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Interview de Mme Idohou Léontine Konou, présidente du RIFONGA-Bénin : « Le code vient régler un véritable problème par rapport à l’accès des femmes à la terre »


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Ph: DR: Mme Idohou Léontine Konou, présidente du RIFONGA-Bénin

Ph: DR: Mme Idohou Léontine Konou, présidente du RIFONGA-Bénin

Femme leader, personne ressource à la table ronde nationale de Bohicon sur  « l’accès des femmes à la terre et aux ressources au Bénin : Problématique et pistes de solutions », Mme Léontine Idohou Konou, à travers ses riches expériences du terrain a apporté des contributions et orientations pertinentes aux débats des trois jours de conclave. A travers cet entretien, la présidente du RIFONGA-Bénin, revient sur les rôles de restitution que les acteurs doivent jouer au niveau des élus locaux et des femmes à la base. Au niveau politique, elle semble toujours déterminée pour le positionnement des femmes sur les listes électorales.

(Propos recueillis par : Aline ASSANKPON)

L-Integration.com : Mme Idohou, vous avez pris une part active à la table ronde de Bohicon à travers des contributions et témoignages pertinents. Selon vous, quel est le point fort de cette rencontre qu’on doit retenir concrètement?

Idohou Léontine Konou : Nous pouvons retenir que nos us et coutumes empêchent les femmes d’avoir libre accès à la terre ; parce qu’on a dit : « Seuls les hommes ont le droit d’hériter ». Il y a également le fait que la pauvreté a un visage féminin, les femmes sont pauvres. Elles ne sont pas toutes autonomes financièrement, elles ont des difficultés pour accéder à la terre. Même celles qui ont un peu de financement, ont des problèmes liés à l’ambition démesurée de leur mari ou de leur entourage quand bien- même ces femmes s’échinent à trouver de l’argent pour remettre à leur mari ou à un frère pour leur acheter un terrain et comme elles sont analphabètes de manière générale, ces intermédiaires achètent les terres en leurs propres noms ou nom de leur mère. C’est le jour où le mari décède ou il y a un problème que la femme se rend compte qu’elle est dépossédée de son argent, de la terre et elle n’a plus rien.

C’est pour cela que nous nous sommes dit qu’il y a un véritable problème concernant les femmes par rapport à l’accès à la terre que le nouveau code foncier et domanial vient régler. Ce code comporte beaucoup d’articles, mais il y a des articles spécifiques que nous femmes leaders, devront faire connaitre à nos sœurs, femmes des villages, des contrées et même celles des grandes villes auxquelles ces réalités échappent souvent.

Nous devons œuvrer à la sensibilisation de nos sœurs par rapport au code ; veiller à ce que l’application soit parfaite au niveau des élus locaux (maires, chefs d’arrondissement et de village) et surtout dans les instances de décisions comme les structures décentralisées de l’ANDF, (l’Agence nationale du Domaine et du Foncier ), CoGEF (Comité communal de Gestion foncière),  SV-U-GF (Section villageoise ou Urbaine de Gestion foncière) et les PDC (Programme de développement de la commune). Il doit avoir la présence de femmes dans ces structures pour prendre en compte les problèmes des femmes. Si la femme n’est pas là, il y a problème !

Notre actions aujourd’hui, c’est de faire la veille citoyenne dans ce domaine-là ; c’est d’aider nos sœurs à comprendre ce que la loi dit, quels sont leurs devoirs et droits ; et faire comprendre à la communauté (chefs traditionnels et religieux) à tout le monde, que nul n’est au-dessus de la loi ; attirer leur attention sur le fait qu’aujourd’hui, les choses ont changé et ils doivent à leur tour, changer d’attitude dans la gestion des terres par rapport aux femmes.

En tant que femme leader, vous avez formé des femmes, des jeunes filles à pouvoir aller au-devant de la scène politique pour s’affirmer. Comment la restitution va se faire au niveau de cette catégorie de femmes ?

Là, il s’agit du Projet RECAFEM4 (Renforcement des Capacités des Femmes au niveau des représentations), nous nous sommes dit que l’ancienne génération est en train de vieillir, donc au niveau de ce projet, nous formons 140 jeunes femmes avec WANEP-Bénin au Sud et à Bani au Nord 110. Ces femmes, nous renforçons leurs capacités en matière de leadership, de communication en politique, de gestion des conflits et surtout comment se faire valoir au sein des partis politiques afin que leader puisse les remarquer et les positionner en son temps, c’est-à-dire assurer la relève de qualité.

Donc, ce que nous avons fait à Bohicon sera restitué à nos membres, pour que sur le terrain, à leur tour, elles puissent faire la restitution et en parler aux jeunes filles, aux femmes et même aux hommes pour que tout le monde soit informés. Surtout qu’il y a des conditionnalités : avant tu peux acheter la terre et la laisser ça durant 50 ans, ce qui n’est plus possible ; aujourd’hui, on dit qu’il y a une durée de cinq (5) ans au maximum. Au-delà, l’Etat peut prendre le droit d’exploitation. Déjà, elles ne sont pas nombreuses ces femmes qui disposent des terres et si l’Etat leur arrache la terre, cela veut dire que nous régressons. Nous devons alors, leur expliquer  pour qu’elles puissent les mettre en valeur.

Si nous avons l’occasion sur les radios nationales, locales et communautaires, nous devons à chaque fois rappeler ces nouvelles dispositions afin que les médias relayent cela convenablement, parce que le rôle des médias, c’est de nous aider sur la visibilité de nos actions. Les médias, c’est le quatrième pouvoir et nous voulons compter sur eux pour porter l’information avec nous.

L’actualité oblige, le nouveau code électoral  procède à une sorte de reconfiguration de la classe politique au Bénin ; pensez-vous que vos jeunes femmes disposent les moyens nécessaires exigés pour se faire positionner aux prochaines élections législatives et communales ?        

Nous savons aujourd’hui que le nouveau code promulgué n’est pas en notre faveur, parce que beaucoup de femmes n’ont pas la possibilité financière au point de trouver des millions pour être sur une liste. Mais ce qui va se passer, c’est national : si le Bénin vote des lois qui replacent les femmes dans les placards, je me demande comment il pourra rendre compte des ODD en 2030 (ndlr : Objectifs de développement durable), surtout de l’ODD 5 qui parle de l’égalité des sexes ; donc, il y a un problème sérieux !

Nous devons encourager ces filles à ne pas se décourager. Comme l’a dit le roi Béhanzin, « Le pouvoir ne se donne pas, ça se conquiert » ; donc elles doivent redoubler d’ardeurs. J’ai vu la composition des comités pour COS-LEPI sur Whatsapp (je ne sais pas si c’est vrai), mais sur près de 177 personnes désignées dans tous les départements et communes, je n’ai vu que deux (02) femmes pour le moment. C’est pour dire qu’il y a problème, mais j’ai confiance à nos sœurs, à nos paires qui prendront la mesure des choses. Cela veut dire qu’il ne faut pas que les femmes continuent de céder aux chantages des hommes, nous sommes 52 %, c’est ça qu’il faut mettre dans la balance maintenant pour les prochaines élections. Et la mobilisation au sein des partis, ce sont les femmes. Donc, nous devrons montrer de quoi nous sommes capables lors des prochaines élections pour les faire réfléchir autrement.

Autrement, à l’allure où vont les choses, vous ne baissez pas la garde.

Non ! Je connais mon pays, les partis politiques, les populations ; c’est que les gens ont tendance à croire qu’ils dirigent les populations de 1960. Mais le travail que nous,  Organisations des Sociétés civiles faisons sur le terrain commence à porter au niveau des populations, il y a changement de mentalité, de comportements où ils feront la part des choses lors des prochaines élections. Je compte sur les populations.


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