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Approches innovantes et territoriales de Sécurité alimentaire et nutritionnelle / De la théorie à l’action : Interview de Mme Mariam Sow Soumaré : « Pour moi, la sécurité alimentaire, c’est un tout, c’est le développement »


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Apprendre les bonnes pratiques des uns et des autres, les intégrer dans chaque contexte selon les réalités du pays, cela faisait l’objet d’une des brillantes communications présentées à la Réunion du Réseau de la Prévention des Crises alimentaires (RPCA). De la théorie à la pratique, Mme Mme Mariam Sow Soumaré du NEPAD, revient ici  l’approche territoriale au renforcement de la résilience. Une présentation qui en effet dévoile les réussites techniques en matières d’approches territoriales de sécurité alimentaires et nutritionnelles ; les préoccupations spécifiques liées au renforcement des capacités, la participations de certains acteurs locaux à la décision dont les jeunes et les femmes et l’optimisation du potentiel de gisement d’emplois qu’offrent les chaînes de valeurs agro-alimentaires dans la région, rien n’est laissé au hasard.

(Propos recueillis : Aline ASSANKPON)

L-Integration.com : Mme Mariam Sow Soumaré, pouvez-vous nous faire un bref un résumé de votre présentation sur l’approche territoriale de la résilience ?

Ph: DR-: Mme Mariam Sow Soumaré du Nepad

Ph: DR-: Mme Mariam Sow Soumaré du Nepad

Mme Mariam Sow Soumaré : Oui, je disais que cette approche territoriale est une approche qui nous permet d’analyser les moyens d’existence des populations. Quand on parle de moyen d’existence, on essaie de voir dans le temps et dans l’espace, comment les populations arrivent à s’approvisionner, à faire face à leur besoin de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Donc forcément, l’approche territoriale doit être au centre des préoccupations. Et c’est grâce à cette approche-là que l’on peut améliorer les moyens d’existence des populations. Parce qu’en ce moment-là, on comprend mieux quels sont les espaces dans lesquels ils opèrent, quels sont les saisons dans lesquelles ils opèrent. Car en fonction des saisons et des espaces, on peut identifier les contraintes, les périodes dangereuses pour les populations ; autrement dit, cela nous permet d’apporter des solutions adéquates et appropriées par rapport aux besoins que ces populations-là ressentent.

Et qu’en est-il du programme contenu dans cette approche ?

Le programme existe depuis 2011 où nous avons pris beaucoup de plaidoyers auprès des acteurs et parties prenantes et nous avons également depuis 2013, fait l’ensemble des études d’évaluation des risques dans huit pays africains. Aujourd’hui, nous avons ces études disponibles dans les huit pays-là et 2018, nous allons entrer dans la phase opérationnelle. Nous allons mettre en œuvre les solutions qui ont été identifiées, entrées réellement dans le cadre de la mise en œuvre de ces solutions-là ; faire participer les populations, avoir une approche très inclusive en terme de genre et en terme de territoire. C’est justement pour cela que nous abordons cette thématique. Et nous voulons donc que ces différentes solutions qui sont identifiées soient réellement partagées au titre des expériences à partager à l’intérieur des pays et à l’extérieur aussi bien qu’à travers les réseaux avec les autres réseaux pour que les autres puissent utiliser ces programmes-là.

Ph/ Dr-: Mme Mariam Sow Soumaré du Nepad expliquant l'approche Top down et Button up de son projet

Ph/ Dr-: Mme Mariam Sow Soumaré du Nepad expliquant l’approche Top down et Button up de son projet

Quelle est l’intérêt des approches Top down (de haut en bas) et Button up (de bas en haut)?

L’approche Top down est importante ; vous savez, nous sommes dans un monde globalisé, si nous allons dans  le coin le plus reculé du Bénin, s’il y a une hausse de prix du riz ou du blé au Vietnam ou en Thaïlande, eh bien ce petit coin reculé risque de le sentir. Parce que nous dépendons beaucoup de l’importation. Nos frontières sont largement ouvertes. Donc cette approche Top down consiste à prendre en compte l’ensemble des contraintes qui nous viennent d’en haut, de rajouter les contraintes auxquelles sont nous sommes confrontés à notre niveau, auxquelles on rajoute encore des contraintes qu’on rencontre quand on va à un niveau plus bas, les populations rencontrent. On met tout ceci ensemble pour pouvoir apporter des solutions appropriées aux populations qui sont sur le terrain.

Quant à l’approche Button up, elle consiste à dire ce que les populations vont mettre en œuvre au niveau local. On peut en tirer des enseignements, des leçons qui peuvent être remontés et qui peuvent nous dire de quoi, ils ont besoin dans le cadre de la planification. Donc, nous pouvons faire notre planification au niveau local en tenant compte des expériences qu’il y a sur le terrain. Ainsi on remonte des expériences de la planification locale  vers la planification au niveau national et aller au niveau international. C’est le cas de la Chine qui décide de sa politique intérieure et les mesures prises pour la mettre en œuvre influencent ce qui se passe en Afrique. La Chine a décidé aujourd’hui que c’est le marché intérieur qui l’intéresse mais ils viennent chez nous prendre les matières premières pour leur marché intérieur. Donc l’approche Button up permet de prendre en compte vos préoccupations, de bâtir des politiques là-dessus, et si vous êtes suffisamment puissant, vous pouvez imposer vos politiques au reste du monde. Les autres continents l’ont fait ; pourquoi l’Afrique ne serait pas capable d’imposer nos politiques, notre façon de voir et ce qui nous convient ? Nous devons être capables de l’imposer aux autres.

Alors quels sont les outils (la méthodologie) nécessaires à utiliser pour la mise en œuvre de ces approches?

Moi, je préconise trois outils ; alors qu’on nous a présentés à cette rencontre, un outil. Il faut faire attention, ce n’est pas une panacée. On ne peut pas utiliser un seul outil et penser régler les problèmes de la sécurité alimentaire. Ce n’est pas vrai, il faut forcément une combinaison d’outils de gestion. Ensuite, il faut qu’on y associe des politiques qui soient favorables et qui permettent à ces outils d’être opérationnels et enfin, s’attaquer aux contraintes, c’est le troisième outil. Les contraintes sont essentiellement en termes d’infrastructures, de routes, de ponts, de magasins de stockage, de centres de santé, d’établissements scolaires, etc ; et bien sûr, la science et la technologie. Si on n’y associe pas ces deux dernières dans une ère de changement climatique, on aura des problèmes et on ne va pas y arriver.

Brièvement, quels sont les principaux enjeux qui se dégagent de ces approches techniques ?

Je pense que l’approche que nous allons adopter est une approche inclusive, parce que si on ne prend pas en compte les besoins des populations à la base, y compris les femmes et les jeunes, on risque de se tromper. Autrement dit, on risque de proposer des politiques et des solutions qui  ne sont pas adéquates et qui ne vont pas régler le problème de fond. En ce moment-là, on va se retrouver dans dix ans à poser les mêmes questions. Ça je crois que c’est le grand enjeu aujourd’hui.

Le second enjeu important, il faut que nos gouvernements acceptent de prendre les choses en mains et qu’on arrête de penser que ce sont les bailleurs qui vont régler nos problèmes. Vous voyez, il y a des pays en Afrique aujourd’hui (je ne veux pas les citer) qui décident de faire leur propre planification. Dès qu’ils finissent, ils disent voilà c’est dans ce cadre-là que les bailleurs doivent intervenir s’ils veulent nous aider ; s’ils ne veulent pas, nous les remercions. Est-ce que nos gouvernements ont la force, la volonté politique nécessaire pour élaborer leur propre planification et l’imposer à tous ceux qu’ils veulent nous aider ?

Pas tous, en tout cas !

Et c’est là, l’enjeu.

Par rapport aux acteurs locaux, quelle mesure garantirait leur autonomie, notamment les femmes et les jeunes et leur capacité à définir eux-mêmes leurs priorités.

Moi je crois que si on veut une bonne implication des acteurs locaux, il faut leur apporter la formation, l’éducation et le plaidoyer ; il faut impliquer tout le monde et non essentiellement les femmes et les jeunes. C’est ainsi qu’on peut arriver à mettre les acteurs locaux dans de bonnes conditions, de prendre réellement des décisions qui s’imposent et qui sont adéquates pour eux-mêmes.

C’est avéré aujourd’hui que la Sécurité alimentaire et nutritionnelle est un vecteur d’emplois et peut aider à résorber le chômage galopant.

Pour moi, la Sécurité alimentaire, c’est un tout, c’est le développement. La sécurité alimentaire, c’est la production, la transformation, la commercialisation, le stockage, etc, des éléments qui interviennent dans la sécurité alimentaire. Et lorsqu’on regarde  toutes nos productions, elles sont capables d’avoir des effets d’entraînement extrêmement importants sur toute l’économie. Pour moi, c’est un tout ! Il faut y mettre surtout l’hygiène, la santé, l’eau potable, car sans l’eau potable, il n’y a pas de sécurité alimentaire.

 

 


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