nous voulons pouvoir les utiliser pour qu’ils sensibilisent leurs compatriotes dans leurs pays respectifs, à l’importance de la science surtout des sciences mathématiques. Nous voulons également leur offrir une communauté de scientifiques au sein de laquelle, ces 54 jeunes puissent épanouir, échanger des idées, partager des projets scientifiques, réfléchir, faire des recherches ensembles et collaborer.

Parmi ses ambassadeurs, il y en a qui n’ont pas fait de très hautes études, qui n’ont pas un doctorat. Comment cela s’explique ? Est-ce qu’ils vont comprendre les objectifs et les défis qui sont les vôtres ?

D’abord je dois vous dire qu’il y a une différence entre éducation et diplôme. Le diplôme ou les diplômes, ce n’est pas ce qui manque en Afrique. Nous avons beaucoup de diplômés. Mais à quoi servent-ils ? Et donc, vous pouvez être un scientifique et ne pas avoir le doctorat. Je crois que je ne vous apprends rien ; quand vous regardez la vie de Einstein, ça vous dit énormément de choses. Ce n’était pas l’un des étudiants ou l’un des élèves plus brillants de son époque. Mais Einstein continue d’influencer nos vies aujourd’hui. Donc, c’est juste pour vous dire : c’est une bonne chose d’avoir une maîtrise, d’avoir un doctorat ; quand quelqu’un l’a, c’est bon. Mais ce que nous désirons le plus également, c’est l’esprit scientifique. Vous pouvez de la recherche même si vous n’avez pas le doctorat et vous pouvez faire des découvertes même si vous êtes un ingénieur sans doctorat. Nous n’exclurons personnes, nous voulons que le corps de jeunes scientifiques que nous sommes en train de mettre sur pied soit composé de toutes les catégories et les pans d’éducation et de formation que nous avons sur le continent. (Propos recueillis transcrit par A.A.)


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