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Insécurité alimentaire au Bénin : Et si on aidait les PVVIH à mieux vivre leur maladie par l’alimentation ?


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Ph: DR-: A l’hôpital de zone d’Abomey-Calavi et de Sô-Ava, la prise en charge nutritionnelle demeure un maillon faible de la prise en charge générale des PVVIH.

 Au Bénin, la prévalence du Vih s’est stabilisée dans la population générale. Elle est de 1,2% avec des variations par endroit notamment, au niveau des populations clés. Mais aujourd’hui, si la prise en charge médicale des personnes vivant avec le Vih/Sida ne souffre d’aucun problème majeur en raison de la disponibilité des intrants, précisément des anti-rétroviraux (ARV), la prise en charge nutritionnelle demeure par contre, un maillon faible de la prise en charge globale de cette cible. Cas de la commune d’Abomey Calavi peuplée de 656 358 habitants en 2013, avec 332 784 femmes et 323 574 hommes.

Valentin Nassara est une personne vivant avec le Vih/Sida depuis 29 ans. Il vit sa séropositivité sans complexe. Si les débuts de la maladie ont été assez difficiles pour Valentin, au regard du traitement impitoyable dont il a fait l’objet de la part de son entourage proche, son courage et sa détermination à surmonter le mal, lui ont permis de se réaliser. Aujourd’hui, Président du Conseil d’administration du Réseau des associations béninoises des personnes vivant avec le Vih/Sida, Valentin Nassara est père de quatre enfants sains. Valentin s’alimente bien et respire la pleine forme.

Ph: DR-: Valentin Nassara, Président du Conseil d’administration du Réseau des associations béninoises des personnes vivant avec le Vih/Sida.

Selon Valentin, lors d’un entretien sur les antennes de la Radio Tado Fm, à l’occasion de la 31ème journée internationale du Sida, l’alimentation est importante pour la personne vivant avec le Vih/Sida parce que quand vous mangez pauvre en prenant les ARV, vous ne faites rien en tant que Pvvih. C’est en cela qu’il affirme que : « n’est pas Pvvih qui veut mais qui peut l’assumer. »

Tout comme Valentin Nassara, de nombreuses personnes vivant avec le Vih/Sida vivent leur séropositivité sans aucun signe apparent de la maladie parce qu’elles s’alimentent bien avec des aliments équilibrés. Néanmoins, la majorité s’expose à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, à la perte d’appétit, source de la dénutrition et à la pauvreté généralisée.

C’est le cas de Sylvie, une revendeuse rencontrée au service social de l’hôpital de zone d’Abomey-Calavi-Sô-Ava. Agée de moins de trente ans et mère de cinq enfants tous infectés sauf le dernier grâce à qui, la jeune maman a connu son statut sérologique, l’aîné n’est plus. Il est décédé. Mariée à un maçon Sylvie étais à Zogbodomey, une commune du département du Zou quand elle a donné naissance à ses quatre premiers enfants. « On ne m’a jamais fait le dépistage là-bas. C’est quand je portais la grossesse de mon enfant que je porte au dos qu’on m’a fait le test du sida et j’ai su que j’étais malade. Mon mari aussi est infecté. Nous menons une vie difficile. La nourriture est un souci » affirme Sylvie.

S’il est vrai qu’une nutrition adéquate permet aux personnes vivant avec le VIh / Sida de rester en bonne santé pour mener une vie active, il est aussi vrai qu’elle permet d’éviter les pertes de poids, d’aider à assurer l’efficacité des traitements anti-rétroviraux. Pour ce faire, la prise en charge nutritionnelle doit occuper une place prépondérante dans la prise en charge globale des Pvvih.

Ph: DR-: Mme Prisca Bachabi, nutritionniste intervenant dans la prise en charge des PVVIH.

Mme Marie Jeanne Dossa, Gestionnaire des anti-rétroviraux et assistante sociale dans ce service confirme et rassure sur la disponibilité des molécules. Toutefois, témoigne-t-elle, « l’appui nutritionnel fait défaut à Abomey-Calavi. C’est seulement les enfants de 0 à 24 ans que l’hôpital prend en compte ». Plan Bénin, un organisme international présent au Bénin est l’unique partenaire du service social à travers des dons de vivres. « Les difficultés existent et la prise en charge nutritionnelle est encore embryonnaire car le service social n’est pas soutenu par l’hôpital ou le ministère de la santé » affirme la nutritionniste Prisca Bachabi.

Critère et composition de la prise en charge

Selon Marie Jeanne Dossa, seuls les indigents qui manquent de repas au moins une fois par jour sont pris en compte dans le partage des vivres mis à disposition par Plan Bénin. Au niveau de la pédiatrie ce sont les enfants orphelins de père et de mère qui sont pris en compte parce que la quantité de vivres est insignifiante. « Nous avons près de 2500 patients et le partenaire nous offre 80 kits nutritionnels, parfois 60 kits. Au début de l’année 2019 nous avons reçu du partenaire 60 kits. Après c’est passé à 80. Cette année 2020 nous n’avons encore rien reçu » confie l’assistance sociale.

Le partage des vivres est semestriel et se compose de douze mesures de maïs, cinq mesures d’haricots, six mesures de riz et deux litres d’huile. « Les malades ont besoin d’appui nutritionnel. Certains par manque de moyen de déplacement ne viennent pas chercher leurs médicaments. Or, la prise en charge médicale est gratuite. Le gouvernement paie tous les médicaments des infections opportunistes. Il met également à disposition des psychologues, des juristes pour ne citer que ceux-là ».

En 2018 informe Marie Jeanne Dossa, l’Ong Buldos était en partenariat avec une autre structure et donnait l’opportunité aux PVVIH d’avoir accès aux crédits pour des activités génératrices de revenus. Cela n’a duré qu’une année. En 2019 cette cible n’a rien obtenu. Il y a un mois environ, une autre Ong s’est porté volontiers pour appuyer financièrement les personnes vivant avec le Vih/Sida indigents pour une durée d’un an.

Besoins nutritionnels

Tout être humain a besoin d’une alimentation saine et équilibrée pour maintenir son organisme en bon état de fonctionnement. Et pour cause, une alimentation équilibrée permet non seulement, d’aider l’organisme à se protéger des infections mais aussi, de compenser les pertes en énergie et en nutriments induites par les infections. C’est en cela qu’un repas équilibré contient tous les groupes d’aliments.

Dans le cas spécifique des personnes vivant avec le VIH/Sida, elles ont un besoin accru en nutriments indispensable pour le corps humain du fait que le système de défense immunitaire est très sollicité pour lutter contre l’infection à Vih. Elles doivent manger à leur faim selon que leur organisme le réclame. Leur alimentation doit être variée puis de bonne qualité car la bonne alimentation contribue à l’amélioration de l’état de santé des PVVIH.  Le menu de la Pvvih doit réunir tous les groupes d’aliments.

Ph: DR-: Les ARV servant à la prise en charge médicale des PVVIH

Si aujourd’hui, le service social de l’hôpital de zone d’Abomey-Calavi-Sô-Ava ne répond pas efficacement aux besoins des personnes infectées par le Vih/Sida, c’est également parce que, explique Pascaline Kouagou, Technicienne sociale, « au-delà de leur effectif sans cesse grandissant, les moyens sont quasi inexistants pour leur répondre au mieux alors qu’elles végètent dans la pauvreté. »  L’autre difficulté à laquelle le service est confronté encore témoigne la Technicienne sociale : « la plupart des patients sont en eux-mêmes difficiles. Ils ne veulent pas souvent se confier, se vider pour aider les agents à leur trouver des approches de solutions. Cela ne nous permet pas de bien élucider une situation afin de trouver des approches de solutions. »

Approche de solutions à l’insécurité alimentaire des Pvvih

Le volet nutritionnel étant le parent pauvre de la prise en charge globale des personnes vivant avec le Vih/Sida au Bénin et dans la commune d’Abomey Calavi en particulier, il importe entre autres, de mettre à la disposition du service social une subvention financière, matérielle, des vivres de façon régulière et périodique. Ensuite, regrouper les personnes vivant avec le Vih/Sida autour d’une activité génératrice de revenu et rechercher des partenaires pour la mise en œuvre d’un projet préalablement rédigé en collaboration avec les intéressés.

Ph: DR-: Mme Mireille Yèhouéssi, responsables de groupes de femmes en milieu rural.

A l’atelier de formation des cadres et partis politiques sur le thème «Accès et sécurisation d’accès des femmes au foncier rural », organisé par la Fondation Konrad Adenauer du 18 au 19 décembre 2019, à l’hôtel Djegba, dans la commune de Ouidah, Mme Mireille Yèhouéssi, l’une des participants a fait, au sujet du foncier, une suggestion au profit des femmes rurales à savoir la solidarité féminine. Cette responsable de deux grands groupes de femmes envisage de réunir ses semblables et acheter des terres dans les zones rurales pour soutenir d’autres femmes parce que, explique-t-elle, « quand les terres seront acquises, et que nous ne sommes pas disponibles, les femmes seront là, le suivi également sera là, et nous allons insister pour que les politiques les accompagner à travers des formations afin que ces femmes soient soulagées de leur peine. ». Cette ambition noble de Mme Mireille Yèhouéssi qui vise à défendre la cause des femmes rurales généralement exploitées par leur époux quant à la gestion et la jouissance des fruits de leur labeur est à saluer.

Néanmoins, il serait également intéressant que les Pvvih soient prisent en compte dans un projet du genre à l’échelle nationale où elles sont présentes. Et ainsi, pallier au problème d’insécurité alimentaire et de malnutrition à leur endroit. Les Pvvih souhaitent un appui financier et matériel c’est-à-dire une augmentation des vivres.

Par ailleurs, l’Etat peut octroyer des terres cultivables aux Pvvih réunies en association pour le maraîchage, et la culture des produits vivriers à leur propre compte. De même, intensifier la sensibilisation des populations, renforcer le personnel soignant et le recrutement des relais communautaires qui vont travailler dans les communautés pour la prévention et le dépistage du Vih.

La mise en application de ces initiatives au Bénin et à Abomey Calavi en particulier, aiderait le pays à être au rendez-vous de 2030 pour l’élimination du Vih/Sida. L’espoir est permis.

Eléonore EZIN

 


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