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Protection des enfants en situation de mobilité / Interviews : « L’approche mobilité est une approche nouvelle, novatrice, flexible, porteuse d’opportunités pour l’avenir des enfants ».


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 « Tout enfant migrant est-il trafiqué, maltraité, enrôlés dans des conflits armés ou commis à de durs travaux ou même tués ? Autrement dit, tout déplacement de mineur est-il porteur de risque ?» La réponse est plus ou moins non ! Avec la nouvelle approche de mobilité de l’enfant, la migration vers d’autres localités ou pays peut constituer une opportunité de réussite non seulement pour l’enfant, mais également pour ses parents et sa communauté. Dr Ligan D. Charles, journaliste, point Focal de l’approche Mobilité, revient ici en profondeur sur les contours de cette nouvelle approche de la mobilité de l’enfant africain.

L-intégration : Dr Ligan, en tant que Point focal de l’approche mobilité, quel est votre regard sur la Protection de l’Enfant en situation de mobilité ?

Dr Ligan Dossou  Charles, journaliste, point Focal de l’approche Mobilité

Dr Ligan Dossou Charles, journaliste, point Focal de l’approche Mobilité

Dr Ligan D. Charles : Beaucoup d’enfants ont eu la chance d’être nés et de grandir dans des conditions plus ou moins acceptables. D’autres par contre, n’ont eu leur salut qu’en se déplaçant de leur milieu biologique. Des enfants sont souvent refoulés aux frontières, traqués ou interceptés par des forces de l’ordre ou autres travailleurs sociaux. Mais osons-nous poser les questions ci-après : Tout enfant migrant est-il trafiqué, maltraité, enrôlés dans des conflits armés ou commis à de durs travaux ou même tués ? Autrement dit, tout déplacement de mineur est-il porteur de risque ? Le danger est-il partout aux pieds de l’enfant migrant ? A contrario, n’est-il pas possible pour l’enfant migrant de réussir sa vie en bougeant ?

Il s’agit donc de voir ensemble quel nouveau regard porté sur la thématique relative à la mobilité des enfants et ne plus traiter l’information selon laquelle le déplacement des enfants comme étant seulement porteur de risque ; mais que, désormais, il y a des opportunités pour les enfants qui bougent. L’enfant qui bouge a des intérêts et des opportunités non seulement pour lui-même mais également pour sa communauté d’origine. Et c’est des éléments que nous souhaitons partager avec vous pour que nous ne continuions plus de projeter le regard placide, mécanique d’avant, sur la situation de mobilité. Que nous puissions prendre cette approche mobilité comme une approche nouvelle, novatrice, flexible et qui est porteuse d’opportunité véritablement pour les enfants et pour leurs avenirs.

A travers cette nouvelle approche, vous inviter les gens à laisser partir leurs enfants à l’étranger pour étudier ou s’adonner à une activité génératrice de revenus. L’essentiel c’est de s’assurer de sa protection dans son nouvel environnement. Est-ce bien cela ?

Exactement ! D’abord, la mobilité a plusieurs aspects : il y a la mobilité interne et la mobilité externe. Un enfant qui quitte une commune pour une autre commune est en situation de mobilité interne. De même pour un enfant qui quitte un pays pour un autre pays, il est en situation de mobilité externe.

Alors pendant que les enfants sont train de faire ces déplacements, qu’est-ce qui est avantageux pour eux ? Qu’est-ce que cela génère pour eux  en termes de profit?  Ce sont ces aspects positifs que nous sommes en train de rechercher et qui ont été véritablement révélé par des études menées par « Terre des hommes » (Tdh) en compagnie des autres organismes qui s’occupent de l’Enfance en Afrique et dans le monde et qui ont montré que, lorsqu’on parle de la mobilité de l’enfant, il ne s’agit pas que de la traite, ni du trafic d’enfants. Il ne s’agit pas seulement du risque, de mort ou d’enrôlement d’enfants dans les conflits armés, etc. L’enfant qui bouge, il bouge culturellement, professionnellement, économiquement. Il bouge pour s’épanouir, pour se former et pour générer des profits pour sa communauté.

Dans l’histoire des hommes, vous allez constater que la plupart des personnes que nous prenons comme modèle, que nous apprécions aujourd’hui, ont eu un passé qui n’est pas loin de ce que nous appelons l’approche mobilité. Et donc, c’est en bougeant, en allant voir ce qui se passe ailleurs, que nous nous ouvrons au monde, que les mentalités mûrissent, que nous captons des opportunités.

L’aspect positif de la mobilité est ainsi mis en exergue.

C’est bien cela ! Dans l’approche mobilité, c’est vrai qu’il y a de risques, même pour les personnes adultes.  Lorsque vous bougez d’une commune à l’autre, il y a de risque, c’est pareil pour les enfants aussi. Mais quand on fait l’analyse d’une manière globale, holistique, on se rend compte que les risques dont on parle sont véritablement mineurs. Nos décideurs doivent comprendre cela et l’intégrer désormais dans l’élaboration des instruments juridiques au niveau interne, bilatéral et régional. Pour  que l’enfant ne soit pas étouffé et  restreint à demeurer sur place.

Vous touchez là, un point sensible : lorsqu’on laisse partir les enfants, compte tenu des opportunités qui s’offrent à eux, ils ne reviennent plus et les parents se retrouvent seuls sans enfants. C’est un aspect social qu’il ne faut pas occulter.

Il y a une étude qui a été réalisé sur cet aspect précis et qui a parlé des mécanismes endogènes de la protection des enfants. Un exemple : Lorsque vous quittez le Nigéria jusqu’en Côte-d’Ivoire, il y a quelque chose qui unie ces peuples-là en matière de culture : C’est la consultation du Fâ. Et l’une des études réalisée par Tdh, a montré que le Fâ permet de révéler ce que le mouvement de l’enfant peut lui générer en termes de bienfaits et d’opportunités, également en termes de risques. Et donc, le parent qui n’est pas convaincu que l’enfant sera là où il part, il peut recourir à ces mécanismes endogènes de protection des enfants. Il y en a de plusieurs sortes dans nos communautés.

Vous faites ainsi, l’apologie de ces mécanismes scientifiques endogènes. Mais dites-vous que tout le monde n’a pas la possibilité de consulter le Fâ.

C’est un exemple parmi tant d’autres. Si vous allez ailleurs (Togo, Côte-d’Ivoire, Mali, Sénégal), il y a d’autres mécanismes endogènes de protection de l’enfant. Le Fâ, c’est ce qui concerne le Bénin. Et ici, selon que vous alliez d’une commune à l’autre, il y a beaucoup de mécanismes endogènes de protection. Il faut voir les amulettes qu’on met aux enfants, c’est des éléments qui permettent de les protéger. Tout ce qu’on fait à un enfant pour lui éviter tel ou tel risque ou danger sont des mécanismes endogènes de protection.

Et donc, si nous savons aujourd’hui que la mobilité de l’enfant est porteuse d’opportunité, on peut-en toute connaissance de cause – protéger l’enfant dans l’intention qu’en allant, il va ramener des profits pour lui-même et pour sa communauté. Ce n’est pas donc que nous faisons de l’apologie pour les mécanismes endogènes encore moins pour la mobilité des enfants mais de comprendre que c’est une vue, un nouveau regard positif qu’il faut avoir. Parce que les conceptions dans lesquelles les Occidentaux avaient élaboré les instruments juridiques qui protègent les enfants,  sont vraiment liées à leurs cultures, mais ne prennent pas en compte les aspects culturels de chez nous en Afrique. Il y a beaucoup d’enfants qui partent, qu’on nous renvoie, qui la semaine suivante se retrouvent encore de là où on les a renvoyés.

C’est tout à fait réel !

Justement parce qu’ils disent que leur bonheur, c’est là-bas. Est-ce qu’on a pris en compte la préoccupation de ces enfants-là ; Est-ce qu’on les a interrogés sur leur opinion par rapport au mouvement qu’ils sont en train d’effectuer, avant de les refouler dans leur pays ? Donc il faut qu’aujourd’hui, à tous les niveaux de l’administration que les gens soient mentalement préparés pour comprendre qu’il y a des phénomènes comme ça qui s’observent chez nous.  Mais on n’est pas seulement payé pour renvoyer, refouler mais pour analyser et comprendre en tant qu’être humain ce qui se passe réellement pour ne pas être obligé d’agir comme des mécaniciens.

Propos recueillis : Aline ASSANKPON


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