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Interview de M. Sylvain Zinsou, Juriste-consultant sur la problématique des Droits foncier au Bénin : « La loi sur le foncier a été votée 3 fois en 4 ans, c’est un indicateur probant… »


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M. Sylvain Zinsou, Juriste-Consultant est un ancien fonctionnaire de la Fondation Konrad Adenauer à la retraite. A l’atelier de Bohicon sur les cours avancés à l’intention des Femmes leaders, sur les instruments juridiques en matière foncière, les participants ont beaucoup apprécié sa communication axée sur la médiation, le rôle et responsabilité d’un médiateur et les caractéristiques d’une femme leader. A travers cette interview, il revient les forces et faiblesses de cette rencontre d’échanges.

(Propos recueillis par : Aline ASSANKPON)

Ph: DR-: M. Sylvain Zinsou, Juriste-Consultant

Ph: DR-: M. Sylvain Zinsou, Juriste-Consultant

L-Integration.com : Au terme de cet atelier organisé à l’intention des femmes leaders sur les droits fonciers des femmes ; en tant que communicateur, quelles sont les forces et faiblesses de ces cours avancés?

M. Sylvain Zinsou : Cet atelier qui s’adressait aux femmes leaders était bienvenu. J’ai eu à constater que c’était important qu’on réunisse les femmes leaders politiques dans leur communauté pour parler des droits d’accès des femmes à la terre et de leur rôle et responsabilité en tant que leader ; et ce qu’elles peuvent faire à la base pour l’information des autres femmes.

J’ai également constaté que ces femmes avaient réellement besoin des informations. Parmi elles,  il y en avait qui sont Conseillère et d’autres Chef d’arrondissement,  donc qui gèrent au quotidien des problèmes fonciers des citoyens. Bien qu’ayant une idée de ce qu’elles doivent faire, elles travaillaient sans tenir compte forcément de ce que disent les nouvelles lois. Je trouve alors pertinente  leur participation ; elles nous ont enrichi nous-mêmes parce qu’à travers des cas vécus, elles illustrent les situations auxquelles elles sont confrontées ;  ce qui nous a permis de leur donner des approches de solutions et de les orienter quant aux procédures à suivre face à des situations difficiles. C’est une note positive.

Les participants très studieux sur la communication de M. Zinsou

Les participants très studieux sur la communication de M. Zinsou

Au titre des faiblesses, j’ai  observé que les niveaux de connaissance des participants n’étaient pas les mêmes. Pour avoir une bonne participation, il faut veiller dans ce genre de séminaire, qu’on désigne vraiment des gens qui peuvent comprendre des concepts qu’on discute et les assimilés afin de pouvoir les partager avec les autres ; parce qu’il y en a qui sont venues, qui ont appris, écouté mais je ne suis pas sûr qu’elles puissent rendre fidèlement les informations.

Une note positive également, votre communication axée sur la médiation et les caractéristiques d’une femme leader. C’était une sorte de coaching qu’elles ont beaucoup apprécié. Qu’en dites-vous ?

Pour moi, en tant que femmes leaders politiques à la base, il était important  de mettre l’accent sur le leadership parce que le grand problème que nous avons au Bénin – et ce n’est pas au niveau des femmes seulement – c’est le manque de vision générale. Souvent, les gens n’ont pas une vision, mais s’engagent dans l’action publique et politique ; alors qu’ils ont des citoyens qui les suivent. Or si vous avez des gens qui vous suivent, vous devez avoir une vision pour les conduire vers un objectif ou une destination. C’est pour cela qu’il fallait qu’on travaille sur ces thèmes-là ; qu’on partage avec les femmes quelques valeurs pour qu’elles puissent davantage affiner leurs actions sur le terrain. Ça c’est un premier constat.

Deuxième constat, la plupart de ces femmes sont des potentiels candidates de leur communauté et donc sont appelées à agir pour le bien commun des citoyens afin d’améliorer leur condition de vie. Par conséquent, il faut non seulement, les doter des outils pour affiner leur approche de vision sur le terrain afin de gérer les différends – s’ils étaient bien maîtrisés – pour  l’harmonie et la paix dans la communauté ; car si on laisse végéter ces différents, cela pourrait détourner tous les efforts et toutes les énergies qui rentrent dans les actions de développement.

Ph: DR-: "il ne faut pas désespérer parce que la loi vient d’être votée..." dixit le communicateur

Ph: DR-: « il ne faut pas désespérer parce que la loi vient d’être votée… » dixit le communicateur

Par ailleurs, on a noté une frilosité chez les femmes pour aborder la question des droits d’accès à la terre dans leur communauté ; néanmoins, elles s’engagent à faire le travail mais surtout avec l’appui des chefs traditionnels et de la Fondation. 

Il faut dire que les problèmes fonciers sont très délicats et constituent une grande partie des enjeux socio-politiques et économiques de notre pays. Voyez tous les développements qu’il y a eu du côté du vote des lois, de leur remise en cause, de leur reprise et de leur modification. En l’espace de quatre ans, la loi a été votée par trois fois, c’est déjà un indicateur pour dire que les problèmes fonciers sont difficiles à résoudre.

Par conséquent, dire aux femmes le rôle qu’elles doivent jouer dans leur communauté en tant que leader politique par rapport aux problèmes fonciers, c’est les envoyer à l’ »abattoir » ; parce que c’est des problèmes très durs, très délicats. Elles ont pris conscience de ces enjeux, de la responsabilité qui est la leur et des difficultés auxquelles elles pourraient être confrontées sur le terrain pour la vulgarisation et la mise en œuvre de ces lois. C’est  tout à fait normal !

Par contre, il ne faut pas désespérer parce que la loi vient d’être votée, quatre ans seulement et il n’y a pas eu un effort de vulgarisation par les acteurs politiques qui les ont voté. On ne trouve nul par dans le budget des communes, ni dans le budget national des mesures de mise en œuvre de sensibilisation et d’information des populations. Et on demande à des femmes qui déjà s’engagent difficilement dans la vie publique d’aller vers les autorités locales, des notables ou propriétaires terriens, pour dire le droit d’accès des femmes à la terre et ses effets. C’est normal qu’il y ait des craintes et des hésitations.

Les femmes réparties en travaux de groupe - ci-contre Groupe A

Les femmes réparties en travaux de groupe – ci-contre Groupe A

Il faut des actions renouvelées, tout ce que nous faisons sera résolu peut-être sur une génération ; mais l’essentiel est que l’action a déjà commencé. Elles ont l’information qui leur permettra de résoudre les conflits à partir de leur foyer, de leur entourage et dans leur communauté.  Ce qui produira des effets multiples ; ce qui est sûr, d’autres actions suivront pour renforcer ce qui se fait déjà.

Le mérite revient alors à la Fondation Konrad Adenauer qui a pris l’initiative de sensibiliser toutes les catégories d’acteurs et de mettre à leur disposition l’arsenal juridique existant en matière foncière afin de permettre aux femmes d’avoir accès à la terre pour une agriculture familiale en milieu rural.

Tout à fait ! Le mérite revient à la Fondation d’avoir cette vision sur le droit d’accès des femmes à la terre et de poser le débat aujourd’hui ; d’inviter les acteurs et d’attirer leur attention sur leur rôle et responsabilité à la base. La Fondation a vu très loin le problème que pourrait générer le vote de cette loi, les droits d’accès des femmes à la terre et le rôle des femmes leaders d’opinion au niveau de leur communauté et de les préparer à assumer ces responsabilités dès maintenant.


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