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Demande de Moratoire ou d’Annulation des Dettes extérieures : La position du Bénin  est claire : « Disposer de ressources nouvelles pour rebondir… »


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Ph: DR-: M. Romuald Wadagni, ministre de l’Economie et des Finances : « Le Bénin ne participe pas aux moratoires tels que proposés par le G20 »

A l’inverse de la Task Force opérationnelle de l’Union africaine qui a fait une demande d’un moratoire ou d’annulation de dettes des pays africains, le Bénin adopte une position qui est à l’antipode de celle défendue par certains acteurs internationaux. Il s’agit plutôt de disposer de ressources nouvelles pour rebondir, faire face à la crise actuelle et honorer ses engagements. «La traditionnelle solution ne résout pas en fait, les besoins actuels. Elle fait perdre de crédibilité sur les marchés internationaux (…) dixit Romuad Wadagni, ministre de l’Economie et des Finances.

A l’aune de la pandémie de Covid-19 qui n’épargne aucun continent, l’Union africaine a mis sur pied une Task Force opérationnelle pour appuyer et accompagner les efforts des dirigeants en vue de lutter contre la pandémie et ses conséquences économiques et humaines. Entre autres besoins urgents exprimés par la Task Force, il y a la demande concernant la mise en place d’un moratoire sur la dette des pays africains ou l’annulation de certaines dettes.

En effet, la France a appuyé et soutient l’idée que ce moratoire, décrété à l’issue de la réunion du G20 Finance, puisse être la première étape d’un processus de restructuration de la dette africaine pouvant mener à l’effacement de certaines créances, notamment pour les pays les plus fragiles.

Il s’agit-là d’un devoir de solidarité mondiale, qui peut se manifester différemment : si certains pays ont demandé un moratoire, d’autres une annulation de dette ; le Bénin faisant partie des grands ensembles régionaux (l’Uemoa et la Cedeao) ne saurait se soustraite du lot facilement. Cependant, voulant faire les choses différemment, le Bénin veut se servir de la main tendue des pays du Nord vers les pays du Sud pendant cette crise de Covid-19, pour saisir des opportunités afin de pouvoir rebondir.  Car nul ne sait réellement, à quand la fin de cette pandémie.

Selon une étude récente du cabinet McKinsey, même si le nombre de cas déclarés en Afrique  reste relativement faible, il devrait augmenter sensiblement dans les 100 jours à venir. Même s’il est très difficile de prédire avec certitude l’évolution de cette pandémie, la responsabilité collective impose de prévoir.

Dans cette perspective, le Bénin, au regard des efforts fournis par le Gouvernement de la Rupture depuis quatre ans, pour atteindre une croissance aspirée, un moratoire ou une annulation de dette n’est pas la solution idéale aux besoins actuels. Cela pourrait bien annihiler la crédibilité et la confiance retrouvée par le pays sur les marchés internationaux.

Moratoire ou Annulation de dettes égal  perte de crédibilité

Selon le ministre de l’Economie et des Finances, Romuald Wadagni, sur la question, le Chef de l’Etat a, en fait, envoyé deux lettres à l’ensemble des dirigeants du G20 et aux présidents des grandes institutions internationales, la Banque mondiale, le FMI, les grandes banques de développement.

La première, fait deux constats : le premier, les solutions proposées dans les pays du Nord pour résoudre la crise du Coronavirus ne sont pas celles envisagées par tous les pays africains. « C’est toujours les traditionnelles solutions d’implorer la pitié des pays du Nord et de demander l’annulation des dettes ». Le deuxième constat, « quand on évalue les pour et les contres de cette demande moratoire ou d’annulation des dettes, on se rend compte que non seulement, ces demandes ne permettent pas de satisfaire aux besoins actuels ; mais en plus, elles causent énormément d’inconvénients » souligne le ministre des Finances.

Selon les explications du ministre des Finances, l’offre peut paraître comme une marge de respiration budgétaire ; mais en réalité, elle ne résout pas la question  et n’offre pas en réalité les moyens d’attaquer les difficultés auxquelles on fait face. Le moratoire ou l’annulation de dette touche la crédibilité du pays demandeur et l’empêche d’avoir des facilités d’accès au financement. «Quand vous annulez les dettes, toutes les agences de notation considèrent que vous avez pris des engagements sans les respecter ; même si c’est sur la pression, la sympathie de l’opinion publique internationale ».

Il poursuit : « Par exemple, à l’échelle de l’Afrique, le montant total de l’encours de dette, enrobons (dettes sur les marchés financiers internationaux) à fin 2019, s’élève à 125 milliards de dollars US. Quand les discussions sur le moratoire ou l’annulation des dettes ont commencé, ces dix derniers jours, le cours du crédit a augmenté de plus de 500 points de base. Un pays comme le Bénin dont le taux de sa dette sur les marchés était à 4% il y a dix jours, ce taux est à 9% aujourd’hui. Et ce constat est généralisé pour l’Afrique. Sur un portefeuille de 125 milliards de dollars US de dettes, à cause de cette demande de moratoire ou d’annulation, le continent subit déjà un surcoût sur le potentiel qui dépasse 6 milliards de dollars » explique Romuald Wadagni.

Des solutions nouvelles : disposer de ressources nouvelles

La deuxième lettre du chef de l’Etat fait des propositions très claires, qui vont dans le sens de permettre au pays de disposer de ressources nouvelles qui lui permettra non seulement de faire face aux besoins actuels mais aussi de respecter ses engagements tout en satisfaisant les obligations de relancer son économie.

«Depuis des décennies, systématiquement, quand il y a des crises, les solutions proposées pour les pays du Nord sont différentes des pays du Sud parce qu’il y a des génies dans les solutions proposées pour les pays du Nord. Il revient aussi au pays du Sud de saisir l’occasion pour faire de nouvelles demandes que les traditionnelles demandes de moratoire ou d’annulation de dettes qui ne nous avancent pas en réalité » soutient-il avant de poursuivre :

«Aucun pays en Afrique n’a un taux de dette sur PIB, ce qu’on appelle le taux d’endettement sur la richesse produite dans le pays qui dépasse de 100%. Nous avons des pays du Nord dont leur taux d’endettement dépasse 200 % de leur PIB donc, deux fois plus de dettes que de richesses produites en une année. Et pourtant, ont accès à des crédits ».

A ce stade de réflexion, le Gouvernement  met les bouchées doubles pour permettre aux pays africains qui partagent la vision du Bénin de pouvoir changer la stratégie de l’aide.

La position du Bénin est donc claire : Il ne participe pas aux moratoires tels que proposés par le G20. «Profitons plutôt de cette volonté de solidarité mondiale, pour une crise mondiale, pour demander des solutions nouvelles.  Je pense que si on fait preuve de génie, en proposant de nouvelles solutions telles que le Président Talon l’a fait, nous allons voir cette solidarité se manifester différemment comme à l’accoutumée. Je me réjouis, depuis quelques jours, plusieurs grands pays rejoignent la position du Bénin ».

Rappelons que pendant quatre ans, le Gouvernement du président Talon, a fait beaucoup d’efforts pour la transformation structurelle ; pour maintenir plus de rigueur dans la gestion des finances publiques et retrouver une crédibilité sur la place internationale. «Alors si le bon choix, n’est pas fait, cet élan très salué, sera réduit à néant » avertit le ministre des finances.

Aline ASSANKPON


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