(Déclaration de l’Amicale des Retraités de la Presse écrite du Bénin (ARPEB))
Les journalistes et animateurs des médias en République du Bénin commémorent vendredi 3 mai la journée internationale de la liberté de la presse. A cette occasion, l’Amicale des Retraités de la Presse écrite du Bénin rend publique la déclaration qui suit.
C’est la Déclaration de Windhoek (capitale de la Namibie) qui a donné naissance à la Journée internationale de la liberté de la presse. Du 29 avril au 3 mai 1991, un séminaire international y avait été organisé à l’intention des responsables des journaux africains , par l’Organisation des Nations unies pour l’ éducation , la science et la culture ( UNESCO) en vue d’étudier les voies et moyens pour l’ émergence d’une presse écrite africaine indépendante et pluraliste, dans le sillage de la démocratisation de la vie publique dans les pays africains dont la Conférence nationale du Bénin ( 19 au 28 février 1990 ) avait été l’ événement catalyseur le plus notable..
A l’instar de leurs confrères du monde, les journalistes béninois commémorent depuis lors chaque 3 mai, sous la direction des organisations faitières de leurs professions, et surtout de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication(HAAC). En sa qualité d’institution inscrite dans la Constitution pour garantir et protéger la liberté de la presse , la HAAC se trouve ainsi propulsée aux premières loges pour faire de cette journée un moment particulier pour tous les animateurs des médias .
Depuis son institution au plan mondial, le 3 mai est devenu aussi la journée où chaque Etat africain, après avoir pris connaissance du rapport annuel que publie l’organisation non gouvernementale internationale Reporters sans frontières (RSF) sur l’ état de la liberté de la presse dans le monde, fait part de ses réserves, de ses contestations, et exprime sa désapprobation sur les constats inscrits dans le rapport à propos de ses relations avec le monde des médias. C’est en Afrique que l’on enregistre le plus souvent, les plus vives récriminations – voire anathèmes – au sujet de ce classement. Preuve que les pouvoirs publics africains sont de plus en plus attentifs à la manière dont sont perçus les traitements qu’ils infligent aux journalistes.
Pour l’ Amicale des Retraités de la presse écrite du Bénin ( ARPEB ), chaque 3 mai devrait être pour les journalistes béninois l’occasion de réflexions approfondies en rapport avec les réalités que vivent les animateurs des médias dans l’exercice quotidien de leurs métier d’une part, et d’autre part d’appréciations sans tabou de leurs rapports avec les pouvoirs publics. Malheureusement, c’est quand un journaliste est interpellé brutalement, molesté ou tué que l’opinion publique réagit vraiment. Or si la presse n’informe, ni ne relaie l’information sur des situations pouvant constituer un danger pour la démocratie, c’est toute la société qui se trouverait menacée des occurrences dramatiques. Certes elle se doit elle-même d’assumer ses responsabilités professionnelles et sociales avec grande conscience de son impact sur l’opinion publique. Raison pour laquelle, le classement de RSF, pour chaque Etat, prend en compte aussi bien les pratiques professionnelles que la qualité des rapports que les journalistes doivent avoir avec les différents acteurs de la vie de leur pays.
Le classement 2018 de RSF relègue le Bénin à une place où, tous ceux qui sont soucieux de la place et de la mission des médias dans une démocratie ne peuvent qu’ éprouver de la nostalgie. Nos positions de premier plan occupées juste après la Conférence nationale de 1990 ont contribué à élever le Bénin au rang des pays jouissant d’une culture démocratique enviée. Mais les discussions et controverses sur les classements de RSF ne doivent pas devenir l’arbre qui cache la jungle des problèmes, souvent complexes, que rencontre chaque jour le journaliste béninois. Après des années de luttes souvent intestines, les journalistes béninois ont réussi à créer des organisations faitières, représentatives auprès des pouvoirs publics, et en premier auprès de la HAAC. Mais comment cette position d’interlocuteurs privilégiés est-elle comprise et exploitée pour bien appréhender les vrais problèmes du monde de la presse et en discuter avec des acteurs de la vie publique qui, malheureusement, continuent de penser et de traiter les médias uniquement comme des instruments de propagande asservis à des causes partisanes ou la voie unique ? La presse courtisée à l’occasion, lorsqu’elle va dans le sens partisan et vilipendée lorsqu’elle tente de rester professionnelle, c’est-à-dire impartiale et pluraliste. Voilà hélas le sort des médias qui sont aussi des composantes essentielles de l’expression démocratique.
Le renouvellement des Conseillers à la HAAC qui intervient dans quelques semaines devrait aussi retenir l’attention à l’occasion de cette journée du 3 mai 2019. La mise en place de la HAAC comme institution constitutionnelle, le 14 juillet 1994, a été une décision dont la portée historique et politique a pu être constatée au cours de ses vingt-cinq ans d’existence qu’elle bouclera le 14 juillet prochain. Bien que l’ Assemblée nationale ait votée , le 21 août 1992 , la Loi organique fixant sa composition et sa mission , c’est presque deux ans après que la HAAC est sortie des disputes et interprétations sur la place réelle que les protagonistes de la vie politique béninoise voulaient lui accorder dans le nouveau paysage constitutionnel. A la lumière de cette situation, les trois (3) professionnels des médias et de la communication élus par leurs confrères pour siéger, aux cotés des six (6) autres membres, désignés eux par l’Exécutif et le Législatif, partaient pour une mission qui rapidement allait se révéler ne pas être du tout une sinécure.
Chaque mandature a eu à prendre des décisions et des mesures de régulation dont la pertinence n’est pas toujours bien perçue. Suspectée par une frange non négligeable de citoyens d’être une institution potiche, la HAAC est constamment sous le feu des critiques de citoyens pour qui la liberté de la presse connait encore des entraves inacceptables après bientôt trois décennies de vie démocratique. Et ce sont les représentants des journalistes au sein de l’institution qui sont les plus mis à l’index dans l’appréciation de cette situation. C’est pourquoi, l’élection des trois représentants des secteurs des médias pour la sixième mandature doit prendre un relief particulier cette année. Il est indispensable de tirer les enseignements des processus électoraux passés qui ont montré de très graves limites ; en ce qui concerne le choix des personnes, l’appréciation de leurs réelles capacités à être à la hauteur de l’importante et complexe mission de Conseiller dans une institution où l’image de marque de tout un pays est constamment en point de mire au niveau mondial.
Les expériences de ces vingt cinq dernières années montrent que pour les journalistes et techniciens des médias, leurs représentants doivent être de réels professionnels ayant une vision claire des enjeux de la régulation des activités des médias dans un Etat de droit qui se construit au milieu des contraintes qu’impose la mondialisation dans ses différentes manifestations. L’occasion aussi pour nous de rappeler à la nation béninoise entière la contribution et le rôle prépondérants de la presse dans le déroulement heureux de la conférence des forces vives de la nation dans la concorde et son accompagnement des institutions démocratiques quotidiennement. Chaque acteur détenteur de pouvoir public ou non doit garder en conscience que la disparition de la presse démocratique serait un retour désolant à des systèmes révolus dans une nation moderne.
Vive la liberté de la presse,
Vive la presse libre et véritablement plurielle au Bénin
Pour le Bureau directeur
Le président,
Noël ALLAGBADA (igboilu@gmail.com )