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Projet d’Investissement de Résilience des zones côtières en Afrique de l’Ouest et au Bénin (WACA ResIP-Bénin) – Interview


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Ph: DR-: M. Abdou Salami Amadou, Responsable GEF du projet WACA-ResIP-Bénin (en blanc) avec le groupement des femmes transformatrices de manioc de Tannou à Aplahoué.

« L’intérêt, c’est la gestion durable de nos ressources naturelles au niveau de la zone côtière, hautement touristique » dixit M. Abdou Salami Amadou

Lutter contre l’érosion côtière, identifier et protéger les ressources naturelles floristiques ou faunistiques de la zone côtière du Bénin, ce sont là, les objectifs assignés au Projet d’Investissement de Résilience des zones côtières en Afrique de l’Ouest et au Bénin (WACA ResIP-Bénin). Financé par le Fonds IDA de la Banque mondiale, ce projet du Gouvernement béninois augure déjà des résultats probants dans les communautés ciblées. M. Abdou Salami Amadou, Responsable du Volet GEF (Global Environnement Facility) c’est-à-dire du Fonds pour l’Environnement mondial, apporte ici, des clarifications sur les enjeux et atouts des Aires communautaires de Conservation de la Biodiversité (ACCB) et les Activités alternatives Génératrices de Revenus (AaGR) financés par le projet.

Entretien réalisé par : Aline ASSANKPON

Amadou, vous êtes l’un des experts qui pilotent le Projet d’Investissement de Résilience des zones côtières en Afrique de l’Ouest et au Bénin (WACA-ResIP-Bénin), dites-nous comment délimitez-vous la zone côtière?

Abdou Salami Amadou: La partie méridionale ou zone côtière de notre pays est la partie la plus peuplée du Bénin. Elle représente environ 8% du territoire national et abrite plus de 40% de la population du Bénin. C’est la portion qui part du trait de côte jusqu’à la l’attitude des 7° en évoluant de l’Est vers l’Ouest avec les découpages administratifs. La zone côtière du Bénin englobe une trentaine de communes depuis celles qui ont la façade maritime que sont : Sèmè-Podji, Cotonou, Abomey-Calavi, Ouidah et Grand-Popo ; en remontant jusqu’aux communes qui se trouvent au Sud des plateaux d’Abomey et d’Agonli ; vers l’Est, il y a les communes du Plateau et de l’Ouémé (Sakété, Kétou, Adja-Ouèrè et autres ; vers le centre, il y a Zogbodomey, Houègbo, Toffo, Allada et vers l’Ouest, ça prend en compte toutes les communes du Mono et du Couffo (depuis Aplahoué en descendant dans le Sud jusqu’à Grand-Popo).

A l’instar des pays de la zone côtière, l’Etat béninois a décidé d’investir dans la protection et la gestion des ressources naturelles à travers la création des Aires communautaires de conservation de la Biodiversité (ACCB). Parlez-nous-en.

Quand on a une aussi grande population sur une petite portion du territoire, cela suppose qu’il y a une compétition par rapport à l’utilisation des ressources naturelles et forestières telles que l’eau, le sol pour l’agriculture, l’élevage, etc. La forte exploitation de ces ressources fait qu’elles s’amenuisent d’année en année.

Pour conserver le peu qui reste sur ce territoire, il faut identifier les endroits où nous avons encore des potentiels en biodiversité : les ressources floristiques (végétaux) ou faunistiques (animaux). Malgré la forte densité autour de ces sites, ils regorgent des espèces animales phares comme le singe à ventre rouge, les antilopes d’eaux (Sitatunga) et des espèces végétales telles les palétuviers qui forment la mangrove et autres à protéger.

Ensuite, un processus a permis d’aller vers ces communautés. La démarche part de la Préfecture, aux villages en passant par la commune et l’arrondissement concernée, pour solliciter l’adhésion des villageois à l’idée de créer l’Aire communautaire de conservation de la Biodiversité (ACCB) par la Communauté, elle-même. Sur cette base, elles comprennent que la création des aires communautaires permet de conserver l’existant et nous avons leur adhésion.

Ph: DR6: Le Groupement des femmes Lonlongnon à Athiémé dans la préparation de l’huile de palme.

Avec un bilan à mi-parcours, peut-on savoir les résultats atteints ou attendus et les perspectives du projet ?

Dans le cadre de ce projet financé par la Banque mondiale nous voulons créer trois Aires communautaires de conservation de la Biodiversité (ACCB) : la première au niveau de la lagune côtière de Ouidah (qui regroupe presque tous les villages des arrondissements d’Avlékété, Djègbadji et Houakpè-Daho) ; la deuxième sur le long du chenal Gbaga (qui sert de frontière entre le Bénin et le Togo) et la troisième, c’est la mare aux crocodiles de Tannou à Aplahoué où il y a un conflit d’usage de l’eau entre les hommes et les reptiles. Le processus de création est déjà lancé, nous sommes à l’étape de la mise en place des communautés villageoises.

En termes de résultats atteints, nous avons mis en place les comités villageois au niveau des trois sites retenus. Au niveau de la lagune côtière de Ouidah, dans les trois arrondissements, il y a 20 villages riverains, donc 20 comités villageois sont installés. A Grand-Popo, le long du chenal Gbaga regroupe 11 villages qui disposent déjà les 11 comités villageois. A Tannou, 5 villages dans l’arrondissement de Kissamey, bordent la mare aux crocodiles et les 5 comités villageois sont également installés.

En termes de perspectives, il y a une étude monographique qui va démarrer vers fin octobre 2020 et qui consiste à visiter les sites, voir les espèces animales (serpents, crocodiles, singes, antilopes, etc ) et faire l’inventaire ; et les espèces végétales et faire le détail et savoir qui sont les propriétaires, quels sont les statuts juridiques des différents espaces, suivie d’une cartographie. Sur cette base, nous disposons d’éléments pour continuer les négociations avec les communautés, pour faire le zonage, les modes d’utilisation des terres et la définition des règles de gestion ainsi que le plan d’aménagement. Ensuite, la mairie prendra un arrêté pour créer l’aire communautaire. Dès que ça sera fait, ces trois nouvelles aires communautaires vont s’ajouter aux six qui existaient et on aura neuf (9) aires fonctionnelles dans la zone d’intervention du Projet WACA.

Les Activités alternatives Génératrices de Revenus (AaGR) financées par le projet sont en lien avec la création des aires communautaires, comment gérez-vous ces investissements sociaux ?

Après la réussite de la mise en place de certaines ACCB et l’adhésion des communautés pour la création des autres, on s’est dit qu’on peut aussi quelque chose pour la population, en termes d’activités génératrices de revenus qui permettent de sécuriser ces aires communautaires. Nous avons lancé la sélection des bénéficiaires. Ce qui a conduit à sélectionner en 2019, 32 coopératives (des effectifs variant entre  10 et 35 membres) pour un total de 495 bénéficiaires directs dont 371 femmes soit 75% pour un montant de 268.000.000 Fcfa pour le compte du Projet d’Investissement de la Résilience des Zones côtières en Afrique de l’Ouest (WACA ResIP-BENIN). Les activités financées portent sur le maraichage, la transformation de produits agricoles (noix de palme, manioc, etc.), l’élevage (volaille, porcin, caprin) et la pisciculture.

En 2020, avec l’avènement de la pandémie liée au Covid-19, une deuxième génération est en cours et a conduit, à l’étape actuelle, à la signature des conventions, pour un montant d’environ  69.500.000 FCFA avec 595 porteurs de micro-projets qui recevront les ressources financières par paiement électronique MTN.

Et comment s’organisent les communautés bénéficiaires pour décourager les récalcitrants ?

En plus des AaGR, il y a une Association de gestion des Aires protégées qui est mise en place et composée de 9 ou 11 membres, dont un président, un Secrétaire et un trésorier et tous les autres membres s’occupent du volet Surveillance et sont appuyés par les agents forestiers, garants du respect des normes par rapport à tout ce qui contribue à la dégradation des ressources naturelles.

Les communautés riveraines ont-elles vraiment compris l’intérêt de ce projet ?

Ils ont compris. Je prends l’exemple de la mare aux crocodiles de Tannou. En compensation, les communautés bénéficient d’une AaGR et le projet a pris l’engagement de réaliser des forages à pompe, munis de panneaux solaires dans les 5 villages. La communauté aura accès à l’eau potable contre une somme forfaitaire pour l’entretien de l’équipement. Deuxième avantage, si rien n’est fait, la communauté peut décider un jour de tuer les crocodiles pour avoir accès à la ressource « eau » pour leurs différents usages. Si cela arrivait, les enfants de cette communauté n’auront pas l’occasion de les voir se multiplier et pas d’attraction touristique.

Vers la lagune côtière de Ouidah où on voit les oiseaux d’eaux migrateurs qui quittent l’Europe et l’Asie, si on tue tout ce qu’il a comme espèces végétales qui abritent ces oiseaux, qui sont à l’origine de la prolifération des poissons qu’ils mangent, aucun oiseau ne viendra parce qu’il sera affamé. A Grand-Popo, à l’intérieur de l’aire communautaire de la Bouche du Roy, il y a l’île aux oiseaux.  A 6h du matin, vous allez voir – sans exagération – au moins 10.000 oiseaux et vers 7h, ils partent à la recherche de poissons ; à 18h ils commencent par rentrer. Un circuit écotouristique est tracé pour faciliter l’accès aux touristes.

Vous parlez d’attraction touristique, ces sites peuvent donc générer des ressources financières pour l’Etat et les communes concernées.

Bien sûr ! La mangrove de Togbin Adounko renferme des crocodiles, des singes et des oiseaux d’eaux migrateurs qui quittent l’Europe et l’Asie. Ils y séjournent pendant une période, chaque année. On en a trouvé dans la mangrove et dans la lagune côtière, un oiseau bagué au pied gauche au Pays-Bas.

C’est pourquoi les partenaires nous appuient pour préserver ces sites-là parce qu’ils savent que les oiseaux viennent séjourner ici quand il fait très froid là-bas et ils savent quand retourner dans leurs pays. Si on perd tous ces écosystèmes, ces oiseaux ne reviendront plus. En plus, le biotope est ainsi conservé pour accueillir toutes les espèces animales, surtout qu’au niveau de notre zone côtière, nous abritons en grande quantité des espèces migratrices : du côté de l’océan on trouve des tortures marines, des baleines, etc. Si les conditions ne sont plus optimales au Bénin, ces espèces ne viendront plus.

A Tannou, on va aménager un circuit écotouristique pour valoriser le site, les touristes viendront et paieront quelque chose. Une portion des revenus va rester pour les communautés riveraines, une autre dans les caisses de la mairie et une autre encore dans la structure de gestion du site pour assurer son fonctionnement.

C’est l’intérêt poursuivi par la gestion durable de nos ressources naturelles au niveau de la zone côtière, qui est une zone hautement touristique. Si tout ce qui est naturel s’en va, les touristes Européens et asiatiques ne viendront plus.


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