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Noix de cajou : Bilan de la campagne de noix de cajou ouest-africaine 2020 et perspectives pour 2021 avec Pierre Ricau  


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Ph/Dr: « Les perspectives ne sont pas mauvaises non plus pour les transformateurs parce que le prix de l’amande de cajou est aussi en hausse sur le marché international ».

En 2020, la pandémie de coronavirus a bousculé la plupart des marchés agricoles. L’industrie de la noix de cajou n’aura pas échappé à cette tendance. Entre les craintes sur la demande mondiale et les prix faibles, la campagne écoulée aura tenu en haleine les observateurs du marché. Retour sur les grandes lignes de ladite saison et perspectives pour la saison 2021 avec Pierre Ricau, l’analyste en chef de N’kalo, un service d’information sur les marchés agricoles en Afrique. (Agence Ecofin)

Agence Ecofin : Quel bilan peut-on tirer de la campagne 2020 pour la noix de cajou en Afrique de l’Ouest ?  

Ph/DR: Pierre Ricau, l’analyste en chef de N’kalo, un service d’information sur les marchés agricoles en Afrique

Pierre Ricau : La campagne 2020 a été la 3e campagne la plus difficile en termes de prix pour les producteurs en Afrique de l’Ouest après 2018 et 2019. Les prix offerts ont été très bas. Dans beaucoup de pays de la région, les prix minima fixés par le gouvernement n’ont pas pu être respectés durant la majorité de la saison. La plupart des producteurs ont vendu en dessous du prix minimum parce que la demande internationale n’était pas là. Certains producteurs ont par exemple vendu le kg à 100 Fcfa ou 150 Fcfa alors qu’en 2017, ils l’écoulaient jusqu’à 600 Fcfa. Du coup, il y a eu pas mal de déception du côté des producteurs. On estime à l’heure actuelle que la production a été un peu moins bonne que 2019, l’année du record. En 2020, les estimations de récolte tournent autour de 1,9 million de tonnes de noix de cajou brute récoltées, ce qui fait de l’Afrique de l’Ouest, la première zone de production dans le monde. Mais, la principale bonne nouvelle de 2020 est l’essor de la transformation locale. On a eu de nouvelles usines qui ont été installées dans deux pays qui sont très dynamiques en termes de transformation à savoir la Côte d’Ivoire et le Nigeria. En Côte d’Ivoire, nous avons enregistré une nette augmentation des activités de transformation où on est passé de moins de 60 000 tonnes à plus de 80 000 tonnes traitées localement. Du côté du Nigeria, on est passé de 15 000 tonnes à 25 000 tonnes transformées localement.

AE : Avec la pandémie de coronavirus, des craintes ont plané sur le niveau de la consommation mondiale de noix de cajou en 2020. Qu’en est-il réellement ? 

Il faut dire qu’on ne savait pas trop quel impact le coronavirus allait avoir sur la consommation. Mais au final, cela a été positif. Nous avons eu un effet inattendu. La demande d’amande de cajou (la noix de cajou décortiquée) a été extrêmement dynamique en 2020 avec une forte hausse de la consommation à domicile liée aux différents confinements et au télétravail. Traditionnellement, l’amande de cajou dans les pays occidentaux est un produit surtout consommé à la maison et pas tellement dans le segment de la restauration. Du coup, quand les gens sont restés chez eux, nous avons eu une énorme croissance de la consommation en Europe et aux USA, mais aussi sur d’autres marchés de pays développés comme l’Australie et le Japon. En Chine, la consommation a continué d’augmenter et en Inde, elle est repartie à la hausse après une période d’interruption.

AE : En 2021, de nombreux pays comme la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Burkina Faso et la Guinée Bissau ont baissé le prix versé aux producteurs. Comment expliquer cette tendance à la baisse ?    

Je pense que les gouvernements ont baissé les prix minima parce qu’ils se sont rendu compte que l’année dernière, ils avaient fixé des prix trop élevés par rapport au niveau du marché, prix qui n’ont d’ailleurs pas été respectés pendant la majorité de la campagne. Cette fois-ci, les prix ont été plus bas que la campagne précédente. En Côte d’Ivoire par exemple, on est passé de 425 Fcfa/kg à 310 Fcfa/kg alors qu’au Bénin, le tarif pratiqué est de 300 Fcfa/kg contre 325 Fcfa/kg précédemment. Toutefois, on constate depuis déjà trois semaines que les gens sont en train de payer au-dessus du prix minimum parce que la demande est beaucoup plus forte. Donc, les prix minima sont en train d’être rattrapés et dépassés contrairement à l’année dernière. Au Bénin et au Togo, on est monté de 450 à 500 Fcfa/kg tandis qu’en Côte d’Ivoire, on paie entre 325 et 350 Fcfa/kg, soit largement au-dessus du prix minimum. Et c’est parti pour durer parce que le marché est en manque de matière première.

AE : Quelles sont les perspectives du côté de la demande et de l’offre pour cette nouvelle saison en Afrique de l’Ouest ?      

On attaque la campagne 2021 avec une consommation très bonne. Des niveaux de stocks qui sont relativement bas en Afrique avec très peu de stocks restants de la campagne précédente en Asie notamment en Inde et au Vietnam, les deux principaux transformateurs. A cela s’ajoute, une production qui est assez décevante en Asie et en Afrique de l’Ouest où la récolte pourrait être un peu plus faible qu’en 2020. Du coup avec la demande qui croît et la production qui n’augmente pas voire qui recule légèrement, on est en train d’avoir une belle remontée des prix depuis la mi-mars. Cela est extrêmement positif pour les producteurs parce que dans tous les pays, on a actuellement des prix qui sont supérieurs à ceux de l’année dernière et aux tarifs fixés par le gouvernement. La vigueur de la demande devrait encore se poursuivre en 2021 parce qu’on est toujours dans les phases de confinement et de télétravail aux USA et en Europe. On le voit déjà sur les premiers chiffres d’exportation sur le premier trimestre 2021.

AE : Du côté de la transformation, quelles sont vos prévisions pour 2021 ?

Les perspectives ne sont pas mauvaises non plus pour les transformateurs parce que le prix de l’amande de cajou est aussi en hausse sur le marché international. Et avec les problèmes de manque de conteneurs en Asie, les importateurs américains et européens sont encore plus intéressés que d’habitude à s’approvisionner auprès des usines africaines parce qu’il est plus facile aujourd’hui de faire partir un conteneur d’Afrique de l’Ouest vers l’Europe et les USA que depuis le Vietnam qui est le principal fournisseur du marché mondial. Donc, tout cela booste la demande pour les noix de cajou transformées en Afrique en sachant qu’il y a de nouvelles usines qui commenceront à tourner cette année. La grosse nouvelle de cette année c’est qu’on s’attend à ce que la Côte d’Ivoire atteigne le niveau de transformation du Brésil autour de 150 000 tonnes traitées, ce qui serait excellent ! Et le Nigeria devrait atteindre les 35-40 000 tonnes. Au Burkina Faso et au Bénin également, la transformation est assez dynamique. L’année 2021 devrait être aussi prometteuse pour les transformateurs.

AE : Quels sont les défis qui attendent la filière ouest-africaine de la noix de cajou en 2021 ? 

Je pense que le principal défi c’est la transformation locale qui a besoin d’être accrue. Donc, il faut espérer que les usines africaines arriveront à s’approvisionner. Généralement, quand on a des campagnes avec des prix qui augmentent, le produit est exporté massivement vers l’Asie et par conséquent, les transformateurs nationaux rencontrent des difficultés dans leur approvisionnement. Pour les producteurs, l’enjeu est d’améliorer la qualité du produit parce que malheureusement, quand les prix grimpent, les exploitants sont plus préoccupés par la vente en masse que par un soin de la qualité. Derrière, cela ruine la réputation du pays et peut faire redescendre les prix. Si les transformateurs asiatiques se rendent compte qu’ils sont en train de payer pour un produit de mauvaise qualité, ils vont arrêter les commandes et privilégier des pays comme le Sénégal et la Guinée-Bissau qui font de la meilleure qualité, au détriment d’autres comme la Côte d’Ivoire et le Nigeria dont la qualité est inférieure.

 

 


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